Ces idées que Hollande pourrait rapporter du Japon<!-- --> | Atlantico.fr
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François Hollande a rencontré le Premier ministre japonais Shinzo Abe.
François Hollande a rencontré le Premier ministre japonais Shinzo Abe.
©Reuters

Import

Pourquoi ne pas importer de bonnes idées des Abenomics, la politique monétaire de Shinzo Abe, telles que la création monétaire, et l'objectif d'inflation à 2% par an ? Cela permettrait d'afficher enfin des objectifs clairs de lutte contre les tendances déflationnistes.

Mathieu  Mucherie

Mathieu Mucherie

Mathieu Mucherie est économiste de marché à Paris, et s'exprime ici à titre personnel.

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Il serait assez extraordinaire que la France puisse ramener une idée du Japon en 48h alors que depuis des lustres elle n’est pas fichue de piquer dans les bonne idées des Suisses ou des Anglais (leurs institutions qui ont traversé le temps), ou des Suédois (dévaluations & réformes structurelles), enfin bref de tous ces gens plutôt proches géographiquement et qui ont eu le flair de ne pas participer à cette expérimentation grandiose appelée « zone euro ».

Essayons tout de même d’être gentils pour une fois, et optimistes. Imaginons que la France comprenne après trois décennies de servitude volontaire vis-à-vis de la Bundesbank que les choses sérieuses sont monétaires et que, pour reprendre une formule de Clemenceau détournée par Milton Friedman, la monnaie est une chose trop importante pour être laissée entre les mains de banquiers centraux indépendants. Imaginons que la France en ait marre de l’euro surévalué depuis des années un peu comme les japonais ont fini par en avoir assez d’un Yen qui s’appréciait sans cesse par suite d’une grève de la faim monétaire. Imaginons que la France raisonne tout d’un coup comme un Etat à peu près souverain. Imaginons… bref.

La première idée que nous prendrions serait bien entendu le doublement de la base monétaire en vingt mois. Nous passerions ainsi du bricolage, des « solutions » au fil de l’eau (le rafistolage budgétaire, le prêchi-prêcha des réformes structurelles qui ne débouchent jamais sans une dévaluation) aux objectifs, clairs, assumés, autour du grand sujet qui est la lutte contre les tendances déflationnistes avant que la grande correction immobilière ne nous emporte tous. Je ne sais pas si cela suffira au Japon après 25 années d’errances et compte tenu des hausses probables de TVA qui risquent de contrarier la reprise, mais ce serait probablement suffisant pour la zone euro (rassurez-vous, la Bundesbank ne le permettra jamais et nous aurons au moins une décennie de croissance perdue).

La 2e idée à importer c’est un peu la même chose : l’objectif d’inflation à 2% par an. Je vous vois sourire, vous vous dites : mais c’est l’objectif officiel en zone euro, nul besoin d’importer un truc que nous avons déjà, et qui en plus est infondé. Erreur tragique chers lecteurs. Il est vrai que c’est un objectif infondé, complètement nul, misleading, sôt, backward-looking et en plus un authentique lit de Procuste. Car je me tue à le dire un objectif à 2% quand les biais de mesure sont aussi importants, quand l’intégration du prix des actifs n’est toujours pas réalisée, quand les perturbations (prix des matières premières, hausses TVA) sont si importantes pour l’indice officiel… c’est viser concrètement une inflation nulle, donc risquer de tomber régulièrement dans la trappe déflationniste (ce qui, compte tenu des dettes publiques et privées, accumulées n’est pas bien malin et pourrait nous attirer des sushis).

Mieux vaudrait soit une inflation à 3%, soit (mieux) un passage de la mesure CPI headline à la mesure sous-jacente ou au déflateur du PIB, soit (encore mieux) un ciblage de la croissance du PIB nominal (comme le réclame l’économiste le plus en pointe sur ces questions, Scott Sumner). Mais… ne rêvons pas, et notons que ce serait déjà une belle avancée sociale si l’objectif mal fichu des 2% sur CPI pouvait à nouveau être respecté par la BCE (elle reconnait elle-même dans ses prévisions que ce sera 1,4% en 2013 et 1,3% en 2014, mais ne va pas jusqu’à en tirer les conséquences !!). On a les rêves étroits en zone euro.

La 3e idée est connue depuis des décennies mais ça ne fera pas de mal quand on voit la qualité du débat public hexagonal, nous pourrions ramener des graphiques du Japon qui montrent que les liens entre les finances publiques et les taux d’intérêt ne sont pas (quel que soit l’horizon et la technique de mesure) ceux identifiés par le bon sens près de chez nous. Avec des déficits monstrueux et des perspectives atroces et une épargne des ménages désormais quasi-nulle, le Japon se finance à moins de 1% sur 10 ans, depuis longtemps, quel que soit l’avis des agences de notation. Les taux relèvent de la politique mo-né-taire, pas d’autre chose, du moins quand on est endetté dans sa propre monnaie et avec une prise sur la banque centrale.   

Pour le reste, nous ne sommes pas obligés d’importer le toyotisme et les restaurants (c’est déjà fait), les idéogrammes (trop compliqués) ou le système politique japonais (peut-être encore plus clientéliste que chez nous, il faut le faire). Juste un peu d’Abenomics, c'est-à-dire, en fait, une dévaluation.         

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