Bilan ou droit d’inventaire des années Sarkozy : ce que l’UMP peut y gagner et ce qu’elle peut y perdre<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
Le « droit d’inventaire du Sarkozysme » divise l’UMP.
Le « droit d’inventaire du Sarkozysme » divise l’UMP.
©Reuters

Table rase... ou pas

Le droit d'inventaire du Sarkozysme, c'est ainsi que s'appelle la troisième saison des guerres internes de l'UMP. S'il semble désormais inévitable, ce bilan pourrait ne pas s'avérer uniquement bénéfique pour le parti en éloignant notamment les médias de l'action du gouvernement.

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd est normalien et docteur en histoire, spécialiste des idées et de la rhétorique politiques qu’il enseigne à Sciences Po et à Bruxelles. Dernier ouvrage paru : « Réformer : quel discours pour convaincre ? » (Fondapol, 2017). Il est président du conseil scientifique et d'évaluation de la Fondation pour l'innovation politique.

Spécialiste des Pays-Bas, il est l'auteur de Histoire des Pays-Bas des origines à nos jours, chez Fayard. Il est aussi l'un des auteurs de l'ouvrage collectif, 50 matinales pour réveiller la France.
Voir la bio »

Atlantico : Après la guerre des chefs pour la tête du parti et la polémique autour du soutien de la candidature de Nathalie Kosciusko-Morizet à la Mairie de Paris, c’est désormais le « droit d’inventaire du Sarkozysme » qui divise l’UMP. Qu’est-ce que le premier parti d’opposition peut gagner à faire cet inventaire et que peut-il y perdre ?

Christophe de Voogd : Tout d’abord je dois dire que cette question de l'inventaire me paraît doublement mal posée. Premièrement, par sa formulation qui rappelle le précédent de Lionel Jospin et qui donne à penser qu'un tabou doit et va être brisé. Comme si toute action présidentiel était quelque chose de sacré en soi que l'on ne pouvait aborder qu' avec vénération sous peine d’être taxé d’être d'iconoclaste. Atmosphère magique qui en dit long sur la nature du pouvoir du chef de l'Etat sous la Vème République. Deuxième problème : le timing, et l'on sait que c'est un enjeu essentiel en politique.

Or, j'ai toujours été étonné par le fait que le bilan n'ait pas été au cœur de la campagne de l'UMP en 2012. Seules quelques voix comme celles de Valérie Pécresse, Nathalie Kosciusko-Morizet, ou Bruno Le Maire l'ont abordé de front et intelligemment défendu. Comme si le reste du parti, à commencer par le candidat, voulait éviter le sujet, en en laissant le monopole à la gauche. Erreur stratégique majeure selon moi car ce faisant, on semblait endosser à droite le tableau apocalyptique peint par la gauche. Donc, pour répondre à votre question, je vois bien des dangers pour l'UMP à faire maintenant et dans ces termes ce fameux inventaire. L'attention des médias va à nouveau basculer vers l’UMP comme à l’automne dernier et on sait avec quelle gourmandise, laissant au gouvernement un temps de respiration inespérée dans un moment très critique pour lui.

Cet inventaire des réussites et des échecs éventuels des années Sarkozy a-t-il un intérêt s’il ne s’accompagne pas de la création d’un nouveau programme, voire d’un nouveau logiciel politique pour le parti ?

Sous toutes les réserves ci-dessus, un tel exercice doit justement préparer un nouveau programme. Quant au logiciel, il reste à trouver et la droite, coincée entre son aile conservatrice et son aile libérale, en est encore bien loin. On l’a vu avec la question du mariage pour tous. Je trouve pertinente l'idée de progrès mise en avant par François Fillon et qui met bien en lumière par contraste le conservatisme impressionnant de la gauche française au pouvoir. Mais comme il y a aussi du conservatisme et de l’étatisme à droite, un discours résolument progressiste y est difficile. Je pense pourtant qu’il serait gagnant. L’on pourrait aussi penser au thème du « bon sens » sur bien des enjeux allant de l’économie à l’immigration ou l'éducation. Nicolas Sarkozy avait été dans ce registre-là, très  rassembleur, en 2007. Mais il l’a quitté comme on sait pour la ligne Buisson qui était, elle, ultra-clivante. Dans un pays que je connais bien, les Pays-Bas, un politicien de droite Ruud Lubbers, avait joué sur ce seul thème du bon sens sur tous les sujets (no nonsense!) et a gagné 4 élections de suite dans les années 1980-1990.

Afin de calmer les esprits, le président de l’UMP, Jean-François Copé, a appelé à un « débat sur le bilan » des années Sarkozy, refusant la notion de droit d’inventaire. Quelle différence y a-t-il entre ces deux concepts ? Sont-ils complémentaires ou contraires ?

C’est une bonne idée qui évite justement la connotation « profanatrice » du droit d’inventaire. Mais encore une fois, le timing n'est pas le bon. C'est ou trop tard ou trop tôt. Il me semble que d’ici 2015 la droite  devrait se cantonner à sa fonction d’opposition. Comme l'a fait la gauche avant elle et on sait avec quel succès. Les échecs de la politique gouvernementale et les nombreuses atteintes à la liberté d'entreprendre, les projets de Christiane Taubira, tout cela offre à la droite française un boulevard. Mais comme à son habitude, elle risque fort de ne pas  l'emprunter et de repartir vers son sport préféré, le déchirement interne... Bien sûr, je parle de la droite des partis et du parlement, de la vie politique quotidienne. Rien n’empêche, et même tout invite à ce qu'au niveau de la réflexion individuelle et collective, dans les  think tanks par exemple, la question du bilan et surtout du logiciel soit rapidement à l'ordre du jour.

Jean-François Copé veut éviter que soit fait « le procès de Nicolas Sarkozy et de François Fillon ». Est-ce cela que souhaite une partie des cadres de l’UMP : charger l’ancien président et son Premier ministre pour se déresponsabiliser ? Cela peut-il être une bonne façon d’avancer pour l’UMP ?

Sur ce point, c'est Laurent Wauquiez qui me paraît avoir la bonne idée en proposant un bilan des dix années de la droite au pouvoir. Cela évitera  au sein de l'UMP la polarisation pro/anti Sarkozy et l'hystérie médiatique anti-Sarkozy interdisant tout bilan objectif et équilibré, voire même tout simplement un bilan informé, de la période 2007-2012. Mais bien sûr, dans cette affaire du droit d’inventaire, il y a bien des calculs personnels à l 'UMP.

Qu’il s’agisse d’un bilan ou d’un inventaire, l’UMP peut-elle espérer retrouver la confiance de ses électeurs, et plus largement des Français, sans que cette opération soit menée à bien ?

Non, mais encore une fois le moment est très mal choisi : ce n’est pas le bon moment et le bon moment, on le sait depuis Machiavel c’est l'essence même de la politique.

Propos recueillis par Jean-Baptiste Bonaventure

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !