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Au secours, les Inrocks veulent sauver la France ! Partage du temps de travail, décroissance, robinet à subventions, petit droit d'inventaire entre amis
©Les Inrocks

La fin des idées reçues

Quand les Inrocks proposent des solutions pour "soigner la gauche", il est temps de se débarrasser de quelques fantasmes alimentant la mythologie socialiste.

André Zylberberg et Jacques Garello

André Zylberberg et Jacques Garello

André Zylberberg est économiste au Centre d'Economie de la Sorbonne et Directeur de recherche au CNRS.

Jacques Garello est économiste et président de l'Association pour la liberté économique et le progrès social.

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Atlantico : Alors que la situation économique ne cesse de se dégrader, la gauche de la gauche exhorte le Président Hollande à mener une politique faite de solutions "alternatives" pour sortir de la crise et relancer les comptes publics. Au premier plan de ces mesures, on retrouve l'idée d'un partage du temps de travail, qui avait notamment inspirée l'instauration des 35 heures sous Jospin. Pensez vous que cela pourrait réellement fonctionner aujourd'hui ?

André ZylberbergNon, le partage du temps de travail est le plus mauvais des angles d’attaque possibles. Nous avons beaucoup de recul et d’expériences étrangères sur cette mesure et le constat est assez simple : cela n’a jamais fonctionné, les conséquences ont été néfastes. L’idée qui consiste à croire que la quantité de travail disponible est fixe et qu’il faut par conséquent la partager dans l'objectif que chacun ait du travail est absurde. Le postulat de départ, la quantité fixe d’emplois, est tout simplement faux. Au contraire, énormément de paramètres font que le nombre d’emplois est variable et évolue. Les 35 heures ont augmenté le coût du travail de 10% d’un seul coup, ce qui se paye encore aujourd'hui en termes de créations d’emplois

Le partage du temps de travail est donc l’une des pires politiques. Pour cette raison, ni François Hollande ni les grandes personnalités socialistes ne se prononcent en faveur d’une telle nouvelle mesure. Il est possible localement de partager le travail suivant les contraintes et contextes locaux.  Mais si l’on travaille 4 jours, on ne peut pas être payé 7 jours : il n’y a pas de miracle. Il faut une réorganisation de l’appareil productif. Ainsi, les Allemands ont parfois réorganisé le travail pour le partager en coupant dans les salaires en attendant des jours meilleurs. Mais cela fut appliqué à échelle locale. Or les 35 heures françaises se sont appliquées à l’échelle nationale avec les conséquences que l’on connait .

Jacques Garello : Non, c'est toujours la même vieille idée marxiste de la valeur travail... Mais il n'y a pas que l'extrême gauche qui défend cette idée : dans la tradition du gaullisme de gauche, on tend à dire que le profit doit être réparti entre le capital et le travail. Tout cela n'a bien évidemment aucun sens et aucune chance de réussir, mais c'est un excellent instrument de propagande et un bon slogan électoraliste.

C'est la même chanson depuis Marx, on a simplement changé les paroles ...mais la musique reste identique. Cela n'a jamais marché dans aucun pays. Le profit appartient à l'entrepreneur, et est basé sur l'art d'entreprendre. Cela n'a rien à voir avec l'apport en capital ni avec la richesse générée par le travail.

Le principe de relocalisation de l'économie semble aussi séduire cette gauche de la gauche, qui y voit un moyen de réduire la pollution et d'humaniser les systèmes d'échanges. Est-ce vraiment imaginable de se contenter d'échanges locaux dans un monde globalisé ?

André Zylberberg : Il ne faut pas surestimer le problème. Le nombre d’emplois détruits par le seul fait des délocalisations est en réalité très faible par rapport aux autres facteurs de suppression d’emplois. La majorité des destructions d’emplois sont essentiellement due au progrès technique. Mais il existe des gisements d’emplois dans les services qui eux sont non délocalisables : restaurations, tourisme…

Une entreprise ne relocalise que si cela redevient rentable pour elle en tenant compte de tous les coûts directs et indirects (assurances, transport…). Subventionner pour relocaliser ne sert donc à rien, une entreprise revient que si cela lui est véritablement bénéfique. Pour cela, l’Etat doit mettre en place une politique de compétitivité qui créer les conditions propices à un retour des entreprises.

Jacques Garello : Accepter la consommation localisée revient à renoncer à manger des bananes, des fruits de la passion, des vêtements fabriqués à l'étranger, et accepter de se nourrir de lait de chèvre du Larzac ! Je ne comprends pas comment on peut se poser ce genre de questions. L'extrême-gauche et l'extrême-droite persistent aujourd'hui dans l'erreur, ils ne comprennent rien à l'économie...

De même, faut-il continuer de subventionner les industries en difficultés comme le promulgue une grande partie de la classe politique en cas de crise ?

André Zylberberg : De telles mesures de subvention ne peuvent pas marcher à long terme. Cela n’est utile qu’en cas de choc conjoncturels violents (ex : une crise économique…). Mais subventionner ne peut être qu’une politique marginale de court terme, l’Etat ne pouvant tenir longtemps avec une telle politique. Il n’en a d’ailleurs pas les moyens. Un emploi est rentable ou ne l’est pas.

En ce qui concerne les formes alternatives d'entreprise, quelle que soit la forme de propriété juridique, celle-ci est soit subventionnée par l’Etat, ce qui ne marche pas très bien, soit elle est en concurrence avec d’autres sur le marché et peut se faire une place si elle parvient à être compétitive. Sinon, elle disparaît.

Au delà des secteurs en difficulté, le maintien des subventions d'Etat à des secteurs supposés "stratégiques", éolien, solaire ou autres, peut-il faire ses preuves ?

André Zylberberg : Le secteur des énergies renouvelables fait partie de ceux qui peuvent avoir des externalités positives pour l’ensemble de l’économie alors qu’il n’y a pas de marché immédiat pour les valoriser. L’éducation rentre aussi dans cette logique. Il faut alors subventionner ces secteurs, voire les financer. La transition énergétique est un des objectifs du gouvernement, ce qui requiert de subventionner des filières de manières très ciblée. Mais il s’agit d’aider au démarrage, pas de subventionner sans limite dans le temps. L’objectif est de lancer le marché pour qu’il devienne par la suite rentable et autonome par lui-même, ce qu’il ne peut faire seul dans l’immédiat.

Jacques Garello : Il ne faut aucune subvention et d'aucune sorte que ce soit. Les gouvernants ne savent pas du tout ni ce qui se fera, ni ce qu'il faudra faire : les ingénieurs et les chefs d'entreprise ont déjà beaucoup de mal à le savoir, ce ne sont pas des politiques et des fonctionnaires qui vont le deviner ! Ces gens-là font des choses qui ne sont pas de leur domaine de compétence, et ne s'adonne pas suffisamment aux tâches qui devraient être les leurs : garantir la liberté et la propriété. En France, on a la nostalgie de la planification.

Aucun agent économique ne peut anticiper ce qui se passe sur un marché puisque l'horizon économique se déplace en permanence. Frédéric Bastiat disait "il y a trop de grands hommes dans le monde" et il a raison. Concrètement, on a trop de Polytechniciens, de Centraliens, d'agrégés de droit, de philosophie... Tous ces gens ne se trouvent pas dans les entreprises pour innover. Non, ils sont des bureaucrates du pouvoir politique.

Autre mesure, la suppression de toutes les niches fiscales pour remettre l'impôt à plat. Qu'en pensez vous ?

André Zylberberg : Il faut être très prudent avec les niches fiscales et sociales. Le mot « niche » est mal connoté. Les niches fiscales et sociales ne sont rien d’autres que des formes de subventions. Soit elles dégagent des externalités négatives – comme des allègements de charges sur les bas salaires, dont les études démontrent qu’elles ont permis d’éviter des destructions massives d’emplois, ou encore les allègements en matière d’emplois à domicile – et elles doivent être conservées, soit elles sont inefficaces et n’ont plus de raisons d’êtres.

La règle doit être de déterminer avec exactitude quelles niches fiscales et sociales sont utiles ou ne le sont pas. Mais une simplification ne ferait pas de mal car il existe plus de 500 niches fiscales alors que la majorité de la masse financière qu’elles génèrent ne tournent qu’autour de 40 d’entre-elles. La majorité des niches ne sont donc qu’un vaste saupoudrage qui correspondent à du clientélisme. Il faut donc faire un bilan niche par niche.

Jacques Garello : Je suis, pour une fois, d'accord avec eux. Il faut lever l'impôt pour tous, pour tout et pour toujours. Les niches fiscales n'ont pas de raison d'être, elles ne sont que de la bouillabaisse électorale, du corporatisme. Il n'y a pas de différence entre les partis, les niches de gauche comme de droite obéissent de toute façon à la même logique.

Par ailleurs, des universitaires comme Dominique Méda affirment que l'objectif de croissance ne devrait pas être central pour nos sociétés contemporaines. Peut-on vraiment se défaire de ce moteur dans le contexte économique actuel ?

André Zylberberg : La question contient la réponse. Il s’agit d’un choix de société. On a le droit de, promulguer des idéologies contre la croissance, ou en faveur de la décroissance. Encore faut-il que la majorité des Français l’accepte. Objectivement, c’est irréaliste. D’un point de vue purement économique, la croissance a-t-elle des effets économiques souhaitables pour les citoyens ? La réponse est oui car la véritable croissance est celle de la productivité qui consiste à produire plus avec autant. Elle bénéficie donc à tout le monde car on crée ainsi plus de richesses qui pourront par la suite être davantage redistribuées. Tout le monde peut y gagner.

Jacques Garello : C'est comme si on demandait aux gens de vouloir être tous malades. Pour ceux qui sont déjà fortunés, c'est une bonne idée. En revanche, pour les pauvres, la croissance - qui est en réalité bien autre chose qu'un chiffre fabriqué par l'Insee - est le seul moyen d'améliorer leur situation, avec un accroissement des services qui permet de rémunérer ceux qui travaillent : c'est le règne de la croissance et rien d'autre.

La croissance de l'actif financier est une croissance presque comptable, qui valorise des crédits : c'est un acte de foi dans l'avenir et le futur de telle ou telle opération. Ce qui est dramatique, c'est de penser qu'on peut vivre mieux sans croissance, alors que la croissance est par définition le "vivre-mieux".

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