Ces énormes angles morts de la pensée de ceux qui croient à un « privilège blanc »<!-- --> | Atlantico.fr
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Elisabeth Moren ministre égalités femmes hommes société France privilège blanc
Elisabeth Moren ministre égalités femmes hommes société France privilège blanc
©ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP

Privilège Traoré ?

Y-a-t-il vraiment un privilège blanc... ou un totem d’immunité pour tout ce qui n’est pas blanc ?

Bertrand Vergely

Bertrand Vergely

Bertrand Vergely est philosophe et théologien.

Il est l'auteur de plusieurs livres dont La Mort interdite (J.-C. Lattès, 2001) ou Une vie pour se mettre au monde (Carnet Nord, 2010), La tentation de l'Homme-Dieu (Le Passeur Editeur, 2015).

 

 

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Céline Pina

Céline Pina

Née en 1970, diplômée de sciences politiques, Céline Pina a été adjointe au maire de Jouy-le-Moutier dans le Val d'Oise jusqu'en 2012 et conseillère régionale Ile-de France jusqu'en décembre 2015, suppléante du député de la Xème circonscription du Val d'Oise.

Elle s'intéresse particulièrement aux questions touchant à la laïcité, à l'égalité, au droit des femmes, à la santé et aux finances sociales et a des affinités particulières pour le travail d'Hannah Arendt.

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Atlantico.fr : Interrogée sur LCI, la ministre en charge de l'Égalité entre les femmes et les hommes, Elisabeth Moreno, a déclaré : « Évidemment qu'il y a un privilège blanc ». Sur quelles réalités repose ce concept ?

Céline Pina : En déclarant qu’il existerait un privilège blanc, la ministre ne fait que remettre ses pas dans ceux d’Emmanuel Macron, qui a déclaré cela dans la longue interview qu’il a donné à l’Express le 22 décembre 2020. Hélas répéter deux fois une bêtise et un mensonge n’en fait pas pour autant une vérité.  Pascal Bruckner a fort intelligemment déconstruit les représentations malsaines à l’œuvre derrière ce terme de « privilège blanc ».

Une fois de plus, le président comme sa ministre ne font qu’exhiber leur ignorance des débats intellectuels qui agitent le monde occidental en général et la France en particulier. Ils emploient des termes idéologiquement très connotés sans comprendre qu’en nommant mal les choses, ils contribuent à renforcer l’exaspération sociale et la colère politique. En effet ces débats ne sont pas qu’intellectuels. Ils sont le reflet d’une attaque idéologique contre nos systèmes égalitaires et démocratiques, attaques qui sous couvert de convergence des luttes, unissent sous la même bannière, l’islamisme, le multiculturalisme, un nouveau racisme lié à la gauche rebaptisé racialisme et le gauchisme.

Bien sûr le racisme existe. Il est malheureusement lié à l’humain qui a du mal à accepter la différence et a tendance à vouloir lier caractéristiques physiques et morales et à transformer les différences naturelles en hiérarchies sociales. Et bien sûr notre pays n’est pas épargné. Cependant il a construit sa relation à l’autre et conçu une société politique en s’appuyant sur la notion d’égalité. Se rattacher à cet idéal n’a pas fait disparaître le racisme comme par enchantement, mais la société française l’a combattu. La violence terroriste que nous avons subie n’a pas d’ailleurs donné lieu à une logique de vengeance communautaire. Le privilège blanc, comme le terme de racisme structurel, est une notion importée de pays où régnaient l’apartheid ou la ségrégation, il est lié à une situation de fait où les personnes appartenant à une minorité ethnique ou raciale n’avaient aucun droit ou très peu et étaient sous la domination juridique et politique de la majorité. Ce refus d’accorder l’égalité des droits au nom de la différence ethnique a laissé de lourdes traces là où l’égalité est une conquête juridique récente, comme aux États-Unis et en Afrique du sud. Notre pays n’est pas dans ce cas. Chez nous au contraire l’égalité en droit, au-delà des différences de sexe, de couleur de peau, de religion ou de philosophie est une passion et une raison. C’est sur cette notion entre autres que nous avons fondé notre contrat social.

Mais surtout cette appellation est destinée à cultiver la haine communautaire et notamment celle du Blanc, elle sert à désigner un coupable de tous les maux et permet aux entrepreneurs identitaires qui font du Blanc le mal absolu de ne proposer aucune vision du monde ou de la société. Plutôt que de tracer un chemin, ils préfèrent désigner des personnes à haïr à cause de leur couleur de peau. Puis ils justifient la haine qu’ils sèment au nom de l’oppression qu’ils sont censés subir.

Le problème c’est que si le racisme existe en France, il est bien réparti chez tous les groupes ethniques et se manifeste de façon de moins en moins décomplexé chez ceux qui prennent les Blancs pour cible, ce racisme est même revendiqué comme une juste rétribution de violences passées. Le racisme traditionnellement lié à l’extrême-droite, lui, se fait plus discret, honteux mais il n’a pas disparu. Résultat : sur les réseaux on assiste à des déferlements de haine qui n’épargnent personne et tout le monde peut aujourd’hui se faire insulter au nom de sa couleur de peau.

Enfin, la France est un pays qui comme la plupart en Europe a longtemps été essentiellement Blanc, elle l’est encore majoritairement et dans son imaginaire. Et alors ? Est-ce-que l’on parle de privilège jaune en Asie ? de privilège Noir ou arabe en Afrique ? Pourtant dans ces sociétés l’ethnie majoritaire est aussi celle d’origine et elle ne semble pas considérer que le fait d’être majoritairement arabe, asiatique ou noire soit en soit un privilège dont elle devrait s’excuser. Pourtant ces sociétés sont souvent très inégalitaires et n’accordent pas les mêmes droits à raison de la couleur de peau, de l’appartenance religieuse… Or là-bas pas d’accusation de privilèges de race alors qu’ils sont réels. Pourquoi ? Parce que sur ces continents, ce n’est pas l’accusation de racisme qui peut permettre de déstabiliser les pouvoirs existants et de radicaliser une population cible pour la lancer à l’assaut de ceux qu’elle est incitée à haïr. Le racisme est considéré comme normal, mais aucun de nos racialistes ne semble considérer que cela pose problème. La notion de privilège Blanc est une arme politique de déstabilisation de notre contrat social. Les gens qui l’utilisent se moquent éperdument de combattre le racisme et détestent l’idée d’égalité, ils sèment la haine pour provoquer la violence.

Reprendre cette expression à son compte quand on est un président et un ministre et que l’on doit protéger notre contrat social, n’est pas seulement une preuve de lâcheté et de complaisance, c’est ne rien comprendre aux violences raciales que les racialistes sont en train de semer et dans lesquels l’extrême-droite peut s’engouffrer, même si elle n’est pas à l’origine de la montée de la haine raciale actuelle. Celle-ci est surtout le fruit d’une gauche dévoyée qui ne comprend pas qu’en choisissant la guerre raciale, elle tue tout espoir d’élévation sociale et se fait l’idiote utile de personnes qui servent leur appétit de domination en le rebaptisant quête de justice.

Bertrand Vergely : Le privilège blanc signifie que l’on profite de certains avantages si on est blanc et non si on est noir. Cette distinction a existé de façon ouverte en Afrique du Sud et aux États unis par le passé. Elle a été supprimée. En France, elle n’a pas existé ouvertement. De ce fait,  la question est de savoir si elle n’existe pas de façon larvée. 

On ne peut pas généraliser. Et c’est le problème soulevé par la déclaration de la ministre. La discrimination en fonction de la couleur de peau existe. Il ne faut pas se voiler la face. Toutefois, dans bien des cas, l’égalité entre blancs et personnes de couleur est respectée. La déclaration de la  ministre omet de le dire. D’où un effet de violence. 

À entendre les propos parlant de privilège blanc, on a l’impression que la France est un pays raciste où règne l’apartheid. 

Il est très à la mode aujourd’hui de dire que la France est raciste et qu’il existe un racisme systémique par exemple dans la police. Loin d’apaiser, ces déclarations ont comme effet de monter tout le monde contre tout le monde en créant un face à face entre une poignée d’accusateurs et la population française transformée en population coupable. 

Puisque de privilège il est question, il importe de ne pas négliger le privilège du discours. S’agissant du discours, le discours au nom de l’égalité ne possède pas un privilège. Il est tout puissant. 

Bien évidemment, en faisant ce constat, il n’est pas question de regretter l’existence d’un discours raciste afin de faire contrepoids au discours égalitaire. Il s’agit plutôt de faire remarquer qu’on ne bâtit pas un monde égalitaire en passant son temps à désigner des coupables et à les punir. On ne parle de l’égalité qu’en termes punitifs et répressifs. Le langage en témoigne. Il ne parle jamais de l’égalité. Il parle sans cesse de lutte contre les inégalités. Ce langage de lutte est un langage de guerre qui alimente la guerre sociale en créant un climat de guerre. 

Qu’il faille agir pour que l’égalité existe est une évidence. Qu’il faille parfois s’indigner et crier au scandale est indiscutable. Toutefois, la question de l’égalité ne peut pas simplement se faire sur le mode de la violence. 
On veut luter contre la haine. Fort bien. Quand lutter contre la haine consiste à avoir la haine contre ceux qui ont la haine, on ne lutte pas contre la haine. On continue la haine sous d’autres formes. 

Il manque dans la culture contemporaine une culture de la non-violence. On parle beaucoup de bienveillance. La culture de la bienveillance reste à inventer. 

Ne s’agit-il pas d’une confusion dangereuse entre social et racial ?

Céline Pina : La guerre raciale tend à remplacer les luttes sociales dans le logiciel de la gauche. Celle-ci ne se rend pas compte qu’en faisant cela, elle trahit l’idéal d’émancipation dont elle est porteuse et enferme les gens dans un déterminisme biologique et racial délétère. Mais surtout, quand on se penche sur la réussite à l’école ou l’accès à l’emploi, on se rend compte que selon les origines, les trajectoires sont forts différentes mais qu’à la fin le niveau social et éducatif des parents est plus déterminant que l’origine ethnique dans la réussite des enfants. Le social est bien plus signifiant que l’ethnique pour analyser ces trajectoires (cf les travaux des sociologues Vallet et Caille 1996 ou Boulot et Boyzon-Fradet 1984). Les enfants ne sont pas victimes de racisme au sein de l’éducation nationale, leur chance sont largement liées au niveau d’éducation des parents et notamment de la mère. Là où les femmes sont les plus éduquées, les enfants investissent l’école comme une chance. Là où la femme est infériorisée et maintenue en minorité, l’échec scolaire est massif. Ainsi la réussite est très différente en fonction des familles mais aussi des cultures, en fonction de la place accordée à l’éducation des femmes. Cela se traduit par des grandes différences entre groupes ethniques. Les enfants d’origine turcs par exemple ou issus de familles maghrébines réussissent moins bien que les autres, ceux issus de familles asiatiques dépassent même les natifs. Mais l’immigration asiatique concerne souvent des personnes éduquées quand celle des pays d’Afrique concerne des populations pauvres et acculturées. Cette différence se retrouve dans la réussite des enfants. La réussite est ainsi plus liée à l’origine sociale des parents qu’à l’ethnie d’origine.

En ce qui concerne l’accès à l’emploi ou on en fait des tonnes sur le racisme supposé, il se trouve que les deux premières sources de discriminations sont toujours l’âge et le sexe. L’origine ne vient qu’en troisième position. Pourtant c’est toujours cette discrimination qui est mise en avant. Or l’accès à l’emploi est encore et toujours lié au niveau d’éducation. L’échec scolaire est rarement la porte de la réussite sociale.

Si je prends l’exemple des cités dites difficiles, certes le chômage y est plus élevé qu’ailleurs, mais le niveau d’étude y est aussi ridiculement bas. Sans compter que se pose la question de la simple sociabilité. Il est dur de trouver du travail quand on ne sait pas se lever le matin, que l’on ne supporte pas d’obéir à un ordre, que l’on est ingérable avec ses collègues et que l’on insulte son superviseur. Les comportements des jeunes dans ces quartiers expliquent bien plus leur niveau de chômage que les préjugés racistes qu’ils affronteraient. Le dire c’est commencer à regarder en face le réel.

Dernier point. Il se trouve qu’à niveau de qualification égale, c’est le savoir-être qui fait la différence entre celui qui est embauché et celui qui ne l’est pas. Et là-dessus ceux qui vivent dans des quartiers où le mode de sociabilité passe par la violence et la domination n’ont guère de chance de trouver du travail. Pour le coup le petit blanc déclassé n’aura pas plus de chance que son camarade arabe ou noir. Là encore ce qui va être déterminant reste le profil social, pas ethnique.

Là où on peut trouver du racisme, c’est plutôt sur la promotion à l’intérieur des groupes et l’accès aux postes de responsabilités de personnes qui ont pourtant fait leur preuve.

Se focaliser sur le racial au détriment du social, c’est à la fois se tromper de combat et à la fin ne pas combattre le racisme là où il est.

Alors que des pans entiers de la France périphérique, celle des Gilets jaunes, subissent un long déclassement depuis des années, le terme de privilège blanc est-il vraiment approprié ? Ne fait-il pas qu’œuvrer au creusement des fractures françaises ?

Céline Pina : Je pense qu’en effet ce terme doit faire halluciner les hommes et femmes qui vivent dans les zones rurales et péri-urbaines où les transports publics n’existent pas, où les déserts médicaux se multiplient, que l’on traite comme des moins-que-rien, qui vivent le chômage et la relégation sociale et qui aujourd’hui sont mêmes exclus du discours politique depuis qu’ils ont cessé de menacer le pouvoir et posé leurs gilets jaunes.

Je crains qu’avec les fermetures d’usines, de commerces et d’activités qui s’annoncent, la dénonciation d’un « privilège blanc » ne suscite une immense colère contre un président qui à force de vouloir se parer de toutes les vertus, ne se rend pas compte qu’il est insultant pour son propre peuple. Forcément cela ne peut qu’accentuer une fracture sociale déjà profonde. Si au mépris social qui lui a été beaucoup reproché, Emmanuel Macron se met à traiter une partie de son peuple de privilégié et de raciste alors que celui-ci voit se profiler devant lui le déclassement, la destruction de son modèle social pour payer le tribut de la crise, la déconstruction de son modèle culturel et la violence politique, je crains qu’il ne suscite un rejet rarement atteint et devienne le meilleur agent électoral de l’extrême-droite.

Bertrand Vergely : La question de l’égalité ne concerne pas uniquement la question raciale. Elle concerne également la question sociale. 

Il est claire que pendant que l’on parle de l’égalité raciale on ne parle pas de légalité sociale. Il convient toutefois là encore d’être attentif au discours. 

Tout comme il est dangereux de généraliser il ne faut pas sans cesse semer le soupçon. Quand on perle de quelque chose, on n’en  parle pas forcément pour éviter de parler d’autre chose en écartant ce qui gêne. Si on parle du racial, ce n’est pas forcément pour ne pas parer du social et si on parle du social ce n’est pas forcément pour ne pas parler du racial. 

Pour ce qui concerne les Gilets Jaunes, il est tout à fait juste de constater que, derrière eux, se trouve toute une population qui ne jouit d’aucun privilège, c’est le moins que l’on puisse dire. Quand cette population est blanche, parler de privilège blanc est de ce fait parfaitement indécent. 

Être blanc ne met pas forcément à l’abri de toutes les situations inégalitaires et ne confère pas un privilège. On peut être blanc et être victime d’inégalités. Socialement, cela arrive constamment. Aussi convient-il d’être attentif quand on parle. 

On est attentif, quand on évite les grands mots qui font sensation. 

Les grands mots font de l’effet. Ils ont toutefois comme inconvénient de ne pas cadrer un discours.  Pour bien parler il importe de préciser de quoi on parle et dans quelles limites on en parle. La politique a l’art des grands mots et avec eux des discours qui dérapent. Avec les grands mots, on recrute et on se fait élire. Disons que la France est raciste et qu’il existe un privilège blanc. On est sûr de recruter et de se faire élire. D’où le paradoxe du politique. Là pour régler des problèmes, il en crée. Là pour éteindre les incendies, il les allume. Le preuve : une ministre parle de privilège blanc. On ne parle plus que de cela. Les associations antiracistes jubilent et la population blanche coupable et honteuse oscille entre le silence coupable et apeuré et l’indignation vertueuse. La ministre peut se frotter les mains. Elle a réussi un coup politique à travers un coup médiatique. Bien évidemment, si on l’interroge à ce sujet, elle dira que ses propos ont été déformés, que jamais elle n’a voulu dire ça ni voulu ça. Et l’on se retrouvera dans la situation que l’on connaît tant à savoir celle du politique qui tout en disant quelque chose dit qu’il ne la dit pas. 

Dans le débat public et médiatique, on a parfois l’impression d’une situation inverse où toute personne se revendiquant comme « non-blanche » bénéficie d’un totem d’immunité… Comment en finir avec cette vision binaire dominants/dominés ?

Céline Pina : Il est vrai que l’on a vu une Houria Bouteldja écrivant un livre raciste jusque dans son titre : « les Blancs, les juifs et nous » être invitée sur tous les plateaux télé, pareil pour Lilian Thuram et son livre « la pensée blanche » ou pour une Rokhaya Diallo. Eux peuvent tout voir par le seul biais de la couleur de la peau et faire de tous les Blancs, des coupables sans jamais avoir à répondre de leur dérive raciste. Ils peuvent même se présenter comme antiracistes sans que nul ne tique.

Pourtant certains sont les alliés objectifs des islamistes et notamment des frères musulmans, dont l’idéologie n’a rien à envier au nazisme. Ainsi, alors que notre extrême-droite est franchement moins dangereuse que les tenants de l’idéologie des frères musulmans, ces islamistes dangereux paradent et voient leurs relais sur les plateaux et dans la presse devenir intouchables.

Dans le même temps, cette presse choisit d’ignorer le fait que Rokhaya Diallo soit administratrice de l’EMISCO, un lobby islamiste dont le président est en plus impliqué dans des scandales sexuels. Là curieusement, aucune demande d’explication, aucun scandale, aucune réaction. De la même façon, un conseiller de Macron est en train de subir une attaque en règle pour avoir déjeuné avec Marion Maréchal. S’il avait déjeuné avec Rokhaya Diallo ou Houria Bouteldja, cela serait passé crème. Pourtant celles-ci n’ont rien à envier à Marion Maréchal que ce soit en termes de fréquentations ou d’idéologie. La presse ne ferait-elle son travail d’enquête que si un blanc est en cause ? Toute personnalité non-blanche ne pouvant être que victime et jamais coupable ? Tout cela nous conduit à une impasse.

Pour sortir de cette logique débile dominant-dominé, il suffit d’arrêter les représentations où le simplisme le dispute à la bêtise. Les relations humaines sont riches et ne se résument pas à dominant-dominé, nos liens sont divers, riches, puissants et contrastés, mais surtout nous pouvons être égaux. Cela n’est pas une affaire d’identité, ni de ressemblance, mais de considération. Nous sommes égaux en dignité et c’est là notre premier lien. Nous sommes égaux en tant que citoyen, qu’acteur politique, et ce n’est pas rien. Pour sortir du lien dominant-dominé, il faut d’abord sortir de la logique clanique, quitter le « Nous « ethnique et familial pour trouver sa voix propre, devenir un « Je ». C’est ce « je » qui pourra se lier au sein d’une société politique à ceux qui partagent les mêmes principes et idéaux pour fonder une Nation où nous sommes à la fois tous égaux et souverains, créateur de nos propres lois et responsables de l’usage que nous faisons de notre liberté. Pour arrêter d’être dominé, il faut vouloir être libre et ne pas appartenir à sa race, à son clan et à sa famille. Il faut accepter de se lier par choix et non par atavisme.

Bertrand Vergely : Là encore, soyons précis et pour cela prenons un exemple. 

Il y a quelques années de cela un médecin a eu affaire à une dame d’origine africaine réclamant de pouvoir se faire opérer afin de restructurer sa poitrine. Dans un premier temps, le médecin consulté par cette dame afin d’obtenir le sésame chirurgical a hésité. L’opération coûte cher et elle n’est pas de première nécessité. Certes l’esthétique est importante, mais en temps de difficultés financières pour les hôpitaux, il faut savoir hiérarchiser les urgences. Le médecin a finalement  accordé cette opération à cette dame en expliquant  que s’il la refusait,   il allait avoir des ennuis, la dame allant certainement le traiter de raciste en alertant les autorités pour cause de discrimination. 

Nous avons là un exemple de ce que l’on peut appeler « un totem d’immunité ». Il existe aujourd’hui une terreur telle d’apparaître comme raciste et de se faire traiter de raciste qu’afin de ne pas être traité de raciste on va accorder et pardonner à des personnes d’origine africaine ce que l’on n’accorderait pas et que l’on ne pardonnerait pas à un blanc. Cette situation parfaitement inacceptable et contraire à l’égalité est la conséquence de ce qui se passe quand la seule culture en vigueur est celle de l’opinion, des medias, du paraître social, quand autrement dit la seule culture existante réside dans l’absence de culture. 

Légalité n’est pas simplement un droit et ne doit pas simplement l’être. C’est une culture. Nus n’avons pas de culture de l’égalité parce que nous n’avons pas de culture morale et civique. Nous sommes gouvernés par l’opinion et les medias. Étant gouvernés par l’opinion et les medias, nous sommes gouvernés par le paraître. 

Au niveau politique, c’est flagrant. Obsédé par son image, le politique n’a qu’une préoccupation : paraître être ce que les medias et l’opinion attendent que l’on soit et que l’on dise. S’agissant du racisme, cela donne l’hypocrisie dans laquelle on se trouve. Comme il est bien vu de ne pas être raciste, on va non pas être vraiment bienveillant et juste mais paraître antiraciste afin de se faire bien voir. Il s’agit là d’une attitude infantile. Nous manquons terriblement de maturité morale et démocratique.  

On s’interroge afin de savoir comment en finir avec le couple dominant-dominé. On a la réponse. Arrêtons de nous laisser dominer par le paraître. Arrêtons de dominer par le paraître. Arrêtons d’être gouverné par le paraître, en laissant ce dernier être  le dominant qui crée un monde de dominés. 

C'est difficile à réaliser voire impossible ? C’est vrai. C’est la raison pour laquelle il faut le faire. 

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