Colère des agriculteurs : l'agribashing, le poison au coeur des mensonges des pseudo-écologistes<!-- --> | Atlantico.fr
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Les agriculteurs sont trop souvent critiqués par les écologistes.
Les agriculteurs sont trop souvent critiqués par les écologistes.
©SAMEER AL-DOUMY AFP

Désinformation

Le discours des écologistes a tendance à cibler et pointer du doigt les agriculteurs.

Alexandre Baumann

Alexandre Baumann

Alexandre Baumann est auteur de sciences sociales et sur de nombreux autres sujets (Antéconcept, Agribashing, Danger des agrégats, Cancer militant).

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Atlantico : Sur les réseaux sociaux, des responsables écologistes comme David Cormand, Secrétaire national d'Europe Écologie Les Verts, prétendent qu'aucun écologiste n'aurait traité les agriculteurs d'empoisonneurs. Quelle est la réalité ? Les écologistes n’étaient-ils pas les premiers à s’attaquer et à critiquer le modèle de l’agro-industrie et de l’agro-alimentaire et le lobby de l’industrie chimique ?

Alexandre Baumann : Le « modèle industriel » ou « l’agriculture industrielle » dans le débat public sont des éléments de langage qui n’ont pas de réelle substance.

Est-ce que c’est l’optimisation génétique ? L’agriculture se définit littéralement par le début de l’optimisation génétique (la domestication) et elle a, ensuite, été une trame de fond constante à l’agriculture. L’apparition de la méthode scientifique a permis d’accélérer considérablement la pratique, mais l’effort a toujours été présent. Par exemple, au 7e siècle, la dynastie Tang a, dans la suite de réformes dédiées à augmenter la productivité, introduit une variété de riz à maturation rapide, ce qui aurait permis à la population chinoise de passer de 45 à 115 millions entre 600 et 1200. (Rasmussen R. Kent, Agriculture in History, Volume 1, prehistory-1747, éd. Salem press, 2010, p.175)

Est-ce que c’est la mécanisation ? La charrue et la charrette ont été des avancées considérables au Moyen-âge. De même, la première mécanisation a été une mécanisation manuelle : moissonneuses, andaineuses, batteuses, semoirs … Cela a été une révolution au XIXe siècle qui, combinée au développement du transport maritime, avait déjà entraîné des crises agricoles en Europe, face à la concurrence des anciennes colonies.

Le plus fou est le discours autour des rotations de culture variée, alors que la pratique est arrivée à l’ère industrielle (en occident) ! Les systèmes agricoles classiques consistaient, en bref, à faire pousser systématiquement des céréales avec des jachères au milieu. La culture des navets, des légumineuses, des pommes de terres et autres est arrivée au XVIIe siècle en Hollande.

Au-delà de ces éléments historiques, l’imposture est évidente quand on discute avec les agriculteurs. J’avais abordé le sujet à partir de témoignages dans un précédent livre. Les discours pseudo-écologistes tentent juste de dessiner un diable à combattre et de contrôler l’agriculture.

Pourquoi les écologistes, au regard de la crise actuelle et de la détresse des agriculteurs, ne sont pas capables de reconnaître leurs erreurs et de renoncer à l’agribashing ?

Pourquoi en auraient-ils quelque chose à faire ?

En outre, même en imaginant l’hypothèse farfelue selon laquelle ils le voudraient, ce ne serait pas possible. Les écologistes ont construit une emprise à travers leur désinformation. Ils ne peuvent pas simplement dire « on avait tort ».

C’est un thème que j’ai évoqué dans un petit article sur la politique comme économie du bullshit : plus les gens sont pris dans le mensonge, plus il est difficile d’en sortir. Imaginez avoir milité pendant des années, tenté de convaincre vos amis, votre famille, vos enfants, puis voir un jour votre monde s’écrouler : vous aviez tort. C’est dévastateur. L’individu et sa psyché vont faire leur possible pour éviter cette prise de conscience et s’enfoncer de plus en plus dans l’emprise de l’organisation qui maîtrise ce mensonge.

Évidemment, il serait aberrant pour l’organisation de forcer cette prise de conscience en admettant son erreur. Les responsables attireraient une colère féroce et un discrédit total.

L’agribashing fait partie du cœur des mensonges que racontent les pseudo-écologistes depuis 40 ans. Cela fait partie de leur ADN.

Assiste-t-on à travers cette polémique à une forme d’agribashing institutionnel, qui ne serait pas dirigé contre les agriculteurs directement mais qui serait dédié à l'expression d'un narratif mensonger qui doit être entretenu pour nuire au monde agricole ?

Le discours agribashiste « canon » prévoit théoriquement une déresponsabilisation des agriculteurs : ils seraient victimes du système industriel. Néanmoins dans les faits, ce n’est qu’un faux-semblant. Emmanuelle Ducros a relevé l’imposture dans un thread très clair, présentant des communications des verts titrant « La vigne : attention danger poison ! », « OGM:15 ans d’empoisonnement, cela doit cesser » ou encore « Glyphosate : EELV s’insurge contre une décennie supplémentaire d’empoisonnement ». On peut aussi penser aux publicités Biocoop (qui était dirigée par un cadre du parti, Claude Gruffat) "n'achetez pas de pommes traités chimiquement" ou leur message "Le 1er avril, comme tout le reste de l'année, les pesticides chimiques continuent de nous empoisonner. Et malheureusement, ce n'est pas une blague", avec évidemment un tracteur en cours d'épandage ...

Ce sont bien les agriculteurs qui épandent les pesticides et les engrais et utilisent des OGM (si on les y autorise). Ce sont aussi eux qui se font agresser et insulter pendant qu’ils épandent ou sèment ; ce sont eux dont les champs et installations sont vandalisés ; ce sont eux qui sont écrasés par les normes, etc.

Au risque de choquer, la démarche pseudo-écologiste me fait penser à l’attitude historique de l'Église catholique vis-à-vis des Juifs. En deux mots : elle promouvait activement leur oppression, mais s’opposait à leur extermination. Leur souffrance témoignerait de la pénitence imposée par Dieu pour leur déicide : l'Église avait besoin d’eux vivants. Néanmoins, ce sont bien ses discours qui ont, pendant de nombreux siècles, motivé les pogroms, notamment autour de la première croisade. Cela ne lui causait, du reste, pas vraiment de préjudice, ce n’était qu’une posture à tenir (même si certains exécutants ont pris la consigne à cœur). Cette posture ne traduisait pas une « haine » ciblée contre les Juifs, c’était simplement un élément ajouté pour rendre plus efficace le reste du narratif. Cela ne veut pas dire que cela ne se transformait pas en haine dans l’esprit des croyants.

C’est que, dans les deux cas, on a une sorte de grand mensonge exploité par des écosystèmes et ayant des conséquences négatives n’étant pas directement voulues. C’est un peu comme pousser un rocher du haut d’une colline et s’étonner qu’il la dévale en détruisant tout sur son chemin.

C’est évident, néanmoins, il y a une méprise fondamentale dans le débat public, comme s’il fallait leur présumer sans limite une sorte de sincérité fondamentale, alors que ce sont des discours entrepreneuriaux, produits pour obtenir des rétributions. Il y a un moment où la niaiserie confine à la complicité.

En outre, ne pas diriger son discours « contre » quelqu’un ou quelque chose ne veut pas dire grand-chose. Un nazi pouvait parfaitement envoyer des Juifs dans les chambres à gaz sans les haïr, juste en pensant que c’est la conséquence logique des mensonges qu’il croit : « désolé, vous avez juste le mauvais sang ». Croire des mensonges est un paravent pratique à l’ignominie.

Les écologistes ont-ils mis en œuvre un narratif mensonger, sans trop se préoccuper des conséquences, notamment sur les agriculteurs ?

Tout à fait. Il faut voir cet écosystème comme une entreprise sans forme définie qui gagne de l’argent et du pouvoir en fonction du nombre de personnes qui croient ses mensonges.

Ce n’est pas eux qui paient les conséquences néfastes de leurs mensonges, pourquoi s’en soucieraient-ils ? En principe le marché fait payer ces comportements antisociaux, mais là ce n’est pas le cas. Si ses clients s’en foutent, pourquoi cette entreprise devrait s’en préoccuper ?

Les écologistes paient-ils les effets négatifs de leurs discours sur la société ?

La réponse est clairement non, et encore heureux pour eux ! C’est un mouvement international responsable de l’arrêt du nucléaire dans plusieurs pays d’Europe et donc de dégâts économiques et sanitaires terrifiants.

Idem pour la lutte anti-OGM, qui a réduit à l’échelle globale la production agricole et retardé le développement de solutions comme le riz doré, qui pourrait pourtant sauver des milliers d'enfants chaque année.

Et ce ne sont que les dégâts causés les plus évidents, je pourrais continuer longtemps l’inventaire. Ces gens sont des criminels. 

En général, quand une entreprise cause clairement la mort de milliers de personnes, ses dirigeants vont en taule. Là, ils sont invités sur les plateaux télés et aux Parlements.

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