Aux arbres citoyens ou la dérive médiatique dans toute sa splendeur <!-- --> | Atlantico.fr
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France 2 a diffusé l'émission Aux arbres citoyens ! le 8 novembre, présentée par Léa Salamé et Hugo Clément.
France 2 a diffusé l'émission Aux arbres citoyens ! le 8 novembre, présentée par Léa Salamé et Hugo Clément.
©Capture d'écran France 2 / DR

Course à l'audience

De plus en plus d'émissions comme "Aux arbres citoyens", diffusée sur France 2, cèdent au spectacle de la radicalité et au sensationnalisme.

Francis Balle

Francis Balle

Francis Balle est professeur de Science politique à Pantheon-Assas. Il est l’auteur de Médias et sociétés 18 ème édition, ed Lextenso et de Le choc des inculture , ed L’Archipel.

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Atlantico : France 2 a récemment proposé une émission « Aux arbres citoyens ». Dans quelle mesure cette émission est-elle symptomatique d’une certaine dérive médiatique ?

Francis Balle : Aux arbres citoyens : le jeu de mots n’est pas anodin. Il est le signe d’une tentative qui n’est certes pas sans intérêt : la mise en scène, par le tandem d’une journaliste star et d’un militant connu, d’une cause à laquelle nul ne peut aujourd’hui être insensible. Aucun téléspectateur n’est dupe ; il n’y a donc pas tromperie. On met au service d’une cause - ce qu’atteste l’intitulé du programme - deux personnalités connues de ce qu’on appelle encore le petit écran : la fin est clairement affichée. Je ne ferais pas pour ma part l’illustration des dérives dont on peut aujourd’hui accuser les médias : simplement la recherche éperdue et peut être maladroite des moyens de suivre l’air du temps plutôt que d’informer selon les règles de l’art.

Dans quelle mesure les médias sont-ils devenus de plus en addicts, voire dépendants économiquement du spectacle de la radicalité d'une part et du sensationnalisme de l'autre?

Oui, assurément : le procès n’est pas nouveau. Le procès en sensationnalisme et en spectacularisation ne date pas d’aujourd’hui. La critique des médias est chez nous un sport national. Balzac ne disait-il pas, à l’époque des premiers quotidiens à gros tirages : «Si la presse n’existait pas … sous-entendu, il ne faudrait pas l’inventer » ? Il pensait à l’information, dont il dénonçait les travers, ceux notamment des journalistes. La télévision, dès les années 1960, a entraîné l’information dans les voies séduisantes et dangereuses du divertissement.

On incrimine aujourd’hui les réseaux sociaux et les chaînes d’information continue, pour de mauvaises raisons. Il est vrai que sur le registre de l’information, ils en sont à leurs balbutiements Nombreuses, en France, trop nombreuses sans doute, nées au sein de groupes de médias puissants, les chaînes d’information jouent leur survie en abusant du buzz, de l’alerte et en convoquant un trop grand nombre d’experts autoproclamés en quête de leur quart d’heure de célébrité. Et les réseaux sociaux jouent pour l’opinion le rôle de boucs-émissaires. C’est oublier qu’ils s’adressent à des amis qui se complaisent dans leur enfermement : le règne de l’entre-soi. Là réside le danger : mais cette radicalisation des opinions serait sans danger si elle n’était pas relayée par les médias traditionnels, soucieux de ne pas donner l’impression d’être en retard sur les préoccupations du moment.

Qu’est-ce qui peut expliquer que de plus en plus d’émissions et de médias se positionnent en donneurs de leçons ? Quelles conséquences cela peut-il avoir sur le spectateur/auditeur ?

Incontestablement : les médias d’information, dans une course de vitesse, sont des donneurs de leçons. Ce n’est pas seulement une impression. Pourquoi ? Ils court-circuitent, me semblent-ils, ces deux étapes de toute information sur les faits de l’actualité que sont leur interprétation et le commentaire que celle-ci peut inspirer. Ce qui demande du temps et des compétences, de la sincérité aussi. Tant il est vrai que la marque la plus sûre de l’objectivité, c’est l’aveu de sa subjectivité.

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