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Burkini : "La photo de cette femme encerclée de policiers municipaux à Nice a fait plus pour le salafisme que cent prêches radicaux"
©Reuters

Bonnes feuilles

Collabeur. Neuf lettres infâmantes. Elles me sont tombées dessus un matin de janvier. D’autres ont suivi. Harki. Arabe de service. Beur domestique. Esclave. J’ai été victime d'une campagne de harcèlement. Mon tort ? Avoir fait part de ma colère après qu'une fois de plus la télévision a donné la parole à une musulmane qui a déversé un discours outrageusement victimaire et antirépublicain. Alors qu’elle était dépourvue de toute légitimité, elle parlait en notre nom. En mon nom. (Extrait de "Non je ne me tairai plus" d'Amine El Khatmi, publié aux Editions JCLattès 2/2)

Amine El Khatmi

Amine El Khatmi

Amine El Khatmi est militant politique depuis l’âge de 15 ans. Élu municipal socialiste d’Avignon entre 2014 et 2020, il a présidé de 2016 à 2023 le Printemps Républicain. Il est l’auteur de plusieurs essais : Non, je ne me tairai plus publié en 2017 aux éditions Lattès, Combats pour la France en 2019 chez Fayard, Printemps Républicain publié aux éditions de l’Observatoire en 2021 et Cynisme, dérives et trahisons chez Harper Collins en 2024.

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L’improbable affaire du « burkini », feuilleton de l’été 2016, nous a montré de manière aussi éclatante que grotesque les pièges qui nous sont tendus. Que les choses soient claires : je suis, au nom de l’idée que je me fais de mon pays, au nom de l’idée que je me fais de l’égalité entre les femmes et les hommes, au nom même de l’idée que je me fais de ma religion, viscéralement opposé à cette « tenue ». Je vois en elle une provocation supplémentaire et je constate avec effarement que l’on cherche à nous l’imposer en France alors que son interdiction se répand dans les piscines de certains pays du Maghreb. Le burkini n’est pas le simple voile qui, librement choisi, est parfaitement compatible avec la République.

Le burkini est le symbole d’une vision politique, archaïque et moyenâgeuse de l’islam, une vision qui fait de la femme, par essence inférieure à l’homme, un objet de désir permanent qu’il convient de protéger de potentielles pulsions masculines. Tout dans cet accoutrement me révulse. Mais ma révulsion, aussi forte soit-elle, ne peut rien, ne pourra jamais rien contre la législation en vigueur dans mon pays. On peut le déplorer, le regretter, mais en l’état actuel du droit, le burkini n’est pas illégal. Certes, cet argument, ne doit pas clore tout débat (voir partie IV, chapitre 1 ), ni nous empêcher de penser et de réfléchir à la manière de nous prémunir à l’avenir contre ce genre de dérives. Mais, à l’été 2016, rien ne pouvait interdire, en droit, le burkini.

À supposer que cette interdiction soit judicieuse. Car les arrêtés municipaux qui ont été pris, lors de cette polémique estivale, par des maires, dont on connaît par ailleurs les orientations politiques et/ou les arrière-pensées électoralistes, ont eu l’effet inverse à celui escompté. Ils ont offert un extraordinaire cadeau aux intégristes et aux militants de l’islam politique qui ne pouvaient espérer plus belle tribune pour tenter de convaincre les autres musulmans qu’ils vivent bien dans un pays islamophobe et raciste et qu’il faut monter au créneau pour défendre la « communauté ». Ils trouvaient ainsi un prétexte pour souder les musulmans autour de l’image forcément touchante, émouvante, révoltante de la femme, de la figure maternelle humiliée et persécutée. Que la ficelle était grosse et qu’il était aisé de tomber dans le panneau. La photo de cette femme encerclée de policiers municipaux à Nice a fait plus pour le salafisme que cent prêches radicaux dans des mosquées. Elle a contribué à renforcer les positions victimaires de ceux qui s’y complaisaient déjà et à faire douter les musulmans républicains qui, en sincérité, finissaient par se demander s’il n’y avait pas un problème entre leur pays et leur religion. Tout dans ces incidents à répétition a contribué à renforcer l’islam politique et ses promoteurs, au premier des rangs desquels le Comité contre l’Islamophobie en France (CCIF) dont les représentants étaient presque toujours présents sur les lieux des incidents quelques minutes après qu’ils se soient produits…

Ces épisodes étaient d’autant plus grossiers qu’ils donnaient à voir des élus de la droite la plus dure qui soit – celle de ma région Provence-Alpes-Côte d’Azur qui manifeste régulièrement contre l’interruption volontaire de grossesse, dont des représentants participent sans gêne à l’université d’été du diocèse de Toulon, qui peuplait les cortèges de la Manif pour Tous – se découvrir une passion soudaine pour la laïcité et le féminisme. Quant à la gauche, fidèle à son attitude en la matière, elle s’est entredéchirée publiquement. Le Premier ministre, Manuel Valls, étant publiquement désavoué par deux ministres de son gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem et Marisol Touraine. J’ai eu honte, en cet été 2016, du spectacle désastreux offert par la classe politique dans son ensemble. J’ai eu honte de voir mon camp, celui du progrès, celui dont toute l’histoire se confond avec celle du combat pour l’émancipation des femmes, se montrer incapable de trouver une position de consensus, ce qui n’était pas, j’en suis convaincu, impossible. Car entre nos déchirements à gauche, les surenchères sécuritaires délirantes de la droite et les provocations de l’islam politique, il en est une qui pouvait se payer le luxe de ne plus bouger : Marine Le Pen.

Extrait de Non je ne me tairai plus d'Amine El Khatmi, publié aux Editions JCLattès

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