Ce que révèlent vraiment les prédictions apocalyptiques de Dmitri Medvedev pour 2023<!-- --> | Atlantico.fr
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Dmitri Medvedev a été président de la fédération de Russie entre 2008 et 2012.
Dmitri Medvedev a été président de la fédération de Russie entre 2008 et 2012.
©LUONG THAI LINH / POOL / AFP

Polémique

L’ancien président russe - à l'époque réputé pour sa modération et son libéralisme - annonce notamment un Britback, la fin de l’euro, une guerre entre la France et le 4e Reich (une très grande Allemagne reconstituée) et une guerre civile américaine…

Galia Ackerman

Galia Ackerman

Galia Ackerman est docteure en histoire et chercheuse associée à l'université de Caen, Galia Ackerman est spécialiste de l'Ukraine et de l'idéologie de la Russie post-soviétique. Elle a été journaliste à RFI et à la revue Politique internationale. Elle est notamment l'auteure, aux éditions Premier Parallèle, de Traverser Tchernobyl (2016, rééd augmentée 2022). Elle a cofondé la revue Desk-Russie. Elle a également dirigé le numéro 77 de La Règle du jeu consacré à l'Ukraine (octobre 2022). 

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Atlantico : Sur Twitter, Dmitri Medvedev, président de la Fédération de Russie entre 2008 et 2012 et ancien Premier Ministre, s’est livré à des prévisions apocalyptiques. Selon lui, 2023 verrait la création d’un 4ème Reich englobant plusieurs pays de l’UE, une guerre entre la France et ce nouvel empire, une guerre civile aux États-Unis … Comment analyser ces « prédictions » ? Peut-on y voir un calcul politique ?

Galia Ackerman : Le rôle de Medvedev est très intéressant. Pendant douze ans, il a été Président ou Premier Ministre, en tandem avec Poutine. Ce dernier a d’ailleurs récemment créé, spécialement pour Medvedev, le poste de Vice-président du Conseil de Sécurité. Il vient aussi de le nommer, il y a quelques jours, comme son suppléant au sein du Conseil national qui coordonne tout l’effort de guerre. En somme, Medvedev n’est pas un marginal trempé dans l’alcool comme certains le pensent. Il est très proche de Poutine, qui continue à le soutenir. 

Selon moi, il faut prendre très au sérieux les « délires verbaux » de Medvedev. Notons d’ailleurs l’utilisation de termes très grossiers, en l'occurrence la comparaison entre l’Europe et « des porcelets qui couinent à l’unisson ». Il s’agit d’une sorte de wishful thinking, c'est-à-dire que Medvedev dit à haute voix ce que l’élite gouvernante pense. C’est ce que cette élite aimerait obtenir, le monde qu’elle aimerait voir un jour. 

Ce fantasme de récréer la puissance politique de l’Union Soviétique ne pourra pas se réaliser mais Poutine et son entourage semblent vivre dans une sorte de réalité parallèle. Medvedev est donc une sorte de fou du roi qui énonce des réalités que le souverain lui-même n’ose exprimer. 

Enfin, il est important de noter que Poutine ne semble pas en très bonne santé. Les rumeurs évoquent Parkinson, des cancers … Il est en revanche certain qu’il n’est plus cet homme sportif, qui pratiquait le judo, jouait au hockey, ou faisait de l’équitation. Si l’état de santé du maître du Kremlin reste un mystère, nous entamons le 11ème mois de guerre et Moscou semble à court de ressources, après avoir appelé des Syriens, des Tchétchènes, libéré des prisonniers … Cela doit agiter l’élite gouvernante et je pense qu’il y a des intrigues non visibles dans le proche entourage de Poutine, dans le but de le remplacer. Medvedev peut faire partie des prétendants. Il est donc logique qu’il souhaite renvoyer l’image d’un homme fort. À la différence de Prigojine ou de Kadyrov, il est présidentiable et possède l’image qui lui permettrait de se présenter et de gagner.  

Quelle est la part de sincérité et de manipulation derrière ces propos ? Quel est l’objectif derrière un tel discours ?

Si Medvedev était un hurluberlu, son discours n’aurait pas la portée que nous remarquons aujourd’hui. Les postes qu’il occupe montrent qu’il possède la confiance de Poutine. Sinon, on ne lui voudrait pas de tenir de tels propos. Ce qui est certain, c’est que ce régime n’a jamais été sincère, honnête. Medvedev se permet des saillies incroyables et grossières, qui pourrait être le nouveau style du régime, qui souhaite tourner le dos à l’Occident pour faire face à l’Asie. 

Ce discours traduit-il un certain état d’esprit des élites russes ? 

C’est ce que je pense. Il y a deux possibilités. Soit reconnaître la défaite, remplacer Poutine et faire mea-culpa pour obtenir la levée des sanctions, ce qui serait vital pour l’économie russe. 

Poutine semble pourtant avoir choisi la seconde voie : s’éloigner de l’Europe, se tourner vers l’Asie et contourner les sanctions avec l’aide de quelques amis. Il a conscience que ce chemin sera dur, mais est persuadé de la résilience de son peuple. Il considère que le monde a besoin de ses ressources, ce qui lui permettrait de perdurer. Je pense que ce discours grossier et belliciste plaît au peuple russe. 

Pourtant, un jour, Moscou sera obligé de reconnaître ses faiblesses liées aux sanctions. Mais qui peut dire quand ? Les Russes vont élargir leur réseau d’espionnage pour voler des brevets, des technologies … L’état d’esprit des élites russes est fortement militariste. Ces élites sont persuadées de remporter la guerre en Ukraine et que l’Occident viendra supplier la Russie à genoux. Medvedev, en grossier provocateur, n’hésite donc pas à narguer l’Occident. 

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