Boualem Sansal : "cinq digressions capitales autour des grands malheurs de l’Occident"<!-- --> | Atlantico.fr
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L'écrivain algérien Boualem Sansal à Paris en 2015.
L'écrivain algérien Boualem Sansal à Paris en 2015.
©JOEL SAGET AFP

Réflexions

Déclin et effondrement de l’Occident, Islam, victimisation... L'essayiste algérien Boualem Sansal partage ses réflexions sur cinq thèmes liés à l'actualité.

Boualem Sansal

Boualem Sansal

Boualem Sansal est un écrivain et essayiste algérien. Il est notamment l'auteur de 2084 : la fin du monde, Le Train d'Erlingen ou la Métamorphose de Dieu et Abraham ou La Cinquième alliance. Très critique du pouvoir algérien, il est censuré dans son pays.

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1) Du déclin et de l’effondrement de l’Occident.

C’est par son effondrement qu’une construction révèle ce qui en elle, logé dans ses profondeurs, était fragile et œuvrait à sa destruction à l’insu de ses occupants. 

Il ne faut ni exagérer ni généraliser, ni passer son chemin comme un touriste idiot, mais il faut le dire, l’Occident, qui fut si fort et qui porte encore beau, est en train de s’effondrer. Les spécialistes des agonies annoncées situent l’épicentre en France, d’autres le voient en Belgique, au Canada, ou carrément au Vatican, ils ne savent trop, la tectonique des civilisations reste à inventer. En tout cas, on le prédit, les savants le déduisant de leurs calculs et les intuitifs le sentant comme on sent la fumée dans l’escalier et les vibrations du sol. Comme, de par son histoire impérialiste, colonisatrice et civilisatrice, il est le maître du monde, il l’emportera en entier dans sa chute. Science-fiction, dystopie ? Peut-être mais ces craquements sinistres qui vont crescendo, cette atmosphère viciée qui vient des combles, cette puanteur qui monte de la cave, cette lassitude devant la vie quotidienne qu’on observe chez les plus vigoureux, et même les enfants si pleins d’énergie et d’intelligence, disent bien des choses, non ? Et cette pression que la montée des violences et des extrémismes nous met sur les épaules,  et tous ces morts qu’on enterre à la pelle mécanique parfois, à la va-vite pour ne pas désespérer les survivants, n’en disent-ils pas autant, sinon plus ? Et tous ces gens bien vêtus, haut placés sur l’échelle de Jacob ou de Richter qui vaticinent en se prenant eux-mêmes à témoins, que font-ils sinon nous empêcher de voir l’étendue du désastre et la profondeur de leur lâcheté. La nôtre fatalement, quelque part nous sommes dans la cordée. La veulerie est une chose considérable dans la vie des hommes. Là je paraphrase et ajoute du mien à ce que disait Raymond Aron : « la bêtise et l’ignorance sont des facteurs considérables de l’Histoire ». L’effondrement de l’Occident serait déjà de l’ordre de la nécessité et de l’urgence, la pollution du monde par ses rejets et ses déchets, ses épandages et ses enfouissements a atteint le point de bascule, il faut vite commencer à détruire ce qu’il a construit pour sauver ce qui peut l’être et trouver le moyen de l’empêcher de récidiver. Les GIECois le disent et le répètent, les EELViens y ajoutent leurs petites choses et leur vindicte, mais savent-ils tous quels sont ces pays qui accepteraient de se suicider pour sauver les autres et quels sont ceux qui chercheraient plutôt à les détruire pour se sauver eux-mêmes ? Question polluante, on se pince le nez.

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Mais qui donc annonce, promet et souhaite l’effondrement de l’Occident ? L’Occident lui-même. Il est vieux, malade, épuisé, infécond, il ne peut plus assumer les charges qu’imposent la puissance et la domination. Porter l’épée n’est plus de son âge. Ses enfants refusent de prendre la relève, la mort des gens ne les concerne pas, au motif disent-ils qu’ils n’y sont pour rien et n’y peuvent rien. C’est cela que j’observe et que je rapporte. « La reine se meurt, la reine est morte », disait Bossuet dans sa célèbre oraison funèbre d’Henriette, duchesse d’Orléans. Qui demain dira l’oraison funèbre de l’Occident ? 

Ne le pleurons pas plus que ça, l’Occident a bien vécu, s’est bien enrichi et fait des millions de veuves et d’orphelins de par le monde. 

Mais comme il respire encore, la question se pose : peut-il se sauver ? Oui s’il se met au service des Brics, les nouveaux héros, mieux s’il se convertit à l’islam et se lance dans le Jihad vivifiant. L’idéal, mais ne rêvons pas, est qu’il se réveille tout seul, s’arme de courage et retrouve le chemin de l’honneur. La faiblesse pour un Etat est un crime contre son peuple. Contre l’humanité.

2) De l’islam et des vérités éternelles et transcendantes.

Quand l’éphémère et l’insignifiant passent, vient l’éternel et le transcendant. Je vous parle là de l’islam, cette puissante religion qui compte deux milliards de fidèles dans le monde et pourrait sous peu doubler ses effectifs et ses possessions tant elle est dynamique, audacieuse, chaleureuse, fraternelle, agréable à vivre, conquérante dans le sens noble du terme, voulant dire par là qu’elle ne fait rien à moitié et ne connaît pas l’hésitation. L’islam est et se veut la Grande Solution pour tous et pour toujours. Il ne faut pas rater le train.

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Aucune condition d’éligibilité, il n’est pas même exigé d’avoir la foi pour y entrer. La tenue islamique de ville suffit, c’est un laisser-passer universel.

Faut-il le relever : Ses théologiens avouent ne pas tout comprendre de l’islam, son coran et ses hadiths sont si pleins d’obscurités, de contradictions, d’invraisemblances, d’hérésies, de raccords à l’emporte-pièce, de clauses abrogées mais toujours présentes dans le texte, comme pour rappeler d’anciennes menaces, et d’autres abrogeantes dont la performance se discute encore, que toutes les interprétations sont possibles, des inoffensives aux plus calamiteuses. On en compte plus de cent. Ceux qui se sont arrêtés à deux, le sunnisme et le chiisme de base ont du chemin à parcourir. La force de l’islam est précisément là, il fait du sur-mesure,  il offre à chacun ce qu’il veut entendre, et s’il ne l’a pas en stock il l’invente pour lui. Ce qui ressemble le plus à l’islam c’est la physique quantique, on n’y comprend rien mais ça marche du tonnerre, les applications, plus ébouriffantes les unes que les autres, se succèdent à un rythme fou. Et ce n’est que le début, au quantique et à l’islam va s’ajouter l’intelligence artificielle.

Chaque époque a ses folies. L’exégèse la plus populaire aujourd’hui est la salafiyya, qu’à Paris on appelle salafisme comme si c’était un isme nouveau venu d’URSS ou de la Chine maoïste ou un retour de pétainisme, alors qu’elle est la plus canonique des lectures du Coran, elle dit cette chose banale et brillante, savoir que la meilleure lecture de la Révélation islamique est la première, celle que le Mahomet tenait de l’Ange Gabriel et qu’il a enseignée à chaud à ses Compagnons. Elle dit aussi, par déduction, que les autres interprétations sont des innovations et en islam l’innovation est une impudence, une apostasie, le plus grand des péchés. Le Prophète n’a pas été compris de la même manière par ses Compagnons, chacun y a vu son midi à lui, dans un contexte de lutte féroce pour le pouvoir au sein des nouvelles élites. La proximité n’est pas un gage de fidélité et être prophète ne met pas à l’abri de la trahison.

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Si les savants musulmans ne comprennent rien à l’islam, quid du musulman lambda, désargenté par définition, qui doit sans pitié endurer les dépenses que l’islam lui impose à travers le ramadan, le pèlerinage, le mouton de l’aïd, le halal, les agapes faramineuses des mariages, des funérailles, des naissances, des circoncisions, sans oublier la zakat légale, les quêtes à la mosquée, l’obole aux mendiants… et les taxes et impôts du pays d’accueil.

Devinette : Qui vient en premier chez les musulmans dispendieux, la ruine de l’âme ou la ruine du ventre ?

Il y a une nouveauté en islam dont on ne parle jamais alors qu’elle est l’essence des choses actuelles. Étant conquérant de naissance, fougueux et intransigeant, l’islam a fait de la violence et de la terreur ses chevaux de bataille. Elles obéissaient cependant à un certain code d’honneur que le prophète Mahomet avait commencé à codifier. On ne tue pas en islam, on se bat pour Allah, on applique sa charia. En face, les chrétiens avaient le leur et donc sur les champs de bataille s’affrontaient de nobles guerriers et des codes d’honneur. On aime à rappeler ces deux grands chevaliers qui se sont battus jusqu’au bout de leurs forces pour Jérusalem la sainte : le roi Baudoin IV de Jérusalem dit le Lépreux et le sultan Saladin, surnommé en Europe le Chevalier de l’islam. Aujourd’hui la violence et la terreur sont portées par des mentalités viles et des armes bien plus épouvantables que les arbalètes et les catapultes d’antan. Elles tuent à distance, en différé, en masse, aveuglément, et en plus elles font spectacle permanent dans les médias. De l’époque ancienne, n’a survécu que le couteau, l’épée des pauvres et des psychopathes. Finis les armes du Moyen-Âge, bienvenue aux missiles, aux drones, aux tronçonneuses, aux crashs d’avion, et bientôt aux bombes de A à Z. Les  islamistes adorent la technologie, elle est magique, aphrodisiaque, elle incite, excite, et donne un formidable élan au jihad.. Il faut bien le comprendre pour savoir à quoi il faut s’attendre. On surveille les fichés S des quartiers, soit, mais qui surveille les ingénieurs-chimistes et les atomistes ?

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3) De l’émigration, comme source de prospérité et de misère.

L’Occident est cannibale, il se nourrit de l’immigration et en meurt. Les spécialistes s’interrogent : meurt-il de la quantité ou de la qualité ? Choc physique, choc psychologique, choc culturel ? Ni l’un ni l’autre, il meurt de la bêtise et de l’ignorance. L’Occident qui ne vit que dans l’actualité ne voit pas et ne comprend pas qu’il est pris dans une guerre antique, vieille comme le monde : la guerre des migrants contre les autochtones, avec au bout la disparition des derniers mohicans. Les tribus amérindiennes sont mortes de cela, elles n’ont pas compris que les blancs qui arrivaient par bateaux entiers venaient prendre leur place. Les africains n’avaient pas davantage compris la manœuvre, les européens ont pris leur place, les ont poussés hors de l’histoire et se sont dit africains à leur place. Sur le plan moral c’est efficace, l’Afrique était toujours aux africains, à une différence près, les nouveaux étaient blancs. Dans l’Europe actuelle il semble que les noirs sont devenus blancs et les blancs noirs. 

L’Occident est à mi-chemin de sa disparition. Peut-être même est-il sur la fin car dans l’affaire il faut compter avec Allah et l’islam qui sur les uns ont un effet amplificateur et sur les autres un effet inhibiteur. 

4) Du rêve bienfaiteur et de la réalité douloureuse.

Il y a un siècle, à la Belle Époque, l’invention de la radio, du cinéma et de la télévision nous avaient propulsés dans l’univers magique de l’image et des bruitages choisis pour parfaire l’illusion. Depuis nous vivons sur ce que les producteurs de contenus, les publicitaires et les communicants nous balancent des satellites par corbeilles entières. Derrière, tapis dans l’ombre, sont les prescripteurs qui fournissent les éléments de langage et l’argent pour le beurre. Puis est venu l’artillerie embarquée de haute précision, le GPS pour nous localiser de jour comme de nuit, Internet, l’ordinateur, le smartphone et le système a fini de nous détruire le cerveau et faire de la soupe pour chiens gâtés de nos neurones supérieurs. La nouvelle offensive qui se prépare dans la Silicon Valley va nous apprendre à notre insu à nous programmer nous-mêmes par une puce implantée dans notre cerveau à notre naissance. Les choses allaient si bien pour nos maîtres que nous n’avons pas vu que la planète était en train de bouillir sous nos pieds et que le ciel était en train de fondre au-dessus de nos têtes.

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La bataille se fait dans notre subconscient, dans nos ordinateurs. C’est fantasmagorie contre fantasmagorie, virtuel contre virtuel. Dans cette histoire il n’y a que les morts qui sont vrais, vrais mais vides, ils n’ont pas de muscles, pas de cervelle, pas de cœur, pas de mémoire, pas d’histoire, pas de culture, rien qui les encombre et leur donne à réfléchir et donc à souffrir et à vivre si ça se trouve.

On l’a compris, l’arme secrète contre l’humanité programmée est de la sortir brutalement du virtuel. Retrouvant la vue, elle verra le monde tel qu’il est et mourra aussitôt. Ne resteront sur terre que les aveugles et les fous. C’est avec ça pourtant qu’il faudra rebâtir la vie. Notre civilisation a commencé comme ça, avec  un dieu distrait, un vrai voyou, Ève, un grand benêt, Adam, et un serpent vicieux.

4) De l’art de jouer son jeu pour alimenter la guerre.

Le clivage n’a jamais changé, il divise l’humanité en deux, celle des trompeurs qui prêchent sans se montrer, et celle des trompeurs violents qui détestent qu’on les sermonne.

L’affaire se décline de mille façons. Quelques exemples  : celui de l’antisémite profond qui cache son cancer et va par mille questions malignes exciter les antisémites gammés, nombreux et fort violents, dont il a besoin pour faire fructifier son commerce secret contre les juifs ; c’est le raciste discret qui va chatouiller les racistes intransigeants et fiers de l’être et les pousser subtilement à multiplier les ratonnades pour tirer profit de leurs crimes ; ce sont les misogynes qui l’air de rien vont exciter les machos en moquant gentiment les cocus ; c’est l’islamiste propre sur lui, démocrate militant qui va à la mosquée poser autour de lui des questions innocentes sur la laïcité, sur les Protocoles des Sages de Sion, sur le Bataclan. Tout l’art est là, gagner des positions en faisant faire par d’autres ce qu’on n’ose pas faire soi-même. C’est la nouvelle société, the lying society, le deux en un macronien. Pour le moment, cet art nouveau n’est réellement maitrisé que par les bac+10 du who’s who socialiste.

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Il faut imaginer la complexité du jeu quand on est soi-même antisémite, raciste, misogyne, islamiste, gay et qu’on veuille, avec l’air de ne pas y songer un instant, promouvoir l’antisémitisme, le racisme, l’islamisme, la haine des femmes et des homos. Nos enfants sauront-ils se retrouver dans cette  pagaille et dire qui sont leurs frères et où sont leurs sœurs ?

5) Du bonheur d’être une victime à plein temps.

Sous le ciel rose de France, être une victime à plein temps c’est la bonne affaire, une assurance pour la vie. Les anciens ont bien travaillé, ils ont trouvé la filière, tout balisé, il suffit de suivre la flèche pour s’en mettre plein les poches et c’est gratuit. Le calcul a été fait, une bonne victime peut ramasser plusieurs milliers d’euros par mois sans se fatiguer, sauf pour aller de bureau en bureau, prendre des tickets et patienter, peut-être engueuler la nouvelle préposée qui n’est pas très au fait des priorités. En plus du pactole en beaux billets de banques, on gagne l’estime et l’amour des associations qui sont dans le business de l’aide aux victimes, les fausses plus que les vraies, ces dernières tiennent  à leur dignité et ça les dessert.

Les vrais musulmans sont partagés, certains croient que c’est la baraka, la manne céleste dont parle le Coran, cet argent est donc halal même s’il vient de la poche de méchants mécréants, et les français avec leur laïcité et leurs cochonneries le sont plus que les autres. Les musulmans soupçonneux y voient un piège diabolique posé par la France coloniale pour attirer les émigrés sur son territoire et voler leurs enfants pour en faire de bons petits français disciplinés et travailleurs pour ses usines et ses champs. L’islamisation, la radicalisation et le séparatisme viennent de là, ils font barrage à la colonisation française judéo-chrétienne. On prend son argent, en tant que compensation historique, soit, mais on la maintient à distance et mieux on ira sauver ses enfants en les convertissant à la vraie religion.

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