Cette raison souvent oubliée pour laquelle les femmes restent avec des conjoints violents<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Société
Des femmes, dont Sophie Binet, mobilisées lors d'une manifestation pour l'égalité salariale entre les hommes et les femmes, en novembre 2016, place de la République, à Paris.
Des femmes, dont Sophie Binet, mobilisées lors d'une manifestation pour l'égalité salariale entre les hommes et les femmes, en novembre 2016, place de la République, à Paris.
©THOMAS SAMSON / AFP

Indépendance financière

Une étude américaine montre que les abus génèrent ou accentuent eux-mêmes la dépendance économique des femmes.

Emily Nix

Emily Nix

Emily Nix est Professeure adjointe de finance et d'économie d'entreprise à l’Université de Californie du Sud. Emily Nix est une économiste du travail qui étudie les impacts économiques de la violence contre les femmes, l'écart de revenu entre les sexes, les inégalités et l'accumulation de capital humain.

Voir la bio »

Atlantico : Dans les relations abusives, on sait souvent que de nombreuses victimes restent dans la relation pour des raisons financières. Mais votre étude, The Dynamics of Abusive Relationships (La dynamique des relations abusives), apporte un nouvel éclairage sur le sujet. Dans quelle mesure la cohabitation avec un partenaire violent (ou susceptible de le devenir) crée-t-elle une insécurité financière ou une perte d'emploi ? Quels sont les chiffres relatifs à l'impact économique des relations de violence sur les femmes ?

Emily Nix : Nos résultats montrent que les femmes qui emménagent avec des hommes qui, plus tard dans la relation, sont signalés à la police pour violence physique, connaissent une perte immédiate de leur emploi et une baisse de leurs revenus par rapport à des femmes identiques qui emménagent avec des hommes non violents au cours de la même année. Le taux d'emploi des victimes a chuté de 12 % et leurs revenus ont baissé de 26 % par rapport à des femmes similaires qui ont emménagé avec des partenaires non violents. 

Par quels mécanismes ce phénomène se produit-il ? Les partenaires violents le font-ils consciemment ?

Nos données ne révèlent pas précisément comment ce phénomène se produit. Toutefois, les récits anecdotiques des victimes suggèrent qu'il existe de nombreuses façons de manifester la violence économique, qu'il s'agisse de persuader subtilement une femme de quitter son emploi ou de se présenter systématiquement sur son lieu de travail et de provoquer une perturbation qui l'amène à démissionner ou à se faire licencier.

Nous parlons souvent d'enfermement psychologique et d'agression physique lorsque nous traitons de ces situations, mais vous montrez que les hommes violents imposent des coûts économiques à toutes leurs partenaires féminines, même à celles qui ne dénoncent pas la violence physique. L'enfermement économique est-il plus fréquent que la violence physique et donc plus caractéristique d'une relation abusive en général ?

À Lire Aussi

Ces facteurs explicatifs des inégalités salariales Hommes Femmes qu’il est absurde d’ignorer si on veut réellement traiter la question

Nous constatons que les hommes violents imposent des coûts économiques à toutes leurs partenaires en moyenne, même à celles qui ne signalent pas de violence physique. Cela pourrait indiquer que la violence économique est plus courante, mais il se pourrait aussi que les autres femmes qui cohabitent avec des hommes violents subissent également des violences physiques, mais ne les signalent pas, étant donné que la violence domestique physique n'est souvent pas signalée.

Quelles sont les implications politiques de ces données ? Est-il possible d'envisager que les personnes reconnues coupables dans ce type de relations remboursent le manque à gagner lié à cette situation, qui peut parfois durer des dizaines d'années ? Si ce n'est pas le cas, existe-t-il des lois ou des aides qui pourraient être créées pour offrir une "justice financière" à ces femmes ?

Je vois deux implications politiques immédiates à nos résultats. Tout d'abord, nous montrons que lorsque les femmes vivant des relations abusives disposent de meilleures options économiques, elles sont en mesure de s'extraire de ces relations et de s'en aller. Cela suggère que les politiques qui fournissent des ressources économiques aux femmes souffrant de violence domestique doivent faire partie de la solution.

Deuxièmement, dans les cas plus extrêmes d'abus économique, je pense qu'il pourrait y avoir un argument politique pour exiger une certaine forme de restitution à ces femmes lorsque les hommes sont reconnus coupables d'abus, bien que je reconnaisse que cela serait probablement plus difficile à mettre en œuvre et que les implications juridiques pourraient être difficiles.

Lorsque nous entamons une relation, comment pouvons-nous veiller à ne pas renoncer à notre indépendance financière ?

De nombreuses femmes choisissent de se retirer du marché du travail à différents moments de leur vie. C'est une décision tout à fait raisonnable dans de nombreuses circonstances. Toutefois, j'invite les femmes à faire preuve d'une grande prudence lorsqu'elles prennent ces décisions et à ne pas le faire trop tôt dans une relation. En d'autres termes, renoncer à l'indépendance financière rendra beaucoup plus difficile la sortie d'une relation si elle s'avère mauvaise, et il peut donc s'agir d'un choix dangereux à faire.

À Lire Aussi

Inégalités salariales : l’étude qui montre à quel point le manque de confiance des femmes est déterminant

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !