Ce prêtre italien qui a consacré sa vie à lutter contre la pédophilie<!-- --> | Atlantico.fr
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Le prêtre catholique a passé les deux dernières décennies à la recherche de responsables de pornographie juvénile pour les faire condamner et tenter de sauver ces enfants victimes de cette industrie qui génère plusieurs milliards de dollars (illustration)
Le prêtre catholique a passé les deux dernières décennies à la recherche de responsables de pornographie juvénile pour les faire condamner et tenter de sauver ces enfants victimes de cette industrie qui génère plusieurs milliards de dollars (illustration)
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THE DAILY BEAST

Un prêtre se consacre à la lutte contre ce phénomène qui a augmenté de plus de 500% en Italie.

Barbie Latza Nadeau

Barbie Latza Nadeau

Barbie Latza Nadeau, est chef du bureau de Rome pour The Daily Beast.

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The Daily Beast - Barbie Nadeau

ROME- Il y a plus d'un quart de siècle, le père Fortunato di Noto a prévenu : Internet deviendra une aire de jeux pour les pédophiles amateurs de pornographie. Il avait raison.  

Le prêtre catholique a passé les deux dernières décennies à la recherche de responsables de pornographie juvénile pour les faire condamner et tenter de sauver le nombre croissant d'enfants victimes de cette industrie qui génère plusieurs milliards de dollars. Il voyage souvent avec une escorte policière en raison des menaces de mort qu’il reçoit, mais il n'a pas peur. Ses efforts ont contribué à la libération de près de 1 300 jeunes victimes et sa vigilance a aidé à la fermeture plus de trois millions de sites Web. "La pornographie juvénile est un crime contre l'humanité" dit-il. "Nous devons nous occuper des enfants qui souffrent et les prendre en charge pour essayer de les aider".

Mais la recherche n'est pas facile. Les images et les vidéos sont trop horribles pour qu’on les regarde. Les enfants, en majorité si jeunes qu'ils ne savent même pas ce qu'est le sexe, sont contraints d'accomplir des actes lubriques en face d'une caméra. D'autres, complètement inconscients de ce qui leur arrive, sont violés et torturés. Dans quelques cas, l'enfant est même sacrifié pour le plaisir d’un sadique. Dans d'autres cas, la fin tragique est encore plus évidente. Le pire n’est pas seulement de savoir que ces films fétichistes extrêmes existent, c’est de savoir que le phénomène est en croissance. 

En Italie, la production et la diffusion de la pornographie juvénile a augmenté de 543% au cours des cinq dernières années, selon un rapport intitulé Indifesa (Sans défense) publié cette semaine par l'organisation de protection de l'enfance Terre des Hommes. Ce chiffre stupéfiant est basé sur les enquêtes de police, les rapports, et la surveillance des victimes.

L’association Meter Onlus du père Di Noto utilise des bénévoles pour fouiller Internet afin de trouver les sites qui diffusent illégalement et vendent de la pornographie infantile, c’est-à-dire celle qui implique des enfants âgés de moins de 14 ans qui n'ont pas encore atteint la puberté. Plus de 80% des victimes de pornographie infantile trouvées en Italie sont des jeunes filles. Et la majorité de la pornographie infantile implique violence sexuelle et viol. Environ 10% des images et des vidéos montrent des enfants nus ou demi-nus, certaines prises sans que l'enfant le sache, mais la grande majorité des images montrent des enfants obligés de prendre certaines poses.

"Les chiffres sont impressionnants et ne laissent aucune place au doute", assure Raffaele Salinari, président de Terre des Hommes Italie. "La prévention de la violence contre les enfants doit être une priorité des institutions et nécessite l'engagement de tous".

Quand le père Di Noto a commencé son combat, les pires délinquants étaient des pornographes russes. La pornographie juvénile est encore mal contrôlée en Russie, rendant facile production et diffusion de photos et de vidéos. "Les Russes dominent toujours le marché, ce sont les pires" .

Le United States Department of Labor (ministère du Travail) clame que l'incapacité de la Russie à éliminer les "pires formes de travail des enfants" permet l’existence de ce marché de la pornographie juvénile. "Les enfants en Russie travaillent, y compris dans la rue, et quelques fois dans la pire forme de travail, la production de matériel pornographique", selon un récent rapport de l’USDLO. "La loi n'interdit ni la possession de pornographie infantile, ni d’en tirer profit. En outre, en Russie il n’y a pas d’organisme de coordination à l'échelle nationale pour lutter contre cette forme de travail des enfants, et il n'y a pas de programmes sociaux spécialisés".

Il y a peu d' informations sur les clients – sauf lorsque des personnes sont arrêtées – de ce marché qui génère un bénéfice d'environ 50 milliards de dollars à l'échelle mondiale, selon les chiffres de l’United States Department of Justice (ministère de la Justice). 

Au cours de ces dernières années, la plupart des personnes arrêtées pour possession de pornographie juvénile en Italie sont des hommes venus de tous les horizons. Un prélat a été retrouvé avec plus de 100 000 fichiers de pornographie infantile sur son ordinateur au Vatican. Un instituteur dans les Pouilles a été trouvé avec presque autant sur le sien. Selon la police du ministère de la Poste de l'Italie, en charge d'enquêter sur les crimes sur Internet, les consommateurs ne correspondent à aucun profil particulier. Dans une opération d'infiltration qui a permis de démasquer 12 consommateurs à Turin au printemps dernier, on trouvait ''artisans, entrepreneurs, professionnels, travailleurs et étudiantsselon un policier qui a décrit l'enquête aux journalistes. "Ils étaient totalement insoupçonnables". 

Salinari pense que l’augmentation de la demande sur ce marché du divertissement sexuel maladif signifie que les pornographes poussent encore plus les choses jusqu’à l’extrême. Beaucoup de jeunes victimes apparaissant dans ces films sont fugueurs, migrants ou réfugiés. Selon le groupe Missing Children Europe, plus de 50% des mineurs non accompagnés qui disparaissent des centres de réfugiés ont disparu dans les 48 heures après l'arrivée, sous-entendant qu’un réseau sophistiqué récolte littéralement les enfants les plus vulnérables, les moins traçables. Mais le rapport souligne également que beaucoup de victimes sont des filles et petites-filles de gens qui mettent en scène la pornographie pour en tirer profit. 

En août, Europol, avec l'aide de l’association du père Di Noto et d'autres qui défendent les droits des enfants, a découvert un réseau de pédophiles au cours d’une opération d'infiltration appelée Operation Daylight, qui opérait dans les profondeurs du Web, où le contenu n'est pas indexé et les règles générales de la décence ne s’appliquent pas. Plus de 600 cas suspects de pornographie infantile, y compris des snuff films dans lesquels des victimes semblent mourir, ont été trouvés en ligne, sur CD et DVD. Des mandats d'arrêt ont été émis contre 75 personnes, dont des dizaines de Russes, Roumains et Italiens soupçonnés de produire ou de distribuer de la pornographie infantile. Seuls quelques suspects ont été appréhendés et aucun enfant n’a été identifié au cours de l'opération, qui est toujours en cours.  

La réglementation plus stricte sur ce qui peut être diffusé sur Internet a obligé certains sites à cesser leur activité. Mais dans de nombreux autres cas, les contrôles plus stricts ont poussé la pornographie infantile à une diffusion plus discrète. "Cela signifie, bien sûr, qu'il est plus difficile de l'arrêter", dit le père Di Noto au Daily Beast. "Les producteurs de pornographie vont revenir à une technologie plus ancienne, comme la distribution des films sur DVD ou l'utilisation d'alternatives comme le dark Web pour la diffuser".

Meter Onlus, ainsi que le Centro nazionale per il contrasto alla pedopornografia sulla rete (CNCPO) surveillent régulièrement les sites Web et les réseaux sociaux, y compris les serveurs de téléchargement et le Cloud, les pages privées Facebook et les comptes Twitter privés où les acheteurs peuvent se procurer la pornographie, qui, quand elle n’est pas dans les pofondeurs du dark Web, est diffusée sur CD et DVD. L’année dernière, ils ont également identifié 73 des centaines de centres de réfugiés et de camps où les disparitions d’enfants sont les plus fréquentes.

Giovanni d'Agata, animateur de l’association de protection de l'enfance Gateway to Rights qui travaille avec le père Di Noto, affirme que les arrestations et les rapports récents donnent une image très limitée du phénomène. "Il est si profondément caché que le mal est certainement plus répandu que les chiffres officiels ne l’indiquent", ce qui implique que, aussi horrible que paraisse la pornographie infantile, la réalité cachée est sans doute bien pire.

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