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Comment les classes sociales défavorisées avaient aussi profité des politiques ayant mené à la crise
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Politiquement incorrect

La sortie de crise nécessite des ajustements structurels qui passeront nécessairement par la remise en cause partielle d'acquis sociaux.

Paul Goldschmidt

Paul Goldschmidt

Paul Goldschmit est membre de l'Advisory Board de l'Institut Thomas More,

Il a également été directeur du service "Opérations Financières" au sein de la Direction Générale "Affaires Économiques et Financières" de la Commission Européenne.

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Ceux et celles qui me font l’amitié de me lire sauront que j’ai peu d’indulgence pour les comportements abusifs qui ont engendré la crise financière dont les effets dévastateurs s’étendent progressivement du plan national au niveau européen et planétaire. Que ce soient les rémunérations obscènes d’agents économiques (non limités aux banquiers), le culte du profit à outrance, l’absence d’éthique, la lâcheté des autorités politiques ou encore l’incompétence de certains régulateurs et/ou superviseurs, tous ces facteurs ont contribué au surendettement chronique du secteur public et/ou privé qui est la cause première de la crise. La responsabilité est certes collective mais, du fait de son caractère diffus, elle échappe le plus souvent à toute sanction, qu’elle soit électorale, judiciaire ou financière.

Dans une économie globalisée, pour le meilleur et le pire, l’interdépendance des acteurs économiques est devenue un fait incontournable. A tous les niveaux, se pose chaque jour avec plus d’acuité un choix entre la solidarité porteuse d’espérances et le repli sur soi, générateur de conflits économiques, sociaux ou in fine militaires. Certes, il appartient aux détenteurs de pouvoirs d’assumer le leadership et  de donner l’exemple dans les efforts de redressement mais le discours, qui déculpabilise totalement la grande majorité des citoyens de leur part de responsabilité, est aussi superficiel qu’erroné.

Comme nous l’avons maintes fois souligné, la crise due au "surendettement" s’est manifestée par l’éclatement d’une bulle formée sur une très longue période. Si la disparité de la répartition des richesses entre la minorité des nantis et le reste de la population a explosé et atteint des niveaux "moralement" difficiles à justifier – insupportables en cas de crise – il convient, néanmoins, de reconnaître que le climat de "néo-libéralisme", qui a favorisé cette évolution, a réservé une part non négligeable des ressources déployées aux classes moins favorisées. En effet, la protection sociale (allocations de chômage, pensions, soins de santé etc.) dont l’Europe est si fière, a été considérablement renforcée et, pour une part toujours croissante, financée par l’emprunt. Cela a permis aux pouvoirs politiques de satisfaire à bon compte l’électorat: les nantis en réduisant les impôts (niches fiscales etc.), la population en générale en lui conférant des "droits" qu’elle considère dorénavant comme des acquis sociaux pleinement justifiés et irréversibles.

Tant que la croissance était au rendez-vous, la "prospérité" alimentait un cercle d’apparence vertueuse mais il cachait en son sein des faiblesses structurelles : la haute conjoncture favorisait les rentrées fiscales contribuant à réduire les déficits budgétaires, même si la charge d’intérêts sur la dette (temporairement maîtrisée par la baisse des taux) croissait à l’unisson. D’autre part certaines dépenses telles que le  chômage étaient contenues grâce à l’activité économique soutenue.

La crise financière, déclenchée par celle des subprimes, a apporté un coup d’arrêt brutal à la croissance, révélant progressivement toutes les faiblesses sous-jacentes. Si, au départ, l’excédent d’endettement était réparti, selon le pays considéré, inégalement entre le secteur public et privé, l’intervention massive du secteur public dans les opérations de sauvetage des banques, suivi de plans de relance économique, a fait basculer brutalement l’endettement excessif du côté du secteur public, créant ainsi les prémices de la crise des dettes souveraines, sans toutefois réduire significativement l’endettement global. Les membres de l’Union économique et monétaire (UEM), privés de la possibilité de "dévaluer", ont été contraints de faire les ajustements nécessaires par des mesures budgétaires (austérité) ou, à défaut, par un surcroît d’endettement dont on s’est aperçu – trop tard – que les limites avaient été atteintes ou même dépassées.

La sortie de crise appelle impérativement des ajustements structurels. Ce processus, ne pourra faire l’économie d’une remise en cause partielle d’"acquis sociaux" dont le coût est devenu insoutenable. Par souci d’équité, et  pour protéger les revenus les plus faibles, ces ajustements devraient mieux tenir compte des ressources des allocataires.

En conclusion, même s’il n’est que juste d’appeler les classes privilégiées, qui ont bénéficié de politiques économiques et fiscales les favorisant parfois outrageusement, à contribuer significativement au redressement des déséquilibres, il faut aussi balayer le mythe que seules les catégories les plus favorisées ont bénéficié d’une prospérité généralisée bâtie en partie sur des sables mouvants. Les syndicats ont, eux aussi, fort habilement réussi à faire valoir leurs revendications comme contrepartie justifiée aux concessions excessives accordées aux plus favorisés. Ayant atteint les limites de l’endettement qui a "acheté" leur soutien, il serait  normal qu’ils acceptent de participer à l’effort en remettant en question certains acquis, devenus impayables.

Quoi qu’en pensent les eurosceptiques et nationaux-populistes, un partage des efforts répartis sur l’ensemble de l’Union européenne peut rendre les sacrifices nécessaires plus supportables que les dégâts causés par un repli sur l’Etat-nation. Cela permettra aussi une meilleure défense des intérêts européens sur la scène économique mondiale. Mobiliser l’opinion publique autour d’un projet européen fédérateur et solidaire reste le meilleur espoir de sortir de la crise profonde qui menace de tout engloutir.

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