Attaque du Thalys : ce que la fuite des employés SNCF abandonnant les passagers à leur sort nous révèle de notre société<!-- --> | Atlantico.fr
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Un tireur a ouvert le feu vendredi soir dans un Thalys avant d'être neutralisé par des passagers.
Un tireur a ouvert le feu vendredi soir dans un Thalys avant d'être neutralisé par des passagers.
©Reuters

Courage, fuyons

Après l'attaque du Thalys, vendredi soir 21 août, les premiers témoignages dénoncent la panique des employés du train. Laissant les passagers à leur sort, ils auraient préféré se calfeutrer dans un compartiment sécurisé. L'opposition avec la réaction héroïque des militaires (ainsi que d'un passager français dont on ignore l'identité) qui ont appréhendé l'agresseur soulève la question morale de leur désertion. La société assure qu'au contraire, ses employés ont caché plusieurs passagers.

Bertrand Vergely

Bertrand Vergely

Bertrand Vergely est philosophe et théologien.

Il est l'auteur de plusieurs livres dont La Mort interdite (J.-C. Lattès, 2001) ou Une vie pour se mettre au monde (Carnet Nord, 2010), La tentation de l'Homme-Dieu (Le Passeur Editeur, 2015).

 

 

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Atlantico : De premiers témoignages, notamment celui de l'acteur Jean-Hugues Anglade, décrivent la fuite désespérée des employés du Thalys. Paniqués, ces derniers auraient refusé toute assistance aux passagers, bloqués avec l'agresseur. Comment comprendre une telle réaction ?

Bertrand Vergely : Malheureusement, je pense que ce situation ne fera que se multiplier. Les gens sont totalement démunis par rapport à une violence et une terreur grandissantes. Le réflexe, c'est de ne plus vouloir en entendre parler, de chercher à sortir du jeu, de fuir. C'est la fuite absolue. C'est assez révélateur du climat actuel. Au fonds, les gens sont terrorisés par la violence des terroristes et ne savent pas quoi faire. Ici, la réaction n'est pas tant humaine, mais simplement une recherche de fuir le plus vite possible.

La différence entre les deux réactions, c'est le sentiment d'impuissance. Presque tous les jours, nous parlons du terrorisme et de Daech. Les gens ont de plus en plus peur et se sentent de plus en plus impuissants. En ce moment, il y a les migrants, Daech, des terroristes au milieu de la foule... Je crois que l'individu moyen n'a aucune idée de quoi faire. D'autant plus que les gouvernements eux-mêmes sont démunis, face à une vague de migrant ou face à un terroriste tout seul. Cette réaction, c'est quelqu'un qui met la tête sous l'oreiller et se roule en position foetale. C'est la panique absolue. Ils espéraient qu'avec Chalie Hebdo, cela ne se reproduirait pas. Et tout d'un coup, c'est l'horreur. Alors on fait comme un petit enfant et on se roule en boule. C'est caractéristique d'une situation autistique. Faute d'un moyen d'assumer face à l'agression, on cherche à couper les liens avec l'extérieur.

Moralement, peut-on admettre une telle réaction de fuite ? Peut-on jeter l'opprobe aux employés de la SNCF qui se sont cachés et ont refusé d'aider les passagers ?

Il n'y a plus de morale. On ne peut pas leur repprocher. Il n'y a pas de devoir d'héroïsme. Il y a un devoir d'assistance à personne en danger. Ce qui est intéressant, c'est que les soldats américains qui ont réagit, sont entrainés vingt-quatre heures sur vingt-quatre à faire cela. Les employés du Thalys, eux, ne le sont pas. On ne peut pas leur jeter la pierre, même si ce n'est absolument pas glorieux. Malheureusement, je suis désolé de le dire, mais nous sommes des êtres humains. Dans des situations extrêmes, il n'y a plus de morale.

Ce qui m'inquiète dans cette affaire, c'est le niveau d'angoisse de la population française. On a atteint des degrés de panique que l'on avait pas soupçonné. Après Charlie Hebdo, il y a eu une énorme réaction... puis plus rien. La réalité, c'est que ça n'est pas calme du tout. Nous sommes face à des peurs qui ne sont pas irrationnelles mais bestiales, primaires. On régresse à des choses qui relèvent du pré-conscient.

Peut-on donner des moyens aux gens d'échapper à ce type de réactions ? Faudrait-il enseigner des gestes réflexes face à l'agression, comme on enseigne des gestes de premiers secours ?

Les gens pourraient avoir un autre comportement si nos politiques décidaient de résister. Au lieu de dire qu'il n'y a pas besoin de parler du terrorisme, que cela n'a rien à voir. Il faudrait dire aux gens qu'il va falloir se battre.

Dans l'avenir, on va devoir le faire. Mais pour l'instant, le discours consistait simplement à dire que le terrorisme n'a rien à voir avec l'islam. Le seul danger, c'était l'extrême-droite et les dérives de l'extrême-droite. Là, les populations sont complètement démunies et si l'on ne change pas de discours, eh bien il ne pourra y avoir que ce genre de réactions de panique. Quel est le but politique ? Là, il semble qu'il s'agisse simplement de rassurer les populations. Il va peut-être falloir dire que nous sommes en guerre avec le terrorisme, qu'il y a des situations très graves. Ce sera alors différent : vous aurez des gens qui sont prévenus et qui savent quoi faire. C'est ce que les soldats américains savent faire. Cela demande un changement d'orientation.

Deux événements ont été traumatisants. Le premier c'est Charlie hebdo. Le second c'est la Tunisie, où un individu seul sort des armes et tue trente personnes. Le terroriste moyen rêve de faire des carnages. Nicolas Sarkozy disait que le problème n'est pas de savoir s'il va y avoir des attentats, mais quand il va y en avoir. Donc il faut se préparer. Le risque de la population, le risque qu'il va falloir éviter, c'est qu'une partie de la population regarde en chien de faïence une autre partie de la population.

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