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Candidats peu recommandables : ceux qui ont été tués par leurs casseroles, ceux qui y ont survécu
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Boulets aux pieds

Les résultats des élections départementales le démontrent : l’élu ou le membre d’un clan en délicatesse avec la justice éprouve de grandes difficultés à séduire l’électeur. Dans les Bouches-du-Rhône, Jean-Noël Guérini et le PS en ont fait les frais. Le même phénomène a eu lieu dans le Pas-de-Calais où le PS conserve d’extrême justesse les rênes du département.

Gilles Gaetner

Gilles Gaetner

Journaliste à l’Express pendant 25 ans, après être passé par Les Echos et Le Point, Gilles Gaetner est un spécialiste des affaires politico-financières. Il a consacré un ouvrage remarqué au président de la République, Les 100 jours de Macron (Fauves –Editions). Il est également l’auteur d’une quinzaine de livres parmi lesquels L’Argent facile, dictionnaire de la corruption en France (Stock), Le roman d’un séducteur, les secrets de Roland Dumas (Jean-Claude Lattès), La République des imposteurs (L’Archipel), Pilleurs d’Afrique (Editions du Cerf).

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  • A chaque scrutin, le constat est dans l’ensemble immuable : les élus très critiqués pour leur gestion ou épinglés par la justice éprouvent de grandes difficultés à retrouver la confiance des électeurs
  • Dans les Bouches-du-Rhône, les démêlés judiciaires de Jean-Noël Guérini ont pesé lors de la perte de sa présidence du Conseil général… même si dans son canton il a été réélu
  • Les frasques de l’ancien maire socialiste d’Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais) ont puni le PS au bénéfice du Front national qui conforte son score lors des départementales
  •  A l’inverse, Pierre Bédier, ancien secrétaire d’Etat chargé des programmes immobilier de la Justice de Jacques Chirac, condamné définitivement pour corruption en 2009, est à nouveau dans le circuit politique. Il devrait être réélu président du conseil général des Yvelines.

Parmi les leçons à retenir de ces élections départementales, il y en a au moins une qui se détache : à quelques exceptions près, les primes à la casserole ne jouent pas. En clair, le parti, le clan, l’élu qui a eu maille à partir avec la justice a été sanctionné. Témoin, la défaite de Sylvie Ramond, une proche de Patrick Balkany, l’actuel député-maire UMP de Levallois en délicatesse avec la justice. Elle a été battue par Arnaud de Courson qui avait défait en 2011, Isabelle Balkany, l’épouse du maire.

Dans la région parisienne, ce sont deux jeunes maires UMP, respectivement à Clamart (Hauts-de-Seine) et à L’Haÿ-les-Rose (Val de Marne) qui ont battu le PS empêtré dans des récents scandales qui ont secoué ces deux municipalités. Dans les terres historiquement socialistes qu’étaient les Bouches-du-Rhône, les candidats socialistes ont subi un revers éclatant. Dans le Pas-de-Calais, le PS est tout juste parvenu à sauver les meubles. Mais sur le canton d’Hénin-Beaumont, ville socialiste jusqu’en 2014, plombée par les gymnastiques financières de Gérard Dalongeville, c’est le Front National qui joue les pères la morale. Du côté de Marseille, le PS et La Force 13, qui se voulait un substitut au Parti fondé par Jean-Noël Guérini, ont été battus au profit d’une droite qui a retrouvé des couleurs. Tout en haut de l’hexagone, le même phénomène s’est répété, le PS perdant la présidence du conseil départemental dans le Nord et conservant le Pas-de-Calais d’extrême justesse. A coup sûr, là encore, les récents scandales qui ont secoué le Parti socialiste ont joué un rôle important dans cette déconfiture.

Retour en arrière sur ces histoires meurtrières pour le PS. Elles l’ont été d’autant plus qu’elles se sont déroulées - nous pensons à Clamart et L’Haÿ-les-Roses - dans des villes de taille humaine, où tout le monde se connaît. Dès lors, la faute présumée de l’édile de la ville, les reproches qui lui sont faits ont un fort retentissement auprès de la population. Laquelle, à côté de la justice, a un moyen très simple de sanctionner l’élu imprudent : la non-réélection. Telle est la mésaventure survenue au socialiste Philippe Kaltenbach, élu maire de la ville en 2001 après avoir battu la centriste Marie-France Lambotte. Critiqué dans la gestion de la ville, vilipendé aussi pour avoir introduit une bonne dose de clientélisme, Kaltenbach va avoir un gros pépin en 2010. Un de ses anciens adjoints va le piéger en le filmant en train de se voir remettre quelque argent en espèces – 5 000 euros – Le prix à payer pour obtenir un logement social. L’affaire fait grand bruit. Les Clamartois sont abasourdis. Le maire crie à la machination. Une information est ouverte à Nanterre qui débouche sur la mise en examen du maire de Clamart et de celle de son ancien adjoint. En février 2014, Philippe Kaltenbach - qui espère toujours un non-lieu - déclare forfait pour les municipales, remplacé par son adjoint à la Culture, Pierre Ramognino. Une substitution qui n’empêche pas ce dernier d’être battu dès le premier tour par un jeune candidat UMP, Jean-Didier Berger. Les électeurs ayant de la mémoire, ce dernier, en binôme avec Isabelle Debré a éjecté les candidats socialistes sur le canton de Clamart. Vincent Jambrun, 35 ans, symbole de la génération montante de l’UMP a lui aussi battu un socialiste sur le canton de L’Haÿ-les-Roses (Val-de-Marne). Il s’agit là d’une répétition des élections municipales de 2014 où Jambrun avait profité de la désaffection des électeurs à l’égard du PS et du maire sortant en particulier, Patrick Sève. Dans le Val-de-Marne ce dernier, historien de profession, était une étoile montante du PS. Las, il s’est fait prendre les doigts dans la confiture, en fait dans des marchés d’évenèmentiel où il semble s’être servi plus que de raison. Mis en examen en 2011 pour détournement de fonds publics – on parle de plusieurs dizaines milliers d’euros par un juge d’instruction de Créteil, Séve a dû abandonner la mairie au profit de Vincent Jambrun qui a largement battu les candidats PS aux départementales de dimanche dernier. 

Si on remonte un peu, à 200 kilomètres, on s’aperçoit très vite que les élections départementales dans le Pas-de-Calais ont joué un mauvais tour aux socialistes qui conservent in extremis la présidence du conseil départemental, ex- conseil général. Il est vrai que la fédération du PS a été souvent montrée du doigt, y compris à l’intérieur des siens, notamment par Arnaud Montebourg qui ne tient pas les socialistes locaux comme des modèles de vertu. Qui n’a pas oublié les errements financiers du député-maire de Liévin, depuis plus de 30 ans, Jean-Pierre Kucheida qui a du se mettre en retrait définitif de la vie publique ? Et l’on pourrait citer Gérard Dalongeville, l’ancien maire d’Hénin-Beaumont- municipalité socialiste depuis la Libération quasiment sans interruption- dont les frasques et autres errements de gestion ont jeté la ville dans les bras de Steeve Briois (Front national) dès le premier tour de scrutin des municipales de mars 2014. Bis repetita avec les départementales puisque les électeurs du Front national ont une nouvelle fois montré leur aversion pour le PS en élisant binôme frontiste François Vial-Maryse Poulain- avec 61,78% des voix, le binôme socialiste ne récoltant que 38, 23%. Preuve de l’effondrement du PS, aux précédentes élections cantonales, il réalisait un plus de 48% des voix contre 52% au nouveau conseiller général FN Steeve Briois, enfant du pays et infatigable laboureur du terrain d’Hénin-Beaumont. A mille kilomètres de là, dans les Bouches-du-Rhône, la mise en examen de certains élus, puis la condamnation sévère infligée à l’ex-socialiste Sylvie Andrieux, fille d’un proche de Gaston Defferre et enfin l’affaire Guérini - les deux frères Alexandre et Jean-Noël Guérini- ont achevé de dégoûter les électeurs de voter socialiste. Le dossier judiciaire des Guérini - et d’autres, parmi lesquels des élus PS - est bouclé. Certes, il y a la présomption d’innocence, mais la barque, telle que l’a découverte le juge Charles Duchaine apparaît chargée, les deux frères ayant promu dans les Bouches-du-Rhône, un clientélisme comme il n’en existe pas sur le territoire. Certes Marseille n’est pas une ville comme les autres. Une rebelle. Une pittoresque. Mais une ville où les us et coutumes l’emportent sur le strict respect du droit. Un jour, les habitants en ont eu assez de voir défiler des notables, des hauts fonctionnaires, des élus socialistes défiler chez le juge. C’est ainsi qu’aux départementales, ils l’ont fait savoir et ont donné une nouvelle majorité - UMP-UDI - au conseil départemental des Bouches-du-Rhône, mettant fin à dix sept ans de règne de Jean-Noël Guérini, qui, avec près de 60% des suffrages, a tout de même sauvé son siège avec sa co-listière Lisette Narducci dans l’un des cantons de Marseille. Aussi, à moins d’une surprise de dernière minute, ce sera une nouvelle venue en politique, proche de Jean-Claude Gaudin, Martine Vassal qui devrait devenir la "reine des Bouches-du Rhône" comme on la surnomme déjà dans la Cité phocéenne.

Si les casseroles ou à défaut quelques écarts de certains élus les desservent, quand elles ne les mettent pas hors course, il en existe qui résistent. Ce fut le cas à la fin des années 80 lorsque Patrick Balkany connaissait – déjà – quelques soucis avec la justice. C’est le cas de Pierre Bédier, ancien secrétaire d’Etat chargé des programmes immobiliers de la Justice de Jacques Chirac. En janvier 2004, il doit démissionner, parce que soupçonné de corruption. En mai 2009, la Cour de cassation confirme sa condamnation à 18 mois de prison avec sursis et 6 ans d’inéligibilité. De quoi renoncer à la vie publique. Eh bien non, Bédier, soutenu par les électeurs des Yvelines, remonte la pente, retrouve en 2013 le Conseil général, puis en avril 2014 la présidence de l’assemblée départementale, fonction qu il va conserver grâce à l’écrasante victoire UMP-UDI dans les 21 cantons des Yvelines. Après tout, comme on l’entend souvent dans les prétoires, il a payé sa dette à la société…

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