Ces impôts invisibles auxquels Emmanuel Macron devrait s’attaquer avant de faire des (vagues) promesses de baisses <!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron s'est engagé à baisser les impôts.
Emmanuel Macron s'est engagé à baisser les impôts.
©JULIEN DE ROSA / AFP

Promesses du chef de l'Etat

S’entendre promettre 2 milliards de baisses d’impôts est certainement agréable, même si 57% des Français ne semblent pas y croire, selon un sondage Elabe. Ce qui le serait plus encore serait de ne plus avoir à engager de dépenses individuelles pour pallier les insuffisances grandissantes du service public, dans la santé, l'éducation ou la sécurité…

Marc de Basquiat

Marc de Basquiat est consultant, formateur, essayiste et conférencier. Fondateur de StepLine, conseil en politiques publiques, il est chercheur associé du laboratoire ERUDITE. Il préside l’Association pour l’Instauration d’un Revenu d’Existence (AIRE) et intervient comme expert GenerationLibre. Il est diplômé de SUPELEC, d'ESCP Europe et docteur en économie de l'université d'Aix-Marseille. 

Son dernier ouvrage : L'ingénieur du revenu universel, éditions de L'Observatoire.

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Nicolas Marques

Nicolas Marques

est directeur de l'Institut économique Molinari

Docteur en économie (Université d’Aix-Marseille) et diplômé en gestion (EM Lyon), il a débuté sa carrière en enseignant l’économie, avant d’exercer des responsabilités marketing et commerciales dans de grands groupes de gestion d’actifs français.

Chercheur associé depuis la création de l’IEM, en 2003, il est devenu Directeur général de l’institut en 2019. Il est l’auteur de plusieurs travaux sur les enjeux fiscaux, les finances publiques, la protection sociale ou la contribution des entreprises et membre de la Société du Mont Pèlerin.

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Atlantico : Emmanuel Macron a récemment annoncé une réduction d'impôts de 2 milliards d'euros pour la classe moyenne. Dans quelle mesure cette annonce peut-elle être considérée comme cosmétique ? Quel écart avec une réforme majeure de l’Etat ou de la puissance publique au sens large ? Et dans quelle mesure est-elle insuffisante pour refléter une réelle volonté de réforme de l'État et de la puissance publique au sein du Parlement ? 

Marc de Basquiat : Cela fait des décennies que nos gouvernants amusent la sphère médiatique avec des petites phrases reprises en boucle. Pendant que tout le monde commente la dernière sortie énigmatique, il n’existe aucun espace pour approfondir les sujets sérieux. C’est une diversion. On mélange « baisse d’impôt », « classes moyennes » et « milliards » pour susciter l’intérêt et c’est parti pour le buzz !

Si on tente de mettre un peu de rationalité là-dedans, commençons par interroger : c’est quoi « les classes moyennes » ? Le sociologue Julien Damon a publié un excellent Que sais-je ? sur cette question en 2013. Mettant en évidence l’absence de définition politique ou statistique probante, il proposait en conclusion de caractériser l’appartenance aux classes moyennes d’un pays par la propriété d’une voiture.

Comme 80% des ménages français sont équipés et que le président évoque des baisses d’impôts, on pourrait plutôt imaginer que les classes moyennes sont celles qui paient de l’impôt mais ne sont pas soumises aux taux supérieurs. A l’évidence, il faut en exclure les 1,2% de contribuables soumis aux taux marginaux de 41% ou 45%. Probablement aussi les 13% soumis au taux de 30%, qui apportent quasiment la moitié de la recette de l’impôt sur le revenu. Le projet présidentiel sera donc sans doute centré sur le tiers des contribuables soumis au taux marginal de 11%, qui produit environ 20% de la recette totale.

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Cette large population paie un impôt assez faible, rogné par le mécanisme de la décote compris seulement des spécialistes (dont le calcul a été modifié sous Hollande), et perçoit souvent une Prime d’activité que personne ne sait calculer (qui intègre une « bonification » biscornue augmentée sous Macron I). La question est alors : comment le président choisira-t-il de distribuer ces 2 milliards d’euros à une partie de cette dizaine de millions de foyers fiscaux ?

Un saupoudrage uniforme de 200 euros annuels n’intéresserait évidemment personne. On peut donc imaginer que ces 2 milliards seront le résultat d’un dispositif sélectif qui identifiera une population particulière méritant cet effort de Bercy. Laquelle ? Mystère. En tous cas, nous n’avons aucun indice sur la politique publique qu’il s’agit de renforcer.

Nicolas Marques : Réduire la fiscalité de 2 milliards, c’est une bonne nouvelle pour les classe moyenne, mais c’est une démarche anecdotique. Il y avait 1 174 milliards d’impôts et taxes en France ciblant les ménages et les entreprises en 2021. Au final, ces taxes retombent pour l’essentiel sur les ménages. Ils s’acquittent des fiscalités les ciblant directement – telles les cotisations sociales, la TVA ou l’impôt sur le revenu - mais aussi d’une grande partie de la fiscalité visant les sociétés. Les entreprises répercutent en effet les impôts sur leurs employés, sous la forme des salaires moins attrayants, faute de pouvoir les répercuter sur leurs clients ou leurs actionnaires. Pour augmenter significativement le pouvoir d’achat des actifs, il faut donc réduire la fiscalité ciblant les entreprises et notamment les impôts de production. Ces taxes, que le Conseil d’analyse économique qualifie à juste titre d’ « impôts contre la production », poussent la création de richesse hors de l’Hexagone. En 2021, nous faisons partie des 7 derniers pays européens taxant la production. Les impôts de production représentaient 45 milliards d’euros, subventions déduites. A l’opposé 20 pays européens subventionnaient la production au lieu de la taxer. C’est notamment le cas de l’Allemagne qui subventionnait ses producteurs à hauteur de 59 milliards d’euros. Bilan, nous avons deux fois plus de chômage qu’outre Rhin, un PIB par habitant 16% moins élevé, des finances publiques structurellement déficitaires alors que nos voisins Allemands sont structurellement excédentaires. Supprimer les impôts de production, c’est moins de chômage, plus d’emplois mieux rémunérés et des finances publiques moins dégradées. C’est le meilleur geste qu’on puisse faire en faveur des actifs.

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Lorsqu'on évalue la richesse créée par un salarié moyen, la fiscalité représente 54% de cette richesse en France. Cela inclut les contributions patronales et salariales, l'impôt sur le revenu et d'autres impôts tels que la TVA. Nous sommes le deuxième pays d'Europe en termes de pression fiscale sur un salarié moyen, avec 54,1%, juste devant la Belgique qui est à 53,5%. La moyenne de pression fiscale en Europe est de 44,2%. Ainsi, une réduction de 2 milliards d'euros ne corrigera en aucun cas la surimposition qui pèse sur un salarié moyen.

Peut-on interpréter cette annonce comme le signe d'une forme d'immobilisme dissimulé, d’incapacité à choisir ses priorités ?

Marc de Basquiat : Il est frappant que nous nous soyons habitués à des annonces de chiffres avant la description des politiques publiques qu’il s’agit d’améliorer, que ce soit pour plus d’efficacité, d’équité, d’incitation, etc. Le gouvernement lance 2 milliards en pâture aux médias, sans aucune explication, et espère paraître généreux et soucieux du sort des fameuses « classes moyennes ». C’est une blague.

J’aimerais entendre un président déclarer : « nous avons un problème de démographie, nous allons consolider notre politique familiale », ou « l’accès au logement est trop difficile dans beaucoup de villes, nous allons faire en sorte de résoudre ce problème ». Ensuite, des travaux sérieux échafauderaient des hypothèses multiples, les chiffreraient et inviteraient le gouvernement et les députés à choisir la solution répondant le mieux aux attentes des électeurs.

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Malheureusement, l’hyper-présidentialisme français nous pousse à attendre que le président énonce des solutions, au lieu de se contenter de dire clairement les objectifs à atteindre, en laissant les experts et élus travailler à la recherche de meilleurs compromis. Je rêve d’un président qui énonce quelques priorités, s’assure qu’elles forment un consensus assez large dans le pays, puis mobilise toutes les intelligences (sauf la sienne !) pour les atteindre.

Nicolas Marques : C'est une possibilité. Emmanuel Macron a mis l'accent sur la fiscalité dès le début de son quinquennat. Maintenant, il souhaite poursuivre dans cette voie, qui est une bonne direction en termes de compétitivité et de pouvoir d'achat. Cependant, en proposant une réduction fiscale de seulement 2 milliards d'euros pour les salariés moyens, alors que la majeure partie de notre fiscalité provient d'autres sources, cela relève du cosmétique.

Il est difficile de la réduire structurellement sans entreprendre des réformes structurelles. La pression fiscale sur un salarié moyen est principalement due à l’absence de capitalisations retraites collectives. Les cotisations retraite en répartition représentent 28% du salaire brut. Tant que l'on s’appuiera exclusivement sur la répartition, il sera difficile de changer la situation. Avec la baisse de la natalité, la répartition devient de moins en moins avantageuse. À l'origine, le taux de rendement de la répartition était de 9% pour les premières générations, tandis qu'aujourd'hui, il se situe entre 1,5% et 2% pour les actifs. La répartition devient moins rentable, car le moteur de la répartition, à savoir la natalité, est en déclin. Pour remédier à cela, il serait judicieux de suivre l'exemple de nos voisins en adoptant des systèmes mixtes, comprenant deux tiers de répartition et un tiers de capitalisation. Avec cette approche, nous pourrions financer des retraites aussi attractives que celles que nous avons en France, tout en réduisant les cotisations retraite de 28% à 22%. Cela permettrait de rétablir un pouvoir d'achat naturel en augmentant les revenus des salariés d'environ 6%, soit une économie d'environ 1 700 euros net d'impôt pour un salarié moyen.

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Tant que nous n'agirons pas dans cette direction, il sera difficile de réduire les prélèvements obligatoires sur les classes moyennes. Il existe d'autres domaines où des réformes structurelles doivent être faites pour générer des économies pour les classes moyennes. Par exemple, en modifiant la réglementation concernant le logement, qui représente actuellement 28% des dépenses d'un ménage en France, contre 11% en 1959. Une libéralisation du foncier permettrait de réduire significativement les coûts du logement. S'attaquer à la rareté foncière causée par différentes réglementations permettrait de réduire de 10% les charges liées au logement.

Alors que l’Etat semble paralysé, assiste-t-on à l’effondrement de l’Etat dans ses missions régaliennes ?

Marc de Basquiat : Que ce soit le constat de « déserts médicaux », de classement PISA en chute, d’engorgement des tribunaux ou de ras-le-bol dans la police, nous sommes tous affectés par la dégringolade des services publics. A l’âge d’Internet et de ChatGPT, les Français ne comprennent pas les délais d’attente délirants pour obtenir une carte d’identité ou un passeport. Alors que certains craignent un « grand remplacement », plus ou moins visible sur le territoire, tous constatent le « grand déclassement » d’un Etat qui ne parvient plus à assurer les services essentiels. La France étant installée sur le podium mondial en termes de prélèvements obligatoires, c’est un désastre.

Cet effondrement contraste avec la bonne santé de la plupart des grandes entreprises, qui modernisent leur fonctionnement et engrangent des milliards de bénéfices. Peut-être serait-il pertinent de lancer une réflexion « make or buy », pour analyser ce que l’Etat – et ses diverses émanations – doit continuer à faire et ce qu’il doit urgemment placer dans le marché concurrentiel. A l’Etat la définition des objectifs de politiques publiques et le contrôle, aux agents privés la créativité, la recherche de solutions et de performance. 

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Ce n’est pas d’actualité. En France, il est toujours de bon ton de vanter les mérites de l’hôpital public face aux cliniques « qui font de l’argent » ou l’école républicaine égalitaire face aux écoles privées qui performent en perpétuant les ségrégations sociales. L’idéologie égalitaire française est probablement à la source de notre incapacité à envisager des solutions rationnelles.

Au-delà de la pression fiscale visible et assumée, à quel point y-a-t-il une forme d’impôt invisible qui incite à compenser les manquements du public dans le privé ?

Nicolas Marques : Pour les ménages français, il existe plusieurs types d’impôts invisibles. Tout d'abord, il y a l'impôt invisible résultant d'une fiscalité excessive imposée aux entreprises. La fiscalité qui cible les entreprises est supportée soit par les salariés, les consommateurs ou les actionnaires. Les salariés en pâtissent avec des perspectives de carrière moins attrayantes, moins d'opportunités d'embauche et des augmentations salariales réduites. Les clients de produits français peuvent aussi faire les frais de la fiscalité avec des prix plus élevés. Les actionnaires, par exemple les ménages détenant des assurances-vie, peuvent aussi être touchés avec des rendements nets d’impôts moins élevés. Cependant, statistiquement, tant le consommateur que l'actionnaire sont mobiles. S'ils constatent que les produits français ou les investissements en France sont moins rentables, ils préféreront acheter à l'étranger ou investir ailleurs. Par conséquent, ce sont les salariés qui supportent l’essentiel du coût de la fiscalite française ciblant les entreprises.

Les classes moyennes sont aussi pénalisées par la mauvaise gestion de l'État, ce qui dégrade le rapport qualité-prix de ses prestations. Un exemple de mauvaise gestion est la gestion des retraites des fonctionnaires. Les fonctionnaires sont en dehors de la répartition, mais l’Etat n'a rien mis de côté pour financer leurs pensions. Si nous examinons les dépenses de ministères comme l'éducation nationale ou l’intérieur, 30% de ces dépenses servent à payer les retraités plutôt qu'à recruter davantage d'enseignants ou de policiers. Ces dépenses sont destinées à couvrir les retraites du passé, elle ne produisent aucun service public. Contrairement à certains États, comme le Canada, ou certaines institutions prévoyantes, comme la Banque de France, l’Etat en France n’a pas provisionné les retraites de ses fonctionnaires. Leurs pensions sont payés avec des impôts ou de la dette, plutôt que d'être en partie autofinancées par le rendement de l’épargne investie pour alléger le cout des pensions. Le secteur privé en France doit supporter un fardeau double en matière de retraites : il contribue au financement des retraites de ses aînés, tout en supportant des coûts élevés liés à la mauvaise gestion des retraites des fonctionnaires.

Bilan, le rapport qualité prix des prestations publiques n’est pas au rendez-vous. Dans certains domaines, les ménages ont accès à des alternatives privées, mais cette alternative n'est pas ouverte à tous. On sait que le secteur public éducatif est à la peine et que les écoles privés sont développées en France. Mais cette offre est plafonnée par toute une série de de règles plus ou moins transparentes qui font ou prou l'offre de secteur privé éducatif, représente à peu près 20% de l'offre. On ne peut pas tout demander à l’Etat, pour certains services c’est normal de se tourner vers le privé. Pour autant, tout le monde n’a pas accès à ces susbstituts. Aussi la baisse de qualité des prestations publiques est un problème sociétal qu’il faudrait traiter.

Dans quelle mesure la contrainte du pouvoir d'achat est-elle liée à la question du logement ? Est-ce l'un des domaines sur lesquels il faudrait agir pour réellement améliorer le pouvoir d'achat des classes moyennes et des autres ?

Nicolas Marques :Nous avons calculé que les surcouts liés aux logement en France représentent une perte de pouvoir d’achat de 2,6% en France par rapport à la moyenne de l'Union européenne. Ce surcoût, dû aux spécificités françaises, représente une perte annuelle de 1 100 euros par ménage. Il est clair que des mesures de libéralisation peuvent être prises sans coûter aux finances publiques. Il est essentiel de mettre en place à la fois des réformes structurelles pour libéraliser certains secteurs et en particulier le logement. En libéralisant le foncier et en luttant contre la rareté foncière créée par ces réglementations, il serait possible de réduire considérablement les coûts du logement, ce qui aurait un impact positif sur le pouvoir d'achat des classes moyennes et d'autres catégories de population.

Ces mesures structurelles et de libéralisation dans des domaines clef que sont les retraites, l’éducation et le logement sont indispensables pour améliorer la situation des classes moyennes. Sans ces réformes de fond, ce ne sera pas possible d’alléger significativement la pression fiscale sur les classes moyennes, tout en améliorant la qualité des prestations collectives.

Finalement, cela coûterait-il de l’argent aux Français ? Arrivons-nous à chiffrer cet impôt invisible que représente le recours à des services privés pour pallier les défaillances de l'Etat ?

Marc de Basquiat : Une redondance se développe naturellement entre des services publics saturés et des acteurs privés qui séduisent les citoyens insatisfaits ou lassés d’attendre. Au fond, c’est assez sain. Ce qui l’est moins est le côté hybride du financement. L’impôt finance une partie des opérateurs privés auxquels ont plutôt recours les classes aisées – qui contribuent le plus à l’impôt. Ceux-ci peuvent avoir le sentiment de payer deux fois le service : via l’impôt et auprès du prestataire. Ceci nuit au consentement fiscal, un socle de la Nation.

A l’inverse, ceux qui consomment uniquement des services publics les perçoivent comme un dû, ne déboursent rien et acceptent de fait une qualité de service médiocre, ce qui tire l’ensemble vers le bas. Entre la sécession des plus aisés, les contraintes budgétaires et le manque d’exigence des moins favorisés, les services publics ne sont pas incités à progresser.

Des services publics pilotés par l’Etat mais opérés par des acteurs privés mis systématiquement en concurrence, voilà le modèle que beaucoup de pays privilégient. Au niveau local, les villes et intercommunalités fonctionnent ainsi pour de nombreux services : transport, eau, assainissement, etc. Pourrait-on privatiser des opérateurs nationaux de service publics éminents ?

S’il souhaitait vraiment soutenir le pouvoir d’achat, le gouvernement n’aurait-il pas intérêt, plutôt que de faire des chèques ou d’obliger à des (illusoires) augmentations de salaires, à s’attaquer à la bombe de l’immobilier ?

Marc de Basquiat : Le pouvoir d’achat des ménages est bloqué à deux niveaux : la fixation des salaires et l’explosion du coût de l’immobilier.

Parmi d’autres records mondiaux, la France figure dans le tiercé des pays où la plus grande partie des salariés est payée au salaire minimum légal, le Smic. Un salarié payé 2 Smic figure dans les 25% les plus aisés du pays. Ce tassement très marqué des salaires vers le bas résulte de deux phénomènes. D’abord, le niveau du Smic est particulièrement élevé, par rapport à d’autres pays de niveaux de vie semblables. Ensuite, les exonérations de cotisations patronales et la dégressivité des prestations sociales (Prime d’activité et APL en tête) diminuent énormément l’intérêt financier d’une augmentation de salaire au-dessus du Smic. Bien souvent, sur 100 euros de plus payés par l’employeur, le gain net pour le salarié est de l’ordre de 20 à 30 euros.

Alors que nous nous inquiétons d’une désaffection pour le travail, s’attaquer à ce problème devrait être une priorité nationale. La moitié de la solution consiste à rationaliser l’impôt sur le revenu et les prestations sociales de type RSA sous la forme d’un vaste « impôt négatif » englobant un « revenu universel ». L’économiste médiatique François Lenglet vient d’en faire la démonstration brillante, en conclusion d’une séquence virale de 3 minutes 30 chez RTL. L’autre moitié est plus technique, consistant à réorganiser l’ensemble des cotisations sociales, patronales et salariales, contributives et non-contributives.

Vous avez raison, le plus gros problème financier des ménages c’est le logement. Les économistes reconnaissent que c’est probablement un des sujets les plus compliqués à résoudre. Travaillant depuis 8 ans sur la question, j’ai développé quelques hypothèses et aussi quelques certitudes.

La première certitude est qu’avant d’apporter une solution il faut d’abord éliminer systématiquement tous les obstacles à un fonctionnement souhaitable du marché immobilier. La pagaille fiscale dont nous avons hérité doit être éradiquée d’urgence : droits de mutations freinant les mobilités, droits de succession empêchant les jeunes générations d’accéder aux logements sous-utilisés par les générations antérieures, taxation des loyers désincitant la mise en location de logements vacants, etc. Tout ceci pourrait être remplacé avec bonheur par un seul « impôt sur le capital immobilier » au taux unique mensuel de 0,05% de la valeur vénale du bien détenu.

L’hypothèse majeure que je présente consiste à remplacer une multitude d’interventions publiques par un seul « service universel du logement » qui aurait les moyens financiers de dynamiser la création et l’amélioration du parc immobilier et ferait payer systématiquement un loyer calculé à 25% de l’ensemble des revenus des ménages logés.

Ces idées constituent des ruptures fortes. Elles ne sont dictées par aucune idéologie mais par l’observation approfondie des dysfonctionnements actuels. Elles sont d’une toute autre ambition que le saupoudrage de 2 milliards d’euros vers des millions de contribuables qui ne verront rien changer à leur vie. 

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