Cette discrète lutte en coulisses à laquelle Paris se livre pour retarder le déploiement des mercenaires russes en Afrique<!-- --> | Atlantico.fr
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Vladimir Poutine et Emmanuel Macron lors de leur rencontre au château de Versailles, le 29 mai 2017. La France tente de retarder l’influence des militaires russes, les mercenaires du groupe Wagner, au Mali.
Vladimir Poutine et Emmanuel Macron lors de leur rencontre au château de Versailles, le 29 mai 2017. La France tente de retarder l’influence des militaires russes, les mercenaires du groupe Wagner, au Mali.
©STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Continent africain

Les mercenaires russes de la société privée Wagner pourraient bientôt être actifs au Mali, selon l’agence de presse Reuters. La France a fait le choix de réduire ses effectifs militaires français dans la région. Le premier ministre malien, Choguel Maïga, a récemment accusé la France "d’abandon". La France peut-elle retarder l’influence des mercenaires russes ?

Michael Lambert

Michael Lambert

Michael Eric Lambert est analyste renseignement pour l’agence Pinkerton à Dublin et titulaire d’un doctorat en Histoire des relations internationales à Sorbonne Université en partenariat avec l’INSEAD.

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Atlantico : La diplomatie française multiplie les démarches pour tenter d'éviter que la junte malienne soit en lien avec le groupe de mercenaires russes Wagner. Comment la Russie tente-t-elle d’infiltrer le continent à l’aide de ces mercenaires ? Cela suit-il une politique officielle ? 

Michael Lambert : On sait peu de choses sur le Groupe Wagner, malgré sa médiatisation accrue au moment de la crise dans l'Est de l'Ukraine (2014), mais il est manifeste que la présence de mercenaires russes comble une forte demande en matière de sécurité sur le continent africain ainsi que dans les principales zones de guerre à travers le monde.

A ce titre, la stratégie du Groupe semble pertinente dans la mesure où de nombreux pays en Afrique souhaitent combler un déficit des services de protection sur le terrain, sans pour autant devoir solliciter l'intervention d'un pays tiers.

À ce titre, demander l'assistance d'un gouvernement étranger reviendrait à admettre une inaptitude à former ses propres combattants, et pourrait créer une controverse en Occident si l'assistance est en provenance de Chine ou de Russie. Pour toutes ces raisons, les mercenaires sont plus adaptés aux besoins contemporains, ces derniers ne dépendent pas des gouvernements, peuvent choisir leur équipement en fonction des besoins sur le terrain (contrairement à la standardisation des armées) et disposent de marges de manœuvre plus importantes sur le plan administratif. 
Sur un plan historique, les mercenaires ont toujours été en forte demande, on pense aux Suisses qui mirent ces derniers au service du roi de France suite au traité de Genève du 7 novembre 1515. Les mercenaires, et ce de tout temps, répondent à un besoin en proposant une offre de qualité, et loin de se limiter à la Russie, sont maintenant en concurrence avec plusieurs autres groupes de mercenaires chinois en Afrique.

À l'instar de nombreux services offerts par l'administration, ces derniers fonctionnent mieux suite à une privatisation, cela vaut également pour le secteur militaire comme le montre l'expansion rapide du groupe Wagner et surtout les profits qu'il engrange. Pour autant, il est difficile de parler d'infiltration du continent africain, car ce sont les dirigeants et particuliers eux-mêmes qui font appel aux mercenaires, mais plutôt d'une offre compétitive qui répond à un besoin en expansion. Bien que les services offerts par Wagner peuvent s'inscrire dans la ligne diplomatique du Kremlin, il est impossible à ce jour de l'affirmer car nous n'avons pas assez d'informations sur le sujet.  

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La France pourrait également offrir des services similaires avec des mercenaires français, comme le font déjà plusieurs pays dont la Confédération avec le service de la Garde Suisse Pontificale (qui assure la sécurité du Pape depuis 1506), les Etats-Unis, la Russie et la Chine, pour ne citer que quelques exemples.

À cet égard, la privatisation des services militaires et policiers français permettrait d'augmenter les prestations que Paris adresse aux pays du monde entier, tout en offrant une offre qui génère des bénéfices. Ce qui est certain, c'est que les forces armées françaises n'offrent pas, à ce jour, des services équivalents à ceux des mercenaires russes, car Paris considère que le secteur militaire relève de la responsabilité de l'Etat plutôt que des entreprises.

L’arrivée des Russes pourrait-elle mettre en péril l’engagement des Occidentaux contre les djihadistes de la zone ?

Le modèle est plutôt inverse, les mercenaires sont plus flexibles, plus réactifs et plus efficaces que les forces armées traditionnelles qui sont un service public et n'ont pas à améliorer leurs offres pour obtenir un nouveau contrat. Par conséquent, les mercenaires sont plus efficaces (ce qui explique pourquoi le Pape fait encore appel à eux après plus d'un demi-millénaire) et combattent les djihadistes avec efficacité et justesse. La sélection d'un mercenaire s'effectue sur la base de ses compétences (linguistiques, psychologiques, physiques, etc.) pour une mission sur mesure, alors que les armées ont un processus moins adapté au besoin du moment.

La France devra choisir entre poursuivre son approche qui considère l'armée et la police comme des services publics, ou reconsidérer celle-ci. À ce jour, le succès du Groupe Wagner montre surtout une victoire de la loi du marché sur les structures gouvernementales qui manquent de flexibilité.

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