Boualem Sansal : « En ayant asservi la gauche et tétanisé la droite, les islamistes ont gagné la bataille de France »<!-- --> | Atlantico.fr
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L'écrivain Boualem Sansal a répondu aux questions d'Atlantico suite à l'interdiction de l'abaya à l'école.
L'écrivain Boualem Sansal a répondu aux questions d'Atlantico suite à l'interdiction de l'abaya à l'école.
©FRANCOIS GUILLOT / AFP

Interdiction de l'abaya

L'essayiste algérien Boualem Sansal décrypte les réactions des forces politiques de gauche et du CFCM suite à l'annonce de l'interdiction de l'abaya à l'école par Gabriel Attal.

Boualem Sansal

Boualem Sansal

Boualem Sansal est un écrivain et essayiste algérien. Il est notamment l'auteur de 2084 : la fin du monde, Le Train d'Erlingen ou la Métamorphose de Dieu et Abraham ou La Cinquième alliance. Très critique du pouvoir algérien, il est censuré dans son pays.

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Atlantico : Que vous ont inspiré les réactions indignées d’une bonne partie de la gauche française -sur le fond comme dans le choix des mots- à l’annonce par Gabriel Attal de l’interdiction de l’abaya et du qamis à l’école ? Et à quoi les attribuez-vous : complaisance idéologique, clientélisme électoral, étalage de pseudo vertu « woke »…?

Boualem Sansal : Ces islamistes sont des champions, avec des riens, de la ficelle et des bouts de chiffons, du prêchi-prêcha de bon samaritain qui n’y croit pas lui-même, des provocations puériles par écolières interposées, mais le tout inscrit dans un plan stratégique mondial peaufiné au cours des décennies, ils mettent la France sens dessus-dessous. On croirait bien, comme l’affirment leurs admirateurs, qu’ils ont gagné la bataille de France. Bilan à ce jour : ils ont asservi la gauche, tétanisé la droite et l’extrême-droite terrifiées à l’idée d’être traînées devant les tribunaux pour racisme, islamophobie et crime de guerre par la pensée. Ne parlons pas des autres, Renaissance, MoDem Canal-, Horizon (HOR), EELV sauve qui peut, ils sont aux abris.

La victoire des islamistes, qui n’ont ni parti politique ni accès aux médias, a été possible grâce au wokisme des uns, la lâcheté des autres, la roublardise des opportunistes et l’indifférence des passants. C’est contre tout ça qu’il faut se battre si on veut revoir le soleil briller sur la France. Attal a osé s’attaquer à la abaya, c’est bien, c’est un début, mais sait-il ce qui va lui tomber sur la tête, ses conseillers en islamologie lui ont-ils dit que les islamistes ont toujours mille fers au feu, prêts à l’emploi et qu’ils adorent frapper dans le dos au moment où l’on s’y attend le moins. Le vêtement musulman ne se réduit pas à l’abaya et au qamis, il y a le burnous, la kachabia, le saoural, le chèche, les sandales…, lesquels peuvent se porter de mille façons différentes et avec pleins d’accessoires grâce à quoi les mille et une obédiences islamiques se distinguent et se reconnaissent.

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Quelles sont, selon vous, les motivations des jeunes musulmans qui revêtent ces tenues ? Et en quoi comprennent-ils véritablement la portée idéologique ou culturelle de ces vêtements ou symboles ?

Ces gamins n’ont pas de motivations, et ne comprennent pas vraiment celles des adultes qui les incitent à toujours plus de provocations islamiques et d’implication dans leur guerre contre les kouffars, ils font ce qu’on leur dit de faire, ils s’amusent à imiter les héros du panthéon islamique d’hier et d’aujourd’hui. Les combattants gagnent dans l’affaire des avantages et des privilèges, ils seront cités à la mosquée. L’islamisme a une histoire maintenant en France, ils y trouvent de tout, des héros à imiter, des modèles, des exemples. Le séparatisme n’est pas que la partition territoriale, il est partout, dans les têtes, à l’école, au travail, dans les transports. Eux c’est eux, des kouffars qui méritent le Grand Châtiment, et nous c’est nous, des musulmans prêts à mourir pour leur religion. 

Le CFCM a lui aussi crié à « l’islamophobie » tout en affirmant qu’il ne s’agissait pas de tenues religieuses. Quelles sont selon vous ses motivations ?

Une remarque pour les malentendants : ceux qui croient que le CFCM est ce que son nom officiel de Conseil Consultatif des Musulmans de France, dit, se trompent lourdement. Il est à l’arrière-plan une instance législative et politique, qui dit l’islam de France et, en lien avec les instances et les Etats musulmans dans le monde, planifie sa transformation en une république islamique, la plus puissante dans l’espace musulman. Comme l’arbre cache la forêt, la forêt cache aussi l’arbre et ainsi on ne voit rien.

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En criant à l’islamophobie après avoir déclaré que l’abaya et le qamis n’étaient pas des tenues religieuses, il nous dit en fait ceci : c’est à nous, autorités de l’islam en France, de décider ce qui est ou n’est pas de l’islamophobie, et à personne d’autre, certainement pas les kouffars. Ceux qui pensaient et pensent qu’il revient à la justice de qualifier les faits, si plainte il y a, doivent s’actualiser, c’est au CFCM, aux imams d’en décider. 

Certains ont pointé le paternalisme et le racisme plus ou moins inconscient qui agite cette gauche qui se dit si soucieuse de défendre les musulmans contre une société française accusée de ne pas vouloir les intégrer. Y a-t-il une forme d’orientalisme inversé ou dévoyé qui perturbe tout discours sur les rapports entre la laïcité à la française, l’islam et les musulmans sous prétexte que les Occidentaux seraient incapables de comprendre le monde arabo-musulman ?

Le problème n’est pas que les occidentaux sont incapables de comprendre le monde arabo-musulman, ils ont leurs spécialistes qui le connaissent autant sinon mieux que les arabo-musulmans eux-mêmes, ilest dans le fait qu’au plan institutionnel ils s’y sont mis tardivement. Quand ils ont ouvert les yeux, il était trop tard. C’est seulement dans les années soixante, soixante-dix, après les indépendances des pays du Maghreb et du Sahel, que la France prend conscience brutalement que le monde arabo-musulmans avait franchi la Méditerranée, s’était installé en France, faisait souche grâce au regroupement familial, et qu’il revendiquait sa pleine reconnaissance et avec ses spécificités,ce qui impliquaitqu’il revenait à la France de s’adapter à lui et non à lui de s’adapter à elle. Pour les partis de gauche, l’apport des émigrés et des nouveaux Français a compté dans la victoire de l’alliance PS-PC à la présidentielle de 81.

La France avait tous les moyens pour gérer l’affaire, mais en même temps qu’elle recevait en masse l’islam, les musulmans et très vite l’islamisme, elle découvrait qu’elle avait également reçu d’Allemagne, du Royaume-Uni, des USA, des pays scandinaves une autre vision du droit des citoyens: la reconnaissance des droits des groupes, ce que la République française une et indivisible a toujours refusé y compris aux siens, bretons, corses, basques, et peu à peu ce qu’elle leur refusait mordicus, elle l’accordait à pleines mains à sa population musulmane qui avait créé ses territoires, sa langue, son mode de vie et initiait ce qui deviendront ses traditions… Le problème est sans solution, l’islam de France qui peu à peu remplace l’islam en France, ne cessera jamais de revendiquer ses droits, tous ses droits, forcément au détriment des autres communautés. La citadelle que la France souveraine de 1789 a construite en deux siècles, la France soumise des années 2000l’a défait en deux décennies. La déconstruction est aujourd’hui achevée. On ne peut rien construire car la mémoire du passé a été effacée. La gauche a fait du pur Orwell en France, terre de liberté.

Emmanuel Macron et son gouvernement vous paraissent-ils avoir compris la nature du défi posé par les islamistes ou uniquement animés de motivations électoralistes ?

Macron est venu pour faire du « et en même temps », « quoi qu’il en coûte » a-t-il ajouté plus tard. C’est ce qu’il fait tous les jours depuis, il faut lui reconnaître cette cohérence dans la pensée et l’action. Autre cohérence, Macron n’est pas venu pour comprendre mais pour être compris. Il n’est pas venu pour servir le pays et les Français, il est venu pour se faire un destin national et maintenant qu’il engage son deuxième mandat il veut se faire un destin international. Tout le reste n’est que détail. La suite ne l’intéresse pas, à la fin de son deuxième mandat il entamera une belle et très enrichissante carrière internationale.

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