Comment la Chine utilise les Balkans comme tête de pont pour installer ses positions en Europe <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
Comment la Chine utilise les Balkans comme tête de pont pour installer ses positions en Europe
©Naohiko Hatta / POOL / AFP

Politique

Angela Merkel a indiqué être concernée et même méfiante face à l’intérêt que porte actuellement la Chine pour certains pays des Balkans.

Claude Meyer

Claude Meyer

Claude Meyer, conseiller au centre Asie de l'IFRI (Institut français des relations internationales), a enseigné l'économie et les relations internationales à Sciences Po. Docteur en économie, diplômé en philosophie, sociologie et études asiatiques, il a publié de nombreux ouvrages, parmi lesquels : "La chine, banquier du monde" (Fayard, 2014) et L'occident face à la renaissance de la Chine (Odile Jacob, 2018).

 

Voir la bio »

Atlantico : Pourquoi Angela Merkel a indiqué être concernée et même méfiante face à l’intérêt que porte actuellement la Chine pour certains pays des Balkans ? Faut-il craindre, comme elle, une immiscion politique de l’Empire du Milieu par le biais des Balkans ?

Claude Meyer : Il est évident que l’Europe est cruciale pour la Chine du point de vue économique. Toute sa stratégie est effectivement différenciée selon le niveau de développement des pays, que ce soient les pays occidentaux, des Balkans ou de l’Europe de l’Est. Le problème devient cependant de plus en plus aigu avec la question des routes de la Soie dont les pays d’Europe orientale sont très friands, si j’ose dire, parce que cela leur permet de recevoir des investissements, de type infrastructures ou autres. Les pays de l’Europe occidentale sont aujourd’hui beaucoup plus réservés parce qu’ils y voient un canal d’une influence de plus en plus importante de la Chine sur le plan économique mais aussi sur le plan politique. La Chine a en effet mis au point une stratégie qui consisté à profiter des divisions pour mieux régner. Elle divise les pays européens.

Quelle est la responsabilité de l’Europe dans cette « ingérence » économique et politique via les Balkans notamment ?

L’Europe est incapable de parler d’une seule voix. Elle offre un boulevard à la Chine en raison de ses divisions, parce que ses intérêts commerciaux, économiques sont très différents. Aujourd’hui l’Allemagne devient un peu plus réservé, mais elle a été pendant très longtemps extrêmement accueillante vis-à-vis de l’expansion chinoise. Elle a refusé par exemple des droits de douane sur les panneaux solaires lorsque ses intérêts le demandait. Et ses intérêts avec la Chine sont considérables : 9% de part de marché, me semble-t-il. Il y’a donc bien deux éléments dans la situation actuelle : une stratégie assez habile de la Chine qui consiste à profiter des divisions internes à l’Europe, et en face de cela, une Europe qui est incapable de définir une stratégie commune. Dans le cas des pays des Balkans, cette faiblesse est d’autant plus grande que certains pays ne sont pas, ou pas encore dans l’Union européenne. C’est le cas par exemple de la Macédoine où les investissements en infrastructure ont été très importants ces derniers temps mais qui pour autant compte rentrer prochainement dans l’UE.

Cependant, Angela Merkel a exprimé sa méfiance, comme Macron lors de sa visite en Chine. Qu’est-ce qui a changé ?

Il commence à y avoir une prise de conscience, notamment sur le danger d’un certain nombre d’investissements. L’Allemagne l’a vu lors de la tentative de rachat de Kuka, une entreprise allemande qui fabrique des machines-outils et que voulait racheter des investisseurs chinois. Berlin avait geler ce rachat. Depuis cette tentative en 2016, elle regarde la Chine d’un oeil un peu plus circonspect. Et on a eu deux choses depuis : en décembre dernier, a été publié un énorme « pavé », définissant la stratégie européenne vis-à-vis de la Chine, avec notamment des critiques très féroces vis-à-vis de Pékin. D’autre part, on a observé un effort de coordination, notamment au niveau des investissements, sur la politique à adopter. Et ce parce que contrairement aux Etats-Unis, l’Europe ne possède pas d’organisme supranational capable de s’opposer à tel ou tel investissement qui menacerait soit la sécurité économique soit la sécurité au sens strict du terme.

Comment faut-il aborder dès lors ces prétentions chinoises ? Avec fermeté ?

Comme toujours avec la Chine, il faut éviter l’angélisme. Mais aussi la diabolisation, parce que nous sommes aussi un peu victimes, comme je vous l’ai dit, de nos divisions. L’exemple de la Grèce, qui a connu des investissements très importants pendant la crise il y a quelques années, est significatif. Elle est en quelque façon pieds et poings liés vis-à-vis des investissements chinois. Et c’est pour cela que c’est la Grèce qui s’est opposée à ce qu’il y ait une déclaration commune sur les droits de l’Homme en Chine. Et ce même si les prétentions d’investissements ont pu être freinées après la reprise du port du Pirée par des investisseurs chinois.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !