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Ces vraies réformes économiques dont la France a besoin
©Reuters

Les Arvernes

Avec la présentation, le 31 août, du contenu des ordonnances réformant le code du travail, le gouvernement d’Emmanuel Macron entre enfin dans le concret des réformes.

Les Arvernes

Les Arvernes

Les Arvernes sont un groupe de hauts fonctionnaires, de professeurs, d’essayistes et d’entrepreneurs. Ils ont vocation à intervenir régulièrement, désormais, dans le débat public.

Composé de personnalités préférant rester anonymes, ce groupe se veut l'équivalent de droite aux Gracques qui s'étaient lancés lors de la campagne présidentielle de 2007 en signant un appel à une alliance PS-UDF. Les Arvernes, eux, souhaitent agir contre le déni de réalité dans lequel s'enferment trop souvent les élites françaises.

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Le contexte économique est idéal pour conduire des transformations puissantes de notre modèle économique et social. La reprise de la croissance observée depuis quelques trimestres crée un contexte favorable. Selon l’INSEE, la croissance du PIB pourrait atteindre 1,6% en 2017, en nette progression par rapport aux deux dernières années (autour de 1%) et nettement au-dessus de la quasi-stagnation des années 2012-2014.

Pourtant, cette bonne nouvelle donne plutôt à penser à certains que l’économie française est rétablie et que les réformes ne sont plus nécessaires. C’est en substance ce qu’a expliqué l’ex-Président Hollande.

Disons-le tout net : cette prise position politicienne est tout à fait indécente et ne correspond pas à la réalité. Certes, la croissance est meilleure, après une décennie perdue. Mais, la France n’étant pas une île, elle doit être jaugée à l’aune de ses concurrents et partenaires. Il faut aussi juger la croissance au regard du passé. Or, à 1,6%, elle reste un point inférieur au rythme de croisière atteint au milieu des années 2000 et elle cache mal la perte irréversible de richesse provoquée par la Grande crise de 2008. A ce rythme, le chômage peut baisser durablement, mais lentement. Depuis la mi-2015, le taux de chômage a baissé de 1 points (de 10,5% à 9,5%) en deux ans. Beaucoup de nos partenaires européens qui ont eu le courage de la réforme sont eux au plein-emploi. Le déficit public va repasser sous la barre des 3%, mais où est la réussite quand la plupart de nos partenaires européens affichent une situation proche de l’équilibre ?

Cette croissance est en outre fragile. Elle est portée par une croissance mondiale correcte (3,5% attendu en 2017) mais sujette à retournement, notamment aux Etats-Unis où le cycle actuel termine sa huitième année. Elle se nourrit de la baisse de l’euro, des taux d’intérêt et des prix du pétrole, alignement des planètes auquel la remontée forte de l’euro est en train de mettre fin.    

Surtout, parler d’un retour durable de la croissance revient à ignorer complètement les obstacles structurels majeurs qui plombent notre appareil productif.

Comment peut-on parler de rétablissement économique quand la France enregistre un déficit record de 34 milliards d’euros au premier semestre et un creusement du déficit industriel ? Malgré les améliorations apportées par le crédit d’impôt (CICE), le rebond de nos exportations se fait attendre. Quand la consommation repart, ce sont les importations qui s’envolent, car notre appareil productif ne peut pas suivre. L’amélioration des marges des entreprises constatée par l’INSEE masque un déséquilibre persistant au détriment de l’industrie. Comme semble l’ignorer E. Macron, une nouvelle tranche d’abaissement des charges est indispensable pour rétablir la compétitivité prix du secteur exportateur. L’industrie française demeure prise en tenaille entre l’hyper-compétitivité allemande et la performance retrouvée par l’Europe du sud à coup de dévaluation interne.

Comment parler de rétablissement économique quand l’inefficacité dramatique du marché du travail et de notre système d’éducation et de formation porte à un niveau élevé (7% ou 8%) notre taux de chômage « naturel » à partir duquel tout surcroît de croissance se traduira non pas moins de chômage mais plus de tensions salariales ? Les réformes annoncées en ce domaine le 31août sont davantage des ajustements du code du travail que le « big bang » annoncé et leurs effets sur le marché du travail ne se matérialiseront que lentement.

Comment, enfin, parler de rétablissement économique quand la France dite « périphérique » souffre autant ? La croissance du PIB cache mal les écarts en terme de dynamique économique sur nos territoires. Portées par un Président « start-upper » et urbain, la « France qui souffre » risque de ne pas profiter d’une reprise focalisée sur les métropoles et les services. Or, l’enjeu n’est pas seulement la croissance. Il est aussi de retisser du lien social et de partager la prospérité retrouvée. 

Parler d’un rétablissement de l’économie française est donc illusoire et dangereux. Alors que les réformes restent devant nous, comment convaincre l’opinion de leur nécessité si l’objectif apparaît déjà atteint ? Cacher l’ampleur des faiblesses économiques de la France, c’est esquiver une fois de plus les réformes et s’exposer aux plus grands aléas lors du prochain retournement de conjoncture. Le rebond conjoncturel offre une opportunité unique pour réaliser enfin les ajustements trop longtemps différés de notre fiscalité, de notre dépense publique et de notre système social. Demain, il sera trop tard.

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