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Attentat islamiste de Conflans : 3 leçons politiques pour l’école a l’âge de la terreur
©BERTRAND GUAY / AFP

Drame

Dans le tragique déroulement de l’attentat de Conflans-Sainte-Honorine, il est d'ores et déjà possible d'analyser trois messages politiques.

Cyrille Bret

Cyrille Bret

Cyrille Bret enseigne à Sciences Po Paris.

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Qui a pu douter du caractère terroriste de l’assassinat, vendredi, de Samuel Pauty? Tous les éléments de l’acte terroriste sont manifestement et intentionnellement réunis dans ce crime. Le choc d’un acte soudain; l’épouvante d’une décapitation; l’onde de choc médiatique de la diffusion des images du forfait sur les réseaux sociaux… et surtout les messages politiques délivrés par ce meurtre. Dans le tragique déroulement de l’assassinat, on voit déjà émerger trois messages politiques. S’il appartient aux enquêteurs et aux magistrats de déterminer les motivations individuelles, le profil précis et les circonstances exactes de cet attentat, il nous incombe déjà à nous de saisir l’ampleur du risque politique que nous courons collectivement.

Réduire au silence la communauté éducative

Le premier danger qui se manifeste aujourd’hui porte sur la communauté éducative. Il s’exprime dans le choix de la victime. Vendredi, à Conflans Sainte-Honorine, le terroriste a massacré un homme. Mais il a également attaqué un principe, celui de la liberté d’enseigner. Dans l’école de la République, la parole est libre. Encore plus libre que dans le reste de la société car la formation  des citoyens nécessite d’être exposé à tous les régimes de paroles. Ouvrir de jeunes esprits à des idées, des thèses, des hypothèses et des croyances qui ne sont pas celles de leurs familles, de leurs milieux sociaux d’origine et de leurs communautés spirituelles, voilà la première mission des enseignants aujourd’hui. La liberté de parole des enseignants aujourd’hui est la liberté de pensée, de croyance et d’expression des citoyens de demain. Voilà pourquoi attaquer un enseignant est si préoccupant : après avoir assassiné des passants, des policiers, des soldats et des journalistes, les terroristes veulent réduire au silence la parole des enseignants. Résister à la censure comme à l’auto-censure, tel sera le défi des professeurs au lendemain de ces attentats. Mais pour continuer à porter la liberté d’enseignement, ils devront être soutenus durablement par la communauté nationale.

Le fanatisme armé est parmi nous

Un autre risque politique s’exprime depuis vendredi; il tient au profil du criminel. Son parcours précis doit encore être établi par les services d’enquête. Mais ce que nous en savons déjà doit nous préoccuper car le danger terroriste est bien au coin de la rue. Jeune homme de 18 ans d’origine tchétchène sans passé délinquant notable, le terroriste est un quidam qui a fait surgir l’épouvante avec un objet du quotidien : un couteau de cuisine. Voilà l’effet de terreur le plus immédiatement universel qui puisse se propager : le danger est partout autour de nous. Ce que le criminel a attaqué, c’est donc non seulement une personne mais également notre confiance dans les pouvoirs publics : comme les fanatiques armés sont nos voisins et comme le meurtre peut surgir dans la vie ordinaire, pouvons-nous sans naïveté espérer la paix civile et l’ordre public? Contre ce doute, nous devons lutter en affirmant notre confiance dans les autorités et les services de polices. La République ne pourra jamais nous protéger contre tous les criminels. Mais elle est loin d’être impuissance contre cette violence extrême.

La domination par l’épouvante s’invite dans notre avenir

La menace la plus préoccupante tient sans doute à ce qu’on devine des motivations politiques du criminel. S’il s’agit bien d’une réaction obscurantiste à un exposé scolaire sur les caricatures du Prophète Mahomet, il sera établi que les terroristes n’attaquent pas seulement notre présent mais également notre future. Attaquer un journaliste ou un caricaturiste, c’est menacer la liberté d’expression au présent. Mais tenter de réduire au silence un enseignant, c’est prendre date pour l’avenir. L’école républicaine est la Fabrique des citoyens de demain. Si les principes fondamentaux de la laïcité y sont écornés par les menaces sécuritaires, alors nous nous préparons des lendemains de pusillanimité. Les élèves d’aujourd’hui ne doivent pas devenir les citoyens paniqués de demain. Dans les circonstances tragiques de vendredi, nous devons tous puiser le courage d’affirmer pour demain les principes de liberté d’enseignement, de croyance, de culte et d’expression.

Vendredi, à Conflans-Sainte-Honorine, l’école français est tragiquement entrée dans l’âge de la terreur. Il nous faut la soutenir contre la domination par l’épouvante.

Cyrille Bret, philosophe et géopoliticien, enseigne à Sciences Po et vient de publier Dix attentats qui ont changé le monde. Comprendre le terrorisme au 21ème siècle

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