Budget : Bruno Le Maire doit tenir son cap alors qu'il est attaqué sur trois fronts…<!-- --> | Atlantico.fr
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Le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire -- Photo AFP
Le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire -- Photo AFP
©STR / AFP

Atlantico Business

La bataille budgétaire va démarrer dès aujourd'hui. Derrière l'enjeu économique et financier se cache la concurrence de nombreux courants qui comptent bien utiliser la discussion parlementaire pour exister sur la scène politique, où le pouvoir n'a toujours pas réussi à réunir une majorité absolue.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

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La bataille d'amendements sera sans doute, comme l'année précédente, violente, brutale, mais sans aucun autre objet que de tenter de déstabiliser encore davantage la présidence d'Emmanuel Macron. Plus de 2500 amendements ont été déposés. Ils ne seront pas tous maintenus et discutés, car au final, chacun sait qu'Élisabeth Borne, la Première Ministre, n'aura pas d'autres solutions que de dégainer l'article 49.3 de la constitution, ce qui est son droit. 

Comme tout le monde au parlement connaît le droit constitutionnel, beaucoup de députés ont compris que l'amendement d'opposition ou carrément transgressif est l'arme la plus efficace quand on est minoritaire actif , pour se faire remarquer de sa clientèle électorale. 

Bruno Le Maire, qui est le ministre de l'Économie, sera donc la première cible de tous ces tirs qui seront  lancés sur la loi de finances… Pourquoi ? Tout simplement parce qu'il est numéro 2 du gouvernement, chargé de l'économie et des finances, et que son job est de faire en sorte que le budget tienne debout sur une route qui est mal pavée, avec une visibilité plutôt faible, et un capitaine de navire qui ne bénéficie que d'une confiance relative de la part du pays. Dans ces conditions, la loi de finances tient compte de toutes les contraintes qui s'imposent et qui sont d'ailleurs parfois contradictoires. Ce budget a été construit sur une hypothèse de croissance qui semble un peu forte aux économistes, 1,4%, avec un déficit budgétaire qu'on aura du mal à réduire, etc., mais qui répond à la conjoncture économique mondiale. Il faut donc répondre aux demandes de pouvoir d'achat tout en contribuant à la lutte contre le réchauffement climatique et en protégeant la compétitivité et la productivité des entreprises. Il était évident qu'un tel exercice qui se veut pragmatique s'offre à la critique de droite comme de gauche, dans laquelle il n'y a guère de solutions alternatives. D'autant moins que les solutions en question ne seront jamais appliquées, alors pourquoi se gêner ?

Le front le plus bruyant sera ouvert par l'extrême gauche, pour qui tous les coups sont permis et pour qui le problème numéro 1 est d'abattre le pouvoir en place et même le système politique et économique dans lequel nous vivons . Les moyens sont très simples dans leur démagogie : il faut protéger les populations les plus défavorisées, améliorer encore la redistribution des revenus et l'assistance, et pour le financer, le gouvernement doit faire  payer les plus riches. Donc, pour les députés de LFI, il faudrait taxer les superprofits et les hauts revenus, réviser à la hausse l'impôt sur les hauts revenus, etc., pas une virgule sur les risques de l'asphyxie économique et des pertes d'emplois… Au total, on va sur cette partition aligner plus de 2000 amendements ponctués de cris et de noms d'oiseaux. L'extrême droite joindra ses propres propositions critiques en mettant l'accent sur le coût que représente la politique d'immigration et sur la nécessité de baisser les taxes sur l'énergie et la TVA pour créer du pouvoir d'achat. L'extrême droite restera forcément discrète sur le déficit et la dette, car on ne pourra pas baisser un  impôt aussi efficacement que la TVA sans augmenter l'endettement. Il n'y a évidemment pas de solutions miracles.

Le front qu'il faudra surveiller avec beaucoup d'attention est celui qui sera ouvert par les LR, car c'est dans cette famille que Bruno Le Maire peut trouver quelques alliés. Après tout, c'est son ancienne famille politique, et beaucoup savent que les marges de manœuvre sont étroites, notamment sur les dépenses qu'il faudrait absolument réduire si on ne veut pas en arriver à augmenter les impôts et les taxes. Si compromis il y a, il passera par une réduction de certaines dépenses d'assistance sociale en contrepartie d'un coup de pouce sur le pouvoir d'achat. Mais ça restera des petits gestes.

Le front à l'intérieur de la majorité restera flou, mais le ministre de l'Économie ne pourra pas ne pas les écouter : sur le pouvoir d'achat pour les plus démunis, sur les transmissions d'entreprises, sur le contrôle des locations Airbnb, sur la fiscalité écologique, les amendements déposés seront examinés et sans doute retenus, d'autant que beaucoup de contributions du groupe Renaissance ont pour objectif de renforcer l'ambition de réduire le déficit budgétaire. 

Reste l'attitude et le comportement du MoDem et surtout du petit groupe Horizon qui s'est constitué autour d'Édouard Philippe, l'ancien Premier Ministre qui ne cache plus ses ambitions présidentielles. La proposition phare des amis d'Édouard Philippe est centrée sur une demande de baisse de l'impôt sur le revenu de 3 à 5 milliards d'euros applicable dès 2024. Elle n'est évidemment pas recevable par Bercy, qui est à la recherche du moindre milliard d'euros pour améliorer l'équilibre du budget. Bruno Le Maire est très certainement à l'écoute des propositions venant de ses amis, mais sans doute pas des propositions qui creuseraient encore le déficit en cédant à cette forme de démagogie. C'est d'autant plus étonnant qu'Édouard Philippe s'est lancé dans la course récemment avec pour axe majeur de faire de l'État un État sérieux sur le terrain budgétaire. Ça commence mal. Comme quoi un homme politique peut se permettre des projets pour accéder au pouvoir alors qu' il sait pertinemment qu’il ne pourra pas les appliquer s’ il a le pouvoir . 

Bruno le Maire doit se dire certains jours que le devoir de cohérence pour un homme politique pourrait être gravé dans la constitution.  

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