Avec l’exclusion de Jean Marie Le Pen, la politique française perd-elle son meilleur ennemi ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Jean-Marie Le Pen a été exclu par le bureau exécutif du Front national.
Jean-Marie Le Pen a été exclu par le bureau exécutif du Front national.
©JOEL SAGET / AFP

Et après ?

Malgré son exclusion par le bureau exécutif du parti, Jean-Marie Le Pen estime toujours qu'il "incarne le Front National" et affirme qu'il pourrait ne pas voter Marine en 2017. Pour la présidente du FN, cette "issue" est logique, son père ayant "multiplié les fautes". Mais le menhir n'a pas dit son dernier mot.

Gil  Mihaely

Gil Mihaely

Gil Mihaely est historien et journaliste. Il est actuellement éditeur et directeur de Causeur.

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Atlantico : Suite à l'exclusion de Jean Marie Le Pen du Front National, la scène politique française perd un homme qui a exercé le rôle du repoussoir pendant plusieurs décennies. En quoi cette situation peut-elle provoquer un vide dans le paysage politique français ?

Gil Mihaely : Il est beaucoup trop tôt pour enterrer Jean-Marie Le Pen ! Cela me rappelle une vieille blague concernant les hommes politiques de son genre, ceux qui s’accrochent au pouvoir et aux honneurs sans jamais rien lâcher : pourquoi y a-t-il toujours beaucoup de monde lors des enterrements des hommes politiques ? Parce que tout le monde veut vérifier personnellement s’il est vraiment mort !

Au cours des quatre derniers mois il a montré qu’il connaissait par cœur les rouages de la machine qu’il a lui-même créée. Aussi longtemps que Jean-Marie Le Pen aura les facultés intellectuelles et les capacités physiques nécessaires, il continuera à jouer le rôle qu’il a toujours joué. Surtout que maintenant il a tout intérêt à nuire au nouveau FN et à rallier les vieux de la vieille à sa cause, deux excellentes raisons pour une surenchère dans la provocation. Je crois donc que, pour paraphraser Mark Twain, les rumeurs concernant la mort politique de Le Pen sont très exagérées.  

Le créneau de l'homme à détester pourrait être occupé en alternance, et pas forcément par des politiques d'ailleurs. Nous avons toujours Dieudonné Soral & Co. ainsi que les polémiques à la chaine. Après tout, le "super méchant" est une créature éminemment médiatique !

Dans une interview donnée au magazine Causeur en avril dernier (voir ici), Marine Le Pen indique à nouveau vouloir parler du fond plutôt que des "sorties" de son père. En quoi l'absence de polémique peut-elle nuire ou au contraire bénéficier au parti ? En d'autres termes, la perte de son caractère sulfureux peut-il avoir une influence sur les électeurs ?

Le fait que le FN est devenu ou est en train de devenir un parti comme les autres – c’est-à-dire légitime aux yeux de la plupart des électeurs et ayant pour objectif la conquête du pouvoir - a des avantages mais aussi quelques inconvénients. Les avantages sont évidents : cela permet de sortir du ghetto électoral et d'atteindre des électeurs idéologiquement proches mais effrayés par l’étiquette et l’image. En revanche, cela implique aussi une certaine banalisation : ce n’est plus ni "we few we happy few we band of brothers*", ni le frisson de la transgression et le sentiment de se faire entendre à Paris et parmi les élites qu’avaient les sans-voix en glissant un bulletin FN dans l’urne.           

L'exclusion de Jean Marie Le Pen suffit-elle à faire du FN un parti "comme les autres" ? 

Cela va certainement couronner le projet dont c’était l’objectif. "Un parti comme les autres", qu’est-ce que c’est ? D’abord un parti est une association dont la raisons d’être est d’arriver au pouvoir. Ce n’était probablement pas le cas du FN canal historique. Bruno Mégret l’avait remarqué il y 17 ans bien avant que Marine Le Pen, par son action, ne démontre clairement que son Père n’avait jamais sérieusement envisagé l’exercice du pouvoir - c’était pour Bruno Maigret un tribun. Ensuite, "un parti comme les autres" est un parti légitime pour qui il n’est pas honteux de voter et ce, même si ce parti ne nous séduit pas particulièrement. Cependant, ayant gagné la bataille de la respectabilité, ce qui reste au FN est de gagner celle de la crédibilité, soit démontrer qu’il est capable de gouverner et mettre à exécution son programme.

Cette éviction ne fera pas taire le menhir. Quelle est sa capacité de nuisance à l'égard du parti qu'il a fondé alors même qu'il n'en fait plus partie ?

Il pourrait mener une guerre d’usure juridique multipliant appel et procédures accompagnée d’une guérilla politique en lançant et/ou soutenant des formations et des personnes se présentant contre des candidats FN. Mais c’est surtout par les médias qu’il pourrait continuer à exister avec peu d’effort. N’oublions pas non plus que pour la presse, désireuse de démontrer que dans ce FN il n'y a rien ne nouveau, Le Pen reste un très bon client.

* Traduction De nous, cette poignée, cette heureuse poignée d'hommes cette bande de frères (Henry V de Shakespeare)

Propos recueillis par Rachel Binhas

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