Cette image par laquelle Xi Jinping a souligné qu’il était désormais le seul maître de la Chine <!-- --> | Atlantico.fr
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Lors de la cérémonie de clôture du congrès du Parti communiste, l’ancien président chinois Hu Jintao a été escorté vers la sortie.
Lors de la cérémonie de clôture du congrès du Parti communiste, l’ancien président chinois Hu Jintao a été escorté vers la sortie.
©LINTAO ZHANG / GETTY IMAGES ASIAPAC / Getty Images via AFP

Parti communiste chinois

Lors de la cérémonie de clôture du congrès du Parti communiste ce week-end, l’ancien président chinois Hu Jintao a été escorté vers la sortie. Le prédécesseur de Xi Jinping a d'abord paru protester avant de se laisser conduire vers la sortie.

Emmanuel Lincot

Emmanuel Lincot

Professeur à l'Institut Catholique de Paris, sinologue, Emmanuel Lincot est Chercheur-associé à l'Iris. Son dernier ouvrage « Le Très Grand Jeu : l’Asie centrale face à Pékin » est publié aux éditions du Cerf.

 

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Atlantico : Le 20e congrès du Parti communiste chinois (PCC) s’est achevé d'une étrange façon, ce samedi 22 octobre, lorsque l'ancien président chinois Hu Jintao a été tenu de quitter la salle manu militari. Quelles sont les hypothèses permettant d'expliquer cette éviction ?

Emmanuel Lincot : La version officielle est que Hu Jintao a fait un malaise. Ce qui n’est pas impossible car à voir les images, l’ambiance est pesante presque lugubre. Que Xi Jinping soit reconduit pour un troisième mandat n’augure rien de bon. Hu Jintao dont la fin du mandat présidentiel reste entachée de scandales financiers impliquant son propre fils s’est toujours opposé a Xi Jinping. A-t-on craint un esclandre ? Une chose est certaine : Xi Jinping se débarrasse de son dernier opposant avoué et manifeste ainsi avec force son pouvoir. Cette fin théâtrale montre aussi autre chose: bien que parfaitement huilée la mécanique du pouvoir peut à tout moment se gripper. En Chine, les gestes et les symboles pèsent toujours plus que les mots. Volontaire ou non, ce moment disruptif est un avertissement pour Xi Jinping et d’une manière extraordinaire des dizaines de photographes mitraillent cet événement aussitôt transmis à l’étranger mais censuré dans le pays. Désormais Xi Jinping sait que l’Occident peut interpréter cet épisode comme le prélude à quelque chose de grave, une tragédie à venir. En d’autres mots, le troisième mandat commence avec cet incident. Et ce n’est pas forcément un bon présage. Maintenant, il s’agit de relativiser et ne surtout pas voir en Hu Jintao un grand libéral. Cet homme a du sang sur les mains. Il a été, en 1989, à l’origine de l’assassinat de centaines de Tibétains à Lhassa.

L'inimitié entre Hu Jintao et Xi Jinping présente-t-elle vraiment un risque pour le président chinois ? Un vote négatif de Hu Jintao aurait-il pu avoir un impact autre que symbolique sur l'issue du congrès ?

Emmanuel Lincot : Il aurait embarrassé Xi Jinping. C’est évident. Le consensus est important pour consolider la posture d’un candidat. Mais le brusque départ de Hu Jintao a, dans son ambiguïté même, une puissance bien plus importante encore qu’un vote. C’est une ombre au tableau et qu’il soit réel ou qu’il relève de la feinte ce départ précipité de l’ancien Président dit une chose : le refus de cautionner le pouvoir d’un seul. C’est un acte qui dans ce contexte a une connotation politique. Il ne peut être neutre et qu’elle que soit l’interprétation qui peut en être faite, il sera peut être d’une efficacité plus grande que la critique à la fois verbale et frontale adressée par le Maréchal Peng Dehuai à Lushan en 1959 contre Mao Zedong dans le contexte terrible du Grand Bond en avant. Bien sûr l’opinion chinoise n’en saura pas grand chose puisque ces images ont été encore une fois censurées en Chine même mais l’ensemble des députés l’ont vu, de leurs yeux vus. Comment ne pourraient-ils pas s’en souvenir dans les mois à venir ? Cette schize, cette disjonction aura d’une manière ou d’une autre des répercussions. Les mutations peuvent être aussi silencieuses que dévastatrices.

Au-delà du fait d'escorter Hu Jintao vers la sortie, la méthode interroge : un garde est venu le chercher à sa place peu après l'arrivée des journalistes dans la salle. Faut-il y voir un message adressé non seulement aux autres éventuels contestataires mais aussi au monde ?

Emmanuel Lincot : Cela doit surtout nous conforter dans l’idée que le moment a été choisi avec la complicité du garde précisément pour que Hu Jintao quitte la salle devant les objectifs et les caméras. Il adresse un mot à Xi Jinping et donne une tape amicale en partant à Li Keqiang, le premier ministre; lequel - rappelons-le n’entretient pas les meilleures relations non plus avec Xi Jinping. J’y vois davantage un calcul qu’une mise en scène totalement improvisée. En tout cas, aucun député ne bronche. La plupart semblent terrorisés. C’est aussi l’effet recherché par Xi Jinping comme par Vladimir Poutine en Russie. On supposera d’ailleurs que ni Xi Jinping ni Vladimir Poutine n’ont cure des opinions occidentales dans la conduite de leur propre politique intérieure. Bref, cet événement ajoute de la complexité à la complexité. Soit il sera très vite dissous dans l’indistinct de la machine communiste soit il trouvera des avatars dont on ne soupçonne pas encore la portée.

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