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Ces (nombreux) médicaments qui peuvent vous faire plonger dans la dépression sans que votre médecin le sache vraiment
©Pixabay

Danger

37% des médicaments prescrits sur ordonnance présentent la dépression comme un effet secondaire possible, selon une étude relayée par la BBC.

Sauveur Boukris

Sauveur Boukris

Sauveur Boukris est médecin généraliste.

Enseignant à Paris, il participe à de nombreuses émissions de radio et de télévision sur les questions de santé. Il est l'auteur de plusieurs livres médicaux dont "Santé : la démolition programmée", aux Editions du Cherche Midi.

Il a écrit  "Médicaments génériques, la grande arnaque" aux Editions du Moment.

Son dernier livre s'intitule "La fabrique des malades" aux Editions du cherche midi.

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Atlantico : Un article de la BBC rapporte que d'après une étude publiée dans le Journal of the American Medical Association, 37% des médicaments prescrits sur ordonnance présentent la dépression comme un effet secondaire possible. Le lien entre dépression et médication, est-il avéré ? Dans quelle mesure ?

Sauveur Boukris : Oui, bien sûr. C'est quelque chose de connu depuis longtemps. Cela concerne par exemple les médicaments pour l'hypertension à base de réserpine, comme l'Aldomet ; les médicaments antalgiques qui sont à base à de Tramadol, qui peuvent entraîner un effet sédatif et un effet dépressif. D'autres médicaments encore, comme ceux servant à traiter la maladie de Parkinson, à base de dopamine, ont aussi un effet secondaire dépressif. C'est quelque chose de fréquent. Le chiffre d'un tiers des médicaments, avancé par l'étude, parait élevé. La question est : s'agit-il de dépressions majeures, mineures ? Tout dépend de ce que les chercheurs nomment "dépression". La dépression est un terme un peu galvaudé qui peut désigner une vraie dépression ou, comme dans certaines études, un coup de déprime passager.

Il y a deux types de médicaments. Ceux qui sont donnés à courte durée peuvent entraîner un petit effet dépressif momentané. Il s'agit, par exemple, des traitements pour la douleur. En revanche, en ce qui concerne les traitements à plus longue durée, comme ceux pour la maladie de Parkinson ou l'hypertension, qui sont des médicaments que l'ont prescrits pendant toute une vie, cela peut entraîner une dépression.

On ne fait pas toujours le lien entre médicaments et dépression parce qu'on considère, quelques fois, que la maladie peut être en soi un facteur de dépression. Dans le cas d'une dépression, on peut recourir à traitement substitutif et remplacer le médicament qui provoque la dépression par un autre. Mais quelques fois, il n'y a pas de traitement de remplacement et on prescrit le médicament en l'associant à un antidépresseur. Quelques fois aussi, quand les gens sont malades de tumeurs ou d'autres maladies graves, on considère que la gravité de la maladie, et le traitement de la douleur de cette maladie, sont supérieurs à la dépression, et l'on considère alors que la dépression fait partie du contexte de la maladie.

Les patients qui souffrent déjà de troubles psychiques comme l'anxiété et la dépression présentent-ils un risque beaucoup plus élevé ?

Les effets sont majorés, bien sûr. Chez les gens qui ont tendance à être dépressifs ou présentent des tendances anxieuses, ces médicaments accentuent ces effets. Les sont alors plus réceptifs et sensibles à ces effets.

Les contraceptifs oraux engendrent des risques de dépression et de troubles de l'humeur. Les patients sont-ils suffisamment informés ?

Non, les patients ne sont pas informés. Et les médecins ne sont d'ailleurs ni formés ni informés sur ce sujet. Il y a des patients sous contraceptif, souvent des femmes, qui se trouvent tristes, déprimés, etc. Certains contraceptifs présentent un risque de dépression plus élevé. Cela se traduit par une fatigue, une baisse de la libido, un manque d'élan vital. Les patients le constatent lorsqu'ils commencent à prendre un contraceptif ou lorsqu'ils en changent.

Si chacun doit se responsabiliser, lire les notices n'est pas un réflexe courant. Quelle est la part de responsabilité des médecins, des fabricants, des agences nationales du médicament ?

Les fabricants ont tendance à minimiser les effets secondaires, à les cacher ou à les sous-évaluer. Les laboratoires ont donc une part de responsabilité dans cette méconnaissance des effets secondaires des médicaments. Le médecin qui prescrit, lui, n'est pas toujours au courant des risques de dépression. Et s'il est courant et qu'il l'explique au patient, ce dernier va bien souvent refuser le médicament.

Toutes les informations que l'on voie sur le Vidal (sorte de bible du médecin pour les médicaments) sont des informations qui sont données par l'industrie pharmaceutique elle-même. Les fiches techniques publiées dans le Vidal ne sont pas publiées par le ministère de la Santé, elles sont émises par les laboratoires. Et ces derniers dressent tout une lite d'effets indésirables pour lesquels ils indiquent "peu fréquent", "fréquent", "rare", etc. En général, les médecins ne connaissent que les effets indésirables les plus fréquents. Or, même un effet indésirable rare peut être important pour le malade.

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