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Fillon/Dati :
le silence de plomb de l'UMP
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Kramer contre Kramer

C'est bien François Fillon qui sera investi en janvier dans la deuxième circonscription de Paris. Rachida Dati, elle, ne sera pas exclue de l'UMP malgré ses attaques répétées envers le Premier ministre.

Anita Hausser

Anita Hausser

Anita Hausser, journaliste, est éditorialiste à Atlantico, et offre à ses lecteurs un décryptage des coulisses de la politique française et internationale. Elle a notamment publié Sarkozy, itinéraire d'une ambition (Editions l'Archipel, 2003). Elle a également réalisé les documentaires Femme députée, un homme comme les autres ? (2014) et Bruno Le Maire, l'Affranchi (2015). 

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Les périodes d’investitures pré-législatives ont de tout temps donné lieu à des psychodrames dans les partis politiques. Même si dans certaines circonscriptions de province, des empoignades électorales entre candidats appartenant au même camp n’ont rien à envier à celles qui se profilent dans la capitale, la tradition centralisatrice de la France étant toujours vivace, c’est évidemment sur Paris et l’Ile-de-France que se focalisent les regards des observateurs.

Et il n’y a guère de risque de strabisme divergent cette année : gauche et droite sont rongées par les mêmes divisions, qui reflètent les vieilles batailles de courants ou de camps. Mais pour l’heure les élus socialistes parisiens brutalement écartés au profit de candidats écologistes avec la secrétaire nationale du Parti, Cécile Duflot à leur tête, ont ravalé leur rancœur et font profil bas.

En tous cas, le temps de la campagne présidentielle, en espérant que les cartes seront rebattues au lendemain du 6 mai et tout en n’excluant pas cependant une candidature dissidente par la suite. La rudesse de la mise à l’écart de deux députés socialistes,-par ailleurs élus municipaux-, a mis le feu à la fédération du PS de la capitale

Bataille dans le 7e arrondissement de Paris

Cette accalmie temporaire offre tout l’espace médiatique à la bataille au sein de l’UMP autour de la 2e circonscription de Paris (celle qui englobe le 7e arrondissement) qui défraye la chronique. Avec la polémique et la menace d’affrontement entre la maire du 7e, Rachida Dati et le Premier ministre, François Fillon, on détient les ingrédients d’un scénario inouï, inimaginable "du temps de Jacques Chirac", comme le souligne amèrement un élu UMP.

Car cette lutte en cache d’autres et pas des moindres, à commencer là aussi par le contrôle de la puissante fédération UMP de la capitale en vue de l’obtention de la tête de liste aux prochaines municipales, et dans un horizon moins lointain, le leadership de l’UMP au lendemain de la présidentielle. La mésentente entre François Fillon et Jean-François Copé est de notoriété publique. Elle a aujourd’hui supplanté les vieilles bagarres entre chiraquiens et balladuriens.

Parachutée dans le 7e arrondissement aux municipales de 2008, Rachida Dati appartient au camp de la direction de l’UMP. Un beau symbole que l’élection de cette candidate "issue de la diversité", dont les parents étaient des immigrés marocains, dans ce fief hyper conservateur. François Fillon, lui, rêve d’y débarquer au printemps prochain, après son départ de Matignon.

Dati, moyennement passionnée par l'Europe

Pour Rachida Dati, devenue députée européenne, mais moyennement passionnée par l’Europe, il était entendu que cet exil strasbourgeois ne serait que provisoire, et que l’investiture pour devenir députée de la nation française irait de soi. Mais c’était sans compter sur le Premier ministre qui gère habilement sa popularité personnelle et qui est depuis quelques années à la manœuvre pour s’implanter à Paris, en recherche d’une "circonscription en béton", une denrée rare. Celles qui présentent cette caractéristique  sont "occupées" par les sortants.

Seule ouverture possible dans la nouvelle 2e circonscription parisienne, entièrement remodelée au moment du redécoupage de 2009. Elle englobe les 5e, 6e et le très chic 7e arrondissements. Les deux députés sortants, Jean Tiberi et Martine Aurillac ne se représentent pas et ouvrent leurs bras au locataire de Matignon. Sur le papier, une situation idéale pour François Fillon… Mais c’était sans compter la pugnacité de Rachida Dati, qui a sorti ses griffes et revendique elle aussi l’investiture au nom de sa légitimité de maire d’arrondissement.

Ses partisans ont déjà réussi à faire échouer l’élection d’un de ses proches au Sénat et contribué à l’élection de Pierre Charon. Elle se démène avec une énergie incroyable, mêlant victimisation et attaques verbales, dans un premier temps pour tenter de décourager le candidat potentiel, dans un deuxième pour négocier une autre circonscription. Mais lundi, elle a peut être signé la protestation indignée de trop dans Le Monde : « Vous m’avez placée vous-même face à mon devoir de résistance », clame-t-elle à l’adresse de son concurrent. En appuyant là où ça fait mal, elle poursuit : "Vous allez casser ce que Nicolas Sarkozy a fait de mieux, de plus symbolique au cours de son quinquennat, montrer que la réussite de l’intégration, c’est de pouvoir convaincre notre électorat le plus traditionnel qu’il peut être représenté par quelqu’un qui n’a ni les mêmes origines sociales, ni les mêmes origines culturelles".

Avantage : François Fillon

Hélas, la veille le Journal du Dimanche publiait un sondage donnant très largement l’avantage à François Fillon (39 % des intentions de vote contre 8% à Rachida Dati). D’où une volée de bois vert et un échauffement des esprits. En sa qualité de déléguée générale de l’UMP, Nadine Morano lui a suggéré d’aller se présenter en Saône-et-Loire, "là où elle est née". Bernard Debré l’a qualifiée d’enfant gâtée et Bernard Accoyer lui conseillé de travailler (plus) ses dossiers, laissant entendre qu’elle ne s’en préoccupe guère.

Laurent Wauquiez a même envisagé son exclusion de l’UMP. Inconcevable pour Jean-François Copé ou Jean-Pierre Raffarin, qui mesurent l’aura de l’ex-protégée de Nicolas Sarkozy, qui signe autant d’autographes qu’une rock star et remplit les salles des meetings. Les amis de François Fillon, qui contrôlent la fédération UMP de Paris, sont exaspérés par l’inertie du secrétaire général de l’UMP et haussent le ton, demandant qu’on lui "retire lui au moins le titre de conseiller politique de l’UMP". Sans succès pour le moment.

La direction de l’UMP ne veut pas insulter l’avenir et se priver d’une candidate à la Mairie ! Hier Rachida Dati ne s’est pas montrée au Conseil de Paris et n’a pas assisté au débat sur l’aménagement des voies sur berges "qui concernent pourtant son arrondissement" au Conseil de Paris. Quant à Nicolas Sarkozy, il reste d’autant plus sourd aux interpellations de son ex-garde des Sceaux que François Fillon demeure lui aussi muet. Il laisse la patate chaude à "son entourage" pour ne pas donner l’impression que sa propre carrière passe avant le gouvernement. Comment tout cela finira-t-il ? Par un affrontement dans les urnes, ou par une solution négociée ? En tous cas le silence des autorités, loin d’être d’or, devient aussi pesant que le plomb.  

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