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Ce zoo danois qui veut relâcher les éléphants dans la nature
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Dumbo

L'idée est loin d'être farfelue : quand certaines espèces disparaissent, les écosystèmes en pâtissent.

Rewilding : c'est le nom que les zoologues donnent à la protection des écosystèmes par la réintroduction d'espèces "clé de voûte", c'est-à-dire essentielles (par exemple, les abeilles sont une espèce clé de voûte). On peut traduire ce terme par "réensauvagement".

Au Danemark, cela se traduit par la volonté d'un conservateur de zoo de réintroduire des éléphants d'Asie.

L'idée paraît folle. Mais la BBC explique que le rewilding correspond surtout à une véritable stratégie de conservation naturelle. Le raisonnement, derrière la proposition du conservateur, est le suivant : en Europe et en Amérique du Nord, l'expansion humaine a causé l'extinction d'un certain nombre d'espèces dont le rôle dans l'écosystème est pourtant très important. Ces environnements ont besoin d'eux, et la solution la plus faisable consiste à utiliser certains de leurs semblables venus d'Asie ou d'Afrique.

Ainsi, pour remplacer le Camelops disparu au Pléistocène, on recourrait au chameau de Bactriane ; pour remplacer le lion américain, le lion africain ; pour remplacer les mammouths et les gomphothères, des éléphants.

Ci-dessous, un camelops. Si vous n'en avez pas vu récemment, c'est normal, mais c'est dommage.

Toute cette histoire a notamment émergé à la publication, en 2006, d'une étude dans le prestigieux magazine Nature : c'est à l'ère du Pléistocène, il y a 11 000 ans, qu'un grand nombre de ces animaux ont commencé à disparaître – au moment où la population humaine, majoritairement composée de chasseurs-cueilleurs, croît énormément. Par conséquent, ce sont ces espèces dont l'écosystème a besoin.

Parmi les nombreuses critiques que l'article a suscitées, il y en a deux qui ont fait mouche : d'abord, l'inquiétude d'une réintroduction de prédateurs est trop grande pour espérer l'assentiment du public ; ensuite, l'argent exigé par le rewilding ne serait-il pas mieux investi à la protection des espèces africaines en voie d'extinction ?

Il est vrai que la science coûte cher, et que les nombreuses expériences nécessitent un budget que les zoos n'ont pas. Mais le prix d'un écosystème endommagé, sur le long terme, sera bien plus lourd ; et puis les animaux réalisent naturellement des tâches généralement accomplies, aujourd'hui, par des machines. Les éléphants au Danemark sont herbivores : ils entretiennent les arbres, contribuent à leur taille, disséminent les semences végétales, etc. L'affaire ne serait pas un simple gouffre financier.

Et puis les chercheurs espèrent en apprendre beaucoup. En effet, ils prônent une réintroduction strictement contrôlée – dans le cas contraire, les animaux pourraient bien se retrouver dans votre jardin, et un éléphant dans votre jardin ne vous apprend rien.

Quand leur proposition a été suivie, les résultats ont été significatifs – mais souvent, l'entreprise était moins ambitieuse. Aux Pays-Bas, dans la réserve naturelle d'Oostvaardersplassen, mais également au Pleistocene Park en Russie, c'est du bétail relativement classique qui a été réintroduit : des aurochs, des koniks.

C'est la raison pour laquelle la mesure danoise apporte un pas supplémentaire dans le processus, et qu'elle est très suivie par les zoologues. Les éléphants seront installés dans une grande réserve, et seront minutieusement étudiés. Se nourriront-ils aux arbres danois ? Quel sera l'impact de leurs trompes sur les nids d'insectes ? Des questions qui en rendent beaucoup fébriles d'impatience.

L'expérience australienne pourrait également donner un coup de pouce au rewilding : en effet, les autorités cherchaient à gérer l'incroyable croissance des herbes sèches, qui peuvent ensevelir des villages et causer une propagation extrêmement rapide des feux de brousse. Or, quels sont les seuls animaux de taille à les dévorer pour le petit-déjeuner ? Les éléphants et les rhinocéros. A ainsi été mis en place le "Australian Rhino Project", pour déplacer un certain nombre de rhinocéros depuis l'Afrique du Sud, où ils sont concentrés à 95 %, à l'Australie.

Mais l'avantage serait double. En effet, pourquoi 95 % de l'espèce est concentrée en Afrique du Sud ? Parce qu'elle est braconnée dans le reste du continent. A ce rythme, les rhinocéros sont menacés d'extinction dès 2024. Ainsi, leur emploi en Australie pourrait bénéficier à tous.

L'intérêt est le même pour les éléphants d'Asie, dont la survie n'est plus garantie à partir des années 2060. La manœuvre danoise et australienne joue donc sur la proximité des Occidentaux avec ces espèces, afin de susciter chez eux un certain sens de responsabilité.

Tout ceci illustre bien que les chercheurs ne sont pas des adorateurs de Gaïa qui veulent revenir à une époque où les humains n'existaient pas : simplement, ils veulent mettre en œuvre les mesures permettant de protéger les écosystèmes sur le long-terme.

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