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Chômage : cette casse sociale qui ne se voit pas dans les chiffres
©PASCAL GUYOT / AFP

Impact de la crise sanitaire

L'année 2020 s’est mieux terminée sur le front du chômage en France. Au quatrième trimestre de 2020, la Dares indique que le taux de chômage en catégorie A a baissé de 2,7 %. En revanche, sur toute l’année dernière, le chômage, toujours en catégorie A, a augmenté de 7,5 %. Que penser de ces chiffres ? La situation des entreprises est-elle en train de se dégrader ?

Atlantico.fr : Mercredi 27 janvier, le département statistiques du ministère du Travail a annoncé que le nombre de demandeurs d’emploi en catégorie A a baissé de 2,7% au cours du quatrième trimestre 2020. La reprise économique s’annonce-t-elle enfin avec une telle déclaration ou ces chiffres sont-ils en trompe-l'oeil ? Que penser de ce chiffre au vu de ceux de l'année 2020 ? 

Sébastien Laye : Sur l'année 2020, la DARES (qui a des statistiques sur les créations et destructions d'emplois plus fines que l'INSEE ou Pole Emploi, mais ne calcule pas le taux de chomage) annonce une augmentation de 7,5% du nombre de demandeurs d'emplois  en catégorie A mais avec une baisse lors du quatrième trimestre. Toutes catégories confondues, cela représentait en moyenne au dernier trimestre 2020 pres de 6 millions de demandeurs d'emplois et 3 en catégorie A. On pouvait donc estimer le taux de chomage en fin d'année à 10%. Ce qui est certain, c'est qu'il y a eu en fait plutot au troisième trimestre une nette amélioration lors du déconfinement et de l'été, mais comme toujours en France on n'en a pas vu l'effet avant le début du dernier trimestre en Octobre. Mais on sait aussi, et on le verra lors des prochaines annonces de statistiques, que le dernier trimestre avec le second confinement sera mauvais. Sans parler du potentiel troisième confinement pour le premier trimestre 2021. En d'autres termes, cette amélioration ne nous renseigne que sur le rebond de la rentrée. De manière générale, oui, le chomage partiel, qui coute cher à la collectivité, occulte la vraie situation du marché du travail. Le gouvernement espère que quand il déphasera le dispositif progressivement, le déconfinement définitif reprendra le relais avec un fort rebond de l'emploi. L'enjeu est d'éviter une statistique officielle du chomage par trop déprimante. Mais comme indiqué, avec les excellents rapports de la DARES on peut le reconstituer, nous sommes déjà au delà des 10% aujourd'hui fin janvier 2021, meme si la dernière statistique est de 9,2%

Avec les mesures prises actuellement, la situation des entreprises se dégrade-t-elle ? 

Avec le chomage partiel, je doute que le chomage n'aille au delà de 11% officiellement. Mais ce chiffre, à l'aune de l'échec francais en la matière depuis quarante ans, est désespérant. Macron aura récupéré un pays avec un taux de chomage à 9,2%, aura présidé à une baisse d'un point grace à la forte croissance de 2017, pour finalement finir son quinquennat au plus bas niveau atteint par Hollande. Le bonnet d'ane n'est pas loin. Toutes les entreprises ne touchent pas des aides, du fait de dossiers compliqués à monter (preuve de baisse de chiffre d'affaires), et nombre d'aides prennent la forme de prets (PGEs) qu'il faudra rembourser ou restructurer. Ce que je crains, c'est que l'économie francaise ne traine ces problèmes pendant de longs mois. Dans d'autres pays, 2021 s'annonce comme une année de fort rebond: en France, on commence à comprendre que 2021 sera d'une certaine manière plus compliquée que 2020, car masquer les problèmes devient de plus en épineux, meme avec une pandémie qui se poursuit. Par ailleurs, n'oublions jamais que nos entreprises ont abordé la crise en situation de faiblesse: au dernier trimestre 2019, avant le Covid, la croissance était de - 0.1% en France.

Le gouvernement pense limiter la casse sociale avec le chômage partiel pourtant les indépendants n’ont aucun moyen de pouvoir stabiliser la situation. Auto-entrepreneurs, indépendants ou chefs d’entreprise sont-ils les grands absents des chiffres officiels et les plus grands perdants de cette crise ?

En théorie, les indépendants ont eu droit aussi à des aides en 2020, mais elles ont tardé à venir. En Allemagne par exemple, dès Avril, sans aucune condition, une aide pouvait etre perçue , 9 000 euros au niveau de l'Etat, 5000 des landers. La première génération d'aides en France n'a pas bien fonctionné: il fallait justifier d'une baisse de chiffre d'affaires de 70% (dans certaines activités comme le conseil, ce n'était pas le bon indicateur à regarder), donc avoir au moins deux exercices comptables (ce qui excluait de facto les entrepreneurs récemment à leur compte). En réalité, on peut etre inquiet de la bifurcation du marché de travail: les salariés des grandes entreprises et les fonctionnaires n'ont probablement pas conscience de la gravité de la crise, dont l'essentiel du poids a reposé sur les entrepreneurs. Sur le court terme, avec la détérioration du marché du travail, les créations d'entreprises se portent bien (il faut bien se réinventer): mais la grande lecon du Covid, ce sera tout de meme qu'il vaut mieux etre salarié ou fonctionnaire qu'auto entrepreneur pour survivre en temps de crise ou etre aidé par l'Etat. C'est là une conséquence inattendue qui n'augure rien de bon pour la suite de la décennie et l'économie francaise.

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