Cette flotte de bateaux fantômes qui permettent à la Russie d’exporter son pétrole malgré les sanctions occidentales <!-- --> | Atlantico.fr
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De plus en plus de pétrole russe quitterait les ports de la Russie grâce à une flotte fantôme.
De plus en plus de pétrole russe quitterait les ports de la Russie grâce à une flotte fantôme.
©Alexei DRUZHININ / SPUTNIK / AFP

Contournement des sanctions

Face à l’embargo sur le pétrole russe, la Russie a constitué une flotte fantôme pour acheminer son pétrole, principalement en Asie.

Viatcheslav  Avioutskii

Viatcheslav Avioutskii

Viatcheslav Avioutskii est spécialiste des relations internationales et de la stratégie des affaires internationales.

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Atlantico : Dans le cadre de ces sanctions économiques à l'encontre de la Russie, l'Union européenne a interdit le transport maritime de pétrole et de produits pétroliers russe vers tout pays tiers. Pourtant, de plus en plus de pétrole russe quitterait les ports de la Russie grâce à une flotte fantôme. Que savons-nous à ce sujet ?

Viatcheslav Avioutskii : Il est apparu pour la première fois l'année dernière en 2022, selon plusieurs enquêtes journalistiques, qu'une centaine de navires, des tankers de taille importante, ont été apparemment rachetés par la Russie en anticipation du début des sanctions. Plus récemment, en novembre et décembre de l'année dernière, le nombre de navires a été réévalué, et on parle désormais de 600 navires. Cette flotte représente environ 10% de la capacité totale des tankers utilisés pour transporter le pétrole russe à travers le monde.

Il est important de comprendre ce qu'est précisément la flotte fantôme et comment elle est utilisée pour contourner les sanctions mondiales imposées aux compagnies occidentales de transport maritime qui acheminent le pétrole russe. Avant le début des sanctions, environ 90% des tankers utilisés pour transporter le pétrole russe appartenaient à des compagnies occidentales. Aujourd'hui, il est impératif pour la Russie de garantir l'acheminement de son pétrole, c'est pourquoi les Russes ont cherché une alternative.

Outre les compagnies de transport, les assureurs jouent également un rôle crucial. En effet, une compagnie de fret assure non seulement le transport, mais aussi l'assurance des navires. Cela signifie qu'il y a des réglementations à respecter lorsqu'il s'agit d'entrer dans les ports du monde entier, notamment les ports occidentaux. Les Russes ont donc perdu à la fois l'accès aux compagnies de transport occidentales et la possibilité de s'assurer, ce qui les a poussés à acheter des tankers vétustes ou ayant encore 2 ou 3 ans d'exploitation restants.

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Une autre question importante concerne le prix du pétrole russe, qui était plafonné à 60 dollars le baril. En effet, il était interdit de vendre le pétrole russe à des pays en dehors de l'Union européenne ou des pays occidentaux participant aux sanctions, mais ces pays peuvent acheter le pétrole russe à un prix maximal de 60 dollars pour réduire les rentrées budgétaires de la Russie. Actuellement, la Russie gagne 560 millions d'euros par jour grâce à ses exportations de combustibles fossiles, dont 280 millions d'euros proviennent du pétrole brut.

Les pays tiers tels que l'Inde, la Turquie et la Chine peuvent toujours acheter du pétrole russe, car les sanctions n'ont pas complètement coupé la Russie du marché extérieur. Cependant, les sanctions visent à réduire de manière drastique et compliquer les échanges commerciaux, en particulier le transport maritime. Les tankers fantômes sont utilisés pour contourner ces sanctions et éviter la surveillance de ces activités commerciales. Cela permet aux Russes de négocier des prix qui correspondent à leurs intérêts, sans que les acteurs occidentaux ne s'en rendent compte. 

Il convient également de mentionner que les Russes ne sont pas les premiers à utiliser ces fameux tankers fantômes. L'Iran a également utilisé des tankers similaires pour transporter illégalement du pétrole vers la Chine, contournant ainsi des sanctions beaucoup plus sévères. Ces transactions ne pouvaient pas être retracées facilement.

Comment la Russie parvient-elle à constituer une flotte aussi importante sans être soumise à des contrôles stricts ?

La Russie parvient à contrôler ou à affréter ces navires de différentes manières. Globalement, on sait que la plupart des propriétaires de ces compagnies sont des petites et moyennes entreprises (PME) qui possèdent souvent un seul bateau. Ces PME opèrent généralement en marge du grand marché détenu par les cinq principales compagnies maritimes. Elles enregistrent leurs navires sous des pavillons de complaisance, tels que Dubaï ou Hong Kong, contrairement à la pratique précédente qui consistait à les enregistrer auprès de Chypre ou de la Grèce, selon mes connaissances antérieures.

Il convient de noter que la route maritime la plus empruntée pour ces bateaux fantômes est celle qui relie la Russie à la Chine, avec une augmentation de 19% des importations de pétrole brut russe par rapport à l'année précédente. Une autre destination émergente est l'Inde, qui a également augmenté ses importations de brut russe et atteint maintenant 1,3 million de barils par jour en janvier. Environ un tiers de la production russe, soit un peu plus de 10 millions de barils par jour, est destiné à ces deux pays, en excluant la consommation domestique. Ces chiffres sont approximatifs, mais donnent une idée générale de la répartition de la production russe.

C'est-à-dire que la Chine et l'Inde sont les principales destinations pour le pétrole brut russe.

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