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Divisé, le centre 
peut-il encore exister en France ?
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Trou noir

MoDem, Parti Radical ou Nouveau Centre. Rallié ou autonome... Quelques soient les partis centristes existant ou ayant existés en France, l’électorat du centrisme a toujours été plus à droite que ses représentants. Le centre peut-il encore exister en France ?

Jean Garrigues

Jean Garrigues

Jean Garrigues est historien, spécialiste d'histoire politique.

Il est professeur d'histoire contemporaine à l' Université d'Orléans et à Sciences Po Paris.

Il est l'auteur de plusieurs ouvrages comme Histoire du Parlement de 1789 à nos jours (Armand Colin, 2007), La France de la Ve République 1958-2008  (Armand Colin, 2008) et Les hommes providentiels : histoire d’une fascination française (Seuil, 2012). Son dernier livre, Le monde selon Clemenceau est paru en 2014 aux éditions Tallandier. 

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Atlantico : Le centre a t-il véritablement éclaté peu après la présidentielle de 2007 lorsque des ex-UDF ont quitté François Bayrou qui souhaitait créer le MoDem ?

Jean Garrigues : Historiquement, la naissance du MoDem vient de la volonté de François Bayrou de conserver l’autonomie de la famille centriste. Il s’agissait d’une réaction par rapport à la création de l’UMP. Il s’est alors lancé dans une aventure plus personnelle.

Ce n’est donc pas la création du MoDem qui a débouché sur l’éclatement du centre mais plutôt la volonté de conserver un centre autonome qui ne soit pas l’auxiliaire de la droite républicaine.

D’ailleurs, le choix du nom de Mouvement Démocrate est une référence au parti créé par Jean Lecanuet au lendemain des élections de 1965, le Centre Démocrate, auquel François Bayrou avait appartenu. Il y a donc eu une volonté de personnalisation du centre, mais également d’autonomisation de celui-ci.

Mais ce choix a conduit à un éclatement de l’UDF lors des élections de 2007  lorsqu’une majorité d’élus du groupe UDF a rejoint la candidature de Nicolas Sarkozy entre les deux tours.

Au vu du report de voix du candidat centriste au second tour qui s’est exercé en faveur de Nicolas Sarkozy, le centre existe t-il vraiment France ? N’est-il pas en réalité un... centre-droit ?

Depuis 1945, l’électorat du centrisme a toujours été plus à droite que les dirigeants des partis centristes eux-même car il y avait des traditions d’alliances locales avec la droite aux élections municipales et législatives. C’est la raison pour laquelle les élus de l’UDF ont rejoins Nicolas Sarkozy en 2007 puis le Nouveau Centre qui faisait parti de l’UMP.

Suite à la défaite de Sarkozy, deux scénarios sont envisageables.

S’il y a un éclatement de l’UMP, la constitution d’un pôle central regroupant le MoDem, éventuellement le Parti Radical de Jean-Louis Borloo et des transfuges du Nouveau Centre qui, finalement, reviendraient vers la famille centriste, est possible.

S’il n’y a pas d’éclatement, il sera plus difficile d’envisager un tel regroupement. Mais il est tout de même possible de concevoir, dans la perspective des élections législatives, municipales ou cantonales, que des alliances entre les différentes familles du centre se nouent. Pourquoi ?

Parce qu’en réalité, il n’y a jamais un centre, mais des centres : une tradition démocrate-chrétienne dont François Bayrou est l’héritier, une tradition « plus libérale » davatage proche de la droite et dont le Nouveau Centre est en quelque sorte porteur, et une tradition radicale, représentée actuellement par Jean-Louis Borloo, plus proche de la gauche. Ces trois traditions se sont parfois regroupées, parfois séparées. Même si l’UMP n’éclatait pas, il n’est donc pas exclu que ces trois familles se retrouvent.

En annonçant qu’il voterai François Hollande au second tour, François Bayrou ne met-il pas un terme à sa tentative de recomposition du centre voulu avec le MoDem, le Parti Radical et le Nouveau Centre ? N’y a t-il pas eu un sentiment de "déloyauté" dans les rangs centristes ?

La façon dont François Bayrou a présenté son vote en faveur de François Hollande, c'est à dire au nom des valeurs républicaines et comme un vote de nature personnel, n’empêche pas que les familles centristes se rejoignent.

Mais il faut surtout tenir compte des rapports de forces... François Bayrou, a une légitimité et un héritage historique,  une très bonne image personnelle mais, contrairement au Nouveau Centre, peu d’élus. Et sur le plan de la visibilité, Jean-Louis Borloo dispose lui aussi d’une bonne image et d’une tradition. Ces rapports de forces vont donc rendre les choses plus difficiles.

De plus, la majorité des électeurs centristes sont encore partisans d’une alliance avec la droite. Ainsi, s’il y a un regroupement des forces du centre entre François Bayrou, Jean-Louis Borloo et Hervé Morin, elle risquerai de se priver d’une grande partie de son électorat si cette alliance penche trop à gauche.

C’est d’ailleurs pour cette raison que, lorsque François Bayrou a précisé qu’il allait voter François Hollande, sans pour autant donner de consigne de vote, il y a eu un sentiment d’étonnement et de surprise qui a rendu plus difficile l’hypothèse d’une reconstruction des centres.

Mais l’histoire des centres est ainsi faite : regroupements, dissidences, éclatements... c’est une famille qui est en permanence redistribuée du faite de la bipolarisation de la vie politique française.

Ainsi, Valéry Giscard d’Estaing, était issue du centre mais il était en réalité le candidat du centre et de la droite. L’avenir d’un centre autonome est donc très improbable. L’échec à trois reprises de François Bayrou montre d’ailleurs l’impossibilité pour le centre de bousculer cette logique de bipolarisation.

Propos recueillis par Olivier Harmant

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