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Une femme tient une pancarte dans une manifestation en faveur de l'utilisation du cannabis comme "médicament", devant le Parlement à Londres, le 10 octobre 2017.
Une femme tient une pancarte dans une manifestation en faveur de l'utilisation du cannabis comme "médicament", devant le Parlement à Londres, le 10 octobre 2017.
©DANIEL LEAL / AFP

Drogues

La consommation de substances psychoactives est en hausse chez les personnes âgées, selon le New York Times.

Jean Costentin

Jean Costentin

Jean Costentin est membre des Académies Nationales de Médecine et de Pharmacie. Professeur en pharmacologie à la faculté de Rouen, il dirige une unité de recherche de neuropsychopharmacologie associée au CNRS. Président du Centre National de prévention, d'études et de recherches en toxicomanie, il a publié en 2006 Halte au cannabis !, destiné au grand public.

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Atlantico : Selon le New York Times, l’abus de substances psychoactives est en hausse chez les personnes âgées. Que sait-on à ce sujet (nombre d’individus concernés, type de stupéfiants, qu’il soit légal ou non…) ? Comment expliquer cette augmentation de la consommation des drogues à tous les âges ?

Jean Costentin : La société évolue beaucoup et très vite ; l’exemplarité dont se sentaient investis les adultes et plus encore les personnes du troisième âge, part en quenouille. Les parents qui n’ont pas su ou pas voulu protéger leurs enfants des méfaits des drogues, fondent avec délice dans l’abus des drogues dont ils ont fait la connaissance dans les années 1970 et suivantes.

Quand ils ont accédé à des professions incompatibles avec la poursuite de ces consommations, soit ils les ont interrompues,  ou  bien très diminuées, pour mener des carrières subnormales (assez moyennes relativement à ce qu’elles auraient pu être, s’ils n’avaient jamais consommé), soit ils se sont vu barrer l’accès à ces professions et leur croisière professionnelle s’est déroulée à de plus basses altitudes. Quand leur parcours de vie a été émaillé de bleus à l’âme, de ruptures professionnelles, sentimentales,  familiales, amicales, d’épisodes dépressifs, de crises existentielles, leur incitation a été vive de se réfugier dans la consommation de drogues, dans ces « paradis artificiels ; elle fut d’autant plus forte qu’ils les avaient fréquenté antérieurement.

Leurs enfants et leurs petits enfants, sont devenus de plus en plus nombreux et de façon de plus en plus précoce consommateurs d’alcool (avec la déplorable pratique de la « biture expresse »), de tabac (véhicule du haschisch, pour la confection de joints), du cannabis, avec le détournement  des morphiniques (buprénorphine/Subutex®en particulier).

La permissivité ambiante a permis que les jeunes français deviennent les tout premiers consommateurs Européens de cette drogue qui a piégé plus de 20% de ceux qui l’ont expérimenté. En dépit de son caractère illicite, du fait de l’absence de toute prévention éducative et  en raison de la contamination exceptionnelle de nos quartiers (où on a cru acheter la paix sociale  en le laissant librement circuler),  notre Nation compte un million cinq cent mille usagers réguliers de cette drogue ; avec phénomène nouveau la cocaïne et sa forme à fumer, le crack, qui lui font  la poussette. Loin d’une prévention, l’anti prévention consiste en ce que périodiquement des politiques appellent à la légalisation de cette drogue, qui n’a pourtant rien de banale ni d’anodine. Les jeunes consommateurs, comme tout un chacun, vieillissent d’un an tous les 365 jours ; ils arrivent à l’âge adulte, poursuivent leur consommation, en y ajoutant souvent d’autres drogues pour pallier la tolérance au cannabis qui s’installe, dont les effets s’amenuisent malgré l’accroissement des doses et de la fréquence des consommations.

Leur poids politique s’accroit, ils accèdent même à des responsabilités publiques et se laissent subvertir par des lobbies puissants qui attendent de cette légalisation du cannabis de juteuses royalties. Intérêts capitalistes, idéologie, démagogie politique,  transformation d’indignés en résignés, apaisement des enthousiasmes à créer, à produire, recherché par les tenants de la régression économique...

Dans quelle mesure le fait de consommer des substances psychoactives telles que le cannabis ou l’alcool - entre autres - est-il préjudiciable pour les individus les plus âgés ? S’exposent-ils à des risques auxquels ne sont pas confrontés des sujets plus jeunes ? 

Les méfaits individuels des drogues sont bien moindres chez l’adulte et plus encore chez le sujet âgé que chez l’adolescent. Chez ces derniers elles affectent la maturation cérébrale qui se déroule entre 12 et 24 ans, à la période des apprentissages, de la culture, qui font mauvais ménage avec la drogue de la crétinisation, qui gomme les affects, érode les ambitions, crée une démotivation, perturbe la cognition. Drogue  rendant les sujets tout puissants dans leur tête, sur place, qui remettent à plus tard ce qu’ils ne feront jamais, avec des troubles délirants et hallucinatoires, apprentissage à la schizophrénie ; dont on estime que 15% des nouveaux cas sont dus à sa consommation.

Alors que le cannabis est la drogue illégale la plus consommée en France, et que les habitudes de consommation se conservent tout au long de la vie, existe-t-il un risque de transmission de pratiques à risques de l’adulte à l’enfant ? Quelles peuvent en être les conséquences ? 

Chez l’adulte, au delà de 24 ans,  les troubles individuels sont significativement moindres, même si c’est l’âge des accidents mortels de la route et du travail. C’est le moment d’insister sur les effets épigénétiques du cannabis/THC (qui consistent en une modification du niveau d’expression de certains gènes, donc de certains caractères)  qui peuvent affecter les capacités cognitives, la vulnérabilité à des troubles anxieux et/ou dépressifs, l’appétence pour certaines drogues. Cela a été montré chez le Rat, son exposition au cannabis/THC produit, très longtemps après l’élimination de la drogue de l’organisme, une appétence redoublée pour les morphiniques ou pour la cocaïne ; le plaisir qu’il éprouve alors est si marqué que l’ancien consommateur de cannabis se fait piéger rapidement et intensément par ces dernières drogues. Plus grave encore est le fait que ces modifications épigénétiques des spermatozoïdes ou des ovules exposés au THC sont transmissibles, au moins en première génération aux enfants de ces parents intoxiqués, avec des conséquences multiples : malformations congénitales, déficits cognitifs,  troubles du spectre de l’autisme, troubles anxieux, dépressifs, vulnérabilité aux toxicomanies... Paraphrasant Ezéchiel : « les parents ont fumé le cannabis vert et leurs enfants en ont eu les neurones perturbés ».

Comment reconnaître les pratiques à risques chez les personnes âgées ? Une fois cette pratique identifiée, les traitements sont-ils identiques à ceux des sujets plus jeunes ?

Les sujets âgés sont très fréquemment déprimés et le recours à des drogues est une tentation vive. L’alcool est le plus souvent utilisé, mais aussi d’autres drogues chez les sujets qui en ont consommé antérieurement. Leur métabolisme hépatique est diminué, leur élimination rénale aussi, et ce sur le fond d’une fragilité accrue (équilibre postural précaire, perturbations cognitives, troubles cardio-vasculaires, hypertrophie prostatique, constipation..) qui majore la toxicité de ces drogues. S’il faut viser l’abstinence complète des drogues chez les sujets jeunes, dans une vision moins rigoureuse on pourra s’appliquer à faire diminuer les doses et fréquences d’administration chez les sujets âgés.

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