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Stop à la démagogie ! Le pouvoir politique devrait garder un peu de mesure avant de critiquer le salaire élevé des stars du foot
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Footage de gueule

Depuis l'annonce du transfert du joueur suédois Zlatan Ibrahimovic au PSG pour un salaire annuel de 14 millions d'euros, la classe politique dans son ensemble s'est insurgée contre l’indécence des sommes en jeu. Pourtant, ce ne sont pas les mieux placés pour donner des leçons de gestion. Un seul exemple : depuis 1974, aucun budget à l'équilibre n'a été voté...

Philippe David

Philippe David

Philippe David est cadre dirigeant, travaillant à l'international.

Il a écrit trois livres politiques : "Il va falloir tout reconstruire", ouvrage qui expliquait le pourquoi du 21 avril,  "Journal intime d'une année de rupture", sorti en 2009 aux éditions de l'Ixcéa, qui retrace les deux premières années de présidence Sarkozy et  "De la rupture aux impostures", Editions du Banc d'Arguin (9 avril 2012). 

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« Je n’aime pas les riches ». Cette formule lapidaire de François Hollande, devenu depuis quelques mois président de la République, a malheureusement fait florès dans l’ensemble de la classe politique française à droite comme à gauche, le détonateur de cette nouvelle croisade contre les riches ayant été le transfert du joueur suédois Zlatan Ibrahimovic au Paris-Saint-Germain, moyennant un salaire de 14 millions d’euros par an.

Florilège des réactions des politiques désireux de se refaire une virginité à bon prix

Roselyne Bachelot, ex ministre des Sports, sur I-Télé : « Ça suscite chez moi de l'indignation et presque du dégoût de voir ces salaires absolument incroyables alors que dans nos petits clubs de football, on se bat comme des chiens pour arriver à faire vivre ces clubs. »

Najat Vallaud-Belkacem, porte-parole du gouvernement : « Je crois que le montant du revenu touché (par Ibrahimovic) a choqué beaucoup de gens et donc il me paraît naturel qu'il puisse contribuer à l'effort collectif. Il n'y a pas de raison que les sportifs échappent à cette nouvelle tranche d'impôt exceptionnelle de 75%. »

Chantal Jouanno, sénatrice UMP : « C’est le caractère indécent du transfert qui m’agace. Quand je vois les difficultés du football amateur pour survivre, le manque d’argent pour la formation ou aider le développement du football féminin, je trouve ça indécent qu’on puisse mettre autant d’argent pour une seule personne. Ça prouve qu’il y a beaucoup d’argent dans le football. »

Jérôme Cahuzac, ministre du Budget : « Ces chiffres ne sont pas impressionnants, ils sont indécents. Ils sont indécents à un moment où dans le monde entier chacun doit faire des efforts, connaît les conséquences terribles d'une crise que d'ailleurs la financiarisation du monde de l'économie avait provoquée, cette même financiarisation semble s'emparer de plus en plus chaque mois ou chaque année du football. On peut craindre peut-être des conséquences qui seraient désastreuses car l'on sait que beaucoup de clubs, notamment dans l'Europe du sud, sont endettés au-delà du raisonnable. »

Valérie Fourneyron, ministre des Sports a parlé de sommes « astronomiques et déraisonnables ».

Une seule voix dans la classe politique a été discordante et, oh surprise, elle vient de…la gauche du Parti socialiste puisque Benoît Hamon a déclaré : « Ça me réjouit, je suis ravi qu’il paie des impôts en France ».

Merci Monsieur Hamon de lever le niveau du débat et d’avoir été le seul à dire une chose censée concernant, faut-il le rappeler, le transfert d’un joueur de football qui n’avait pas au départ pour vocation de devenir un sujet de débat au sein de la classe politique française.

Faut-il rappeler que le PSG est une entreprise privée ?

Tout d’abord le Paris-Saint-Germain est une entreprise privée dirigée par des actionnaires qui font ce qu’ils veulent de leur argent. Si demain Monsieur Al Khelaïfi décidait de dilapider toute sa fortune au jeu ou ailleurs, cela relèverait de son droit et de sa responsabilité et nul n’a le droit de dire, à lui ou à qui que ce soit, ce qu’il doit faire de son argent.

Ensuite, nos politiques sont-ils qualifiés pour donner des leçons de gestion à qui que ce soit sachant que tous ceux nommés auparavant n’ont, depuis qu’ils sont parlementaires, jamais été capables de voter un budget en équilibre (il faut dire que le dernier budget en équilibre de la France remonte à 1974, année où Madame Jouanno était encore à l’école maternelle…) ?

Le fait que Monsieur Al Khelaïfi endette son club me gène personnellement infiniment moins que les milliards de dettes que nous laissent les politiques année après année et que je paye, comme les paieront mes enfants et mes petits enfants, voire mes arrière petits enfants…

Bien sûr, les sommes sont « astronomiques et déraisonnables » mais, enfin, n’est ce pas bon de retrouver en France un club capable de relever le défi européen face aux mastodontes espagnols, anglais, allemands ou italiens ? Comment expliquer que même le Portugal, pays infiniment plus pauvre par habitant et plus petit que la France, nous ait dépassé au coefficient UEFA l’an dernier ?

Mme Fourneyron, en tant que ministre des sports, n’en avez-vous pas marre, comme moi simple citoyen supporter, de voir les clubs français en Coupe d’Europe réguliers dans les roustes et constants dans l’humiliation face aux clubs des autres pays européens ? N’avez-vous pas honte pour le sport français de voir le Bayern sortir Lyon ou Marseille en jouant à 30% de ses moyens ? N’avez-vous pas de la tristesse quand vous voyez les clubs de Ligue 1 ne servir que de faire valoir dans les compétitions continentales qui, faut-il le rappeler, ont été inventées par les français pour que les autres fassent la fête après les avoir gagnées ?

M. Cahuzac, en tant que ministre du budget, n’êtes-vous pas content de voir, si on en croit le système de rémunération envisagé par les actionnaires Qataris du PSG, rentrer dans les caisses de l’Etat grâce au seul Zlatan Ibrahimovic, 56 millions d’euros par an (40 millions en impôts et 16 en charges sociales), une autre source parlant même de 62 millions ? Ne croyez-vous pas que cet argent va être utile, vu l’état d’endettement du pays et la situation catastrophique dans laquelle il se trouve ? Préféreriez-vous voir le joueur suédois (et pourquoi pas les autres joueurs du PSG) retourner payer leurs impôts en Italie ou partir les payer en Espagne ou en Angleterre ?

Mesdames et Messieurs les politiques, quitte à parler « d’indécence », n’est-il pas indécent en cette période de crise de voir les députés refuser de fiscaliser leur enveloppe de frais de représentation (plus de 6000€ par mois, excusez du peu) alors que n’importe quel salarié ou fonctionnaire français doit pouvoir justifier tout les frais qu’il fait pour son administration ou pour sa société ? Toujours pour rester dans « l’indécence », n’est-il pas indécent de savoir qu’un député, pour cinq années de mandat, va toucher une retraite de 1548€ par mois, c'est-à-dire plus que la moyenne des salariés ayant cotisé plus de quarante années (alors que certains députés cumulards ne mettent pratiquement jamais les pieds à l’Assemblée Nationale) ?

Mme Vallaud-Belkacem, ne vous inquiétez pas, Ibrahimovic paiera ses impôts comme l’ensemble des footballeurs professionnels qui jouent en France. D’ailleurs, comme l’a rappelé à juste titre Frédéric Thiriez, le Président de la Ligue de Football Professionnel, le football professionnel français a rapporté à l’état l’an dernier la bagatelle de 622 millions d’euros en impôts et en charges sociales.

622 millions, c’est à peu près la somme qu’a gaspillée Roselyne Bachelot dans le scandale du vaccin contre la grippe H1N1 (selon Mme Bachelot, la commission d’enquête du Sénat ayant à l’époque évalué le coût  entre 1.8 et 2.2 milliards d’euros) sous les applaudissements de Mme Jouanno.

Inutile de dire qu’une ancienne ministre ayant jeté par les fenêtres au minimum l’équivalent d’une année d’impôts et de cotisations de l’ensemble du football français (trois à quatre années si on en croit le Sénat) est totalement disqualifiée pour parler « d’indignation et de dégoût » pour le transfert d’Ibrahimovic. En effet, « l’indignation et le dégoût » sont plutôt à chercher du côté des contribuables français qui ont vu leur argent partir enrichir les laboratoires pharmaceutiques chers à la pharmacienne Roselyne Bachelot plutôt qu’au transfert et salaire d’un footballeur intégralement payés sur des fonds privés.

On aimerait d’ailleurs que les politiques fassent preuve de la même indignation devant les salaires des chanteurs, acteurs, metteurs en scène et autres artistes pour dénoncer avec la même virulence, et comme l’a rappelé Frédéric Thiriez, les 26 millions d’euros engrangés par Dany Boon pour Bienvenue chez les ch’tis ou les cachets entre 2 et 3 millions d’euros que touchent les acteurs français les mieux payés pour, en général, trois semaines de tournage (on est d’ailleurs loin des 20 millions de dollars minimum que Julia Roberts demande pour un film ou des 75 millions de dollars de revenus annuels de Tom Cruise face à qui Ibrahimovic fait pratiquement figure de smicard…).

Merci Moniseur Al Khelaïfi d’essayer de redonner à la capitale de la France le club qu’elle mérite et de redonner au football français ses lettres de noblesses en Europe, lettres perdues depuis 2004 et les deux finales perdues par Monaco et Marseille.

Merci de donner du rêve aux supporters parisiens et à l’ensemble du football français, en espérant revivre de merveilleuses soirées européennes comme le Saint Etienne-Kiev de 1976, l’OM-Milan AC de 1993 ou le PSG-Real Madrid de la même année.

Ce déchaînement de poujadisme anti-riches est vraiment insupportable, alors qu’Ibrahimovic est une richesse pour la France… Pourquoi donc nos politiques ne pensent-ils donc qu’à marquer contre leur camp ?

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