ASML, la (seule) réponse européenne à la Silicon Valley<!-- --> | Atlantico.fr
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L’entreprise néerlandaise ASML détient de manière exclusive (dans le cadre de la production des puces électroniques) la technologie EUV (Extreme Ultraviolet Lithography) ou lithographie par ultraviolets extrêmes.
L’entreprise néerlandaise ASML détient de manière exclusive (dans le cadre de la production des puces électroniques) la technologie EUV (Extreme Ultraviolet Lithography) ou lithographie par ultraviolets extrêmes.
©EMMANUEL DUNAND / AFP

Un véritable atout

L’entreprise technologique néerlandaise ASML connaît un succès fulgurant sur la chaîne d’approvisionnement critique, la fabrication de puces informatiques.

Charaf Louhmadi

Charaf Louhmadi est ingénieur. Il a notamment travaillé au sein d'un cabinet de conseil en stratégie et d'audit et pour de grandes banques françaises comme Société Générale, Natixis, Crédit Agricole et BPCE SA à travers des missions en analyse quantitative, ALM, risques de marchés/contrepartie. Il est l’auteur du livre « Fragments d'histoire des crises financières ».

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Atlantico : L’entreprise technologique néerlandaise ASML connaît un succès fulgurant sur la chaîne d’approvisionnement critique, la fabrication de puces informatiques. Quels sont les atouts et les spécificités de ASML dans ce domaine ? ASML dispose-t-elle d’un monopole pour la construction de puces pour les smartphones de dernière génération ? Comment expliquer le succès fulgurant de ASML et cette réussite européenne face à la Chine ou bien encore la Silicon Valley ?

Charaf Louhmadi : Notons tout d’abord que l’entreprise néerlandaise ASML détient de manière exclusive (dans le cadre de la production des puces électroniques) la technologie EUV (Extreme Ultraviolet Lithography) ou lithographie par ultraviolets extrêmes. Les machines produites par ASML et contenant cette technologie représentent 95% de son chiffre d’affaires, elles sont exportées à l’international et aux plus grandes fonderies mondiales et font de l’entreprise néerlandaise un fournisseur exclusif.

La sophistication des puces électroniques passe par ces machines, indispensables aux procédés de productions des semi-conducteurs de pointes. Toutefois, ces machines ne sont indispensables qu’à la production de puces sophistiquées, dont la taille est inférieure à 7 nanomètres, ce qui restreint le nombre de fonderies qui en sont capables. A l’échelle mondiale, seules Samsung, Intel, TSMC, Micron ou encore SK Hynix en sont capables.

Cette prouesse technologique européenne, dont ni les Etats-Unis ni la Chine ne disposent, est un atout pour l’Europe. Toutefois, les producteurs des puces de pointe ne sont pas européens, ce qui explique le retard technologique européen dans l’industrie des semi-conducteurs, face aux Etats-Unis, à la Corée du Sud, ou encore à Taïwan.

Le défi de l’Europe est d’utiliser cette technologie locale en vue de produire de bout-en-bout des puces miniatures en dessous des 7 nm.  

A noter également qu’ASML subit des pressions de la part des Etats-Unis pour ne plus fournir la Chine, de peur que l’empire du Milieu ne les utilisent à des fins militaires. Ainsi, le secteur des semi-conducteurs s’invite dans la rivalité géopolitiques (et la guerre commerciale) sino-américaines.

Comment expliquer que cette entreprise technologique soit la plus valorisée d'Europe ? Quelle a été l'ampleur de l'augmentation de son chiffre d’affaires et de son bénéfice ?

ASML vient de dépasser Nestlé en devenant la troisième capitalisation boursière européenne, derrière le français LVMH et l’entreprise pharmaceutique danoise Novo Nordisk. De facto, il s’agit de la première capitalisation boursière européenne sur le secteur technologique ; celle-ci vaut plus de 283 milliards d’euros.  

Le secteur est porté par une demande mondiale croissante et accéléré par la digitalisation depuis l’avènement de la crise pandémique en 2020. ASML compte investir plus de 100 millions d’euros par an dans son usine berlinoise, qui emploie actuellement 1700 personnes et vise plus de 2300 salariés dans les prochaines années. Malgré l’embargo contre la Chine, ASML a vu ses bénéfices progresser de plus de 16% en 2023, soit une hausse de 6,7 milliards d’euros (en glissement annuel) et son bénéfice grimper de 16%, soit 6,7 milliards d’euros.

La conjoncture mondiale actuelle, malgré la rivalité sino-américaine, est favorable à ce secteur qui souffre d’une pénurie et dont les producteurs de produits de pointe, on l’a vu, se comptent sur les doigts d’une main.

L’Europe a-t-elle enfin trouvé une réponse à la Silicon Valley avec ASML pour la construction de matériaux informatiques ?

L’Europe ambitionne de conquérir 20% du marché mondial des semi-conducteurs à l’horizon 2030 versus 10% aujourd’hui. Dans ce sens, le vieux continent a adopté un cadre réglementaire permettant de renforcer la chaîne d’approvisionnement en semi-conducteurs et de booster sa compétitivité sur ce secteur.

ASML est un fournisseur stratégique pour les fonderies américaines, c’est donc un acteur incontournable en Europe, et une vitrine technologique pour le continent, à l’image de ce que sont certaines licornes basées à la Silicon Valley pour les Etats-Unis. Toutefois, rappelons l’importance de l’ambitieuse réglementation européenne qui mobilisera plus de 43 milliards d’euros d’investissements pour la R&D et les capacités de production. Cette réglementation vise entre autres à attirer les leaders mondiaux de l’industrie des semi-conducteurs à investir en Europe.

Ainsi, TSMC a annoncé un investissement de dix milliards de dollars dans une nouvelle usine de fabrication en Allemagne, alors qu’Intel a signé une lettre d’intention en vue d’investir plus 33 milliards de dollars dans la construction de deux usines également en Allemagne

Le succès de ASML offre-t-il de nouvelles perspectives pour l’Europe ? Cela va-t-il permettre de résoudre la crise des semi-conducteurs qui a perturbé l’économie mondiale ?

La réussite d’ASML lui a permis de s’associer à Samsung, un de ses principaux clients, dans la création d’un centre de recherche et développement en Corée du Sud ; montant de l’investissement : plus de 761 millions de dollars. Les deux entreprises ont décidé de concevoir conjointement des développements en lien avec les processus ultrafins basés sur la lithographie par ultraviolets extrêmes. En s’implantant en Corée du Sud, ASML se rapproche également de SK Hynix, numéro deux national dans la fabrication des puces en Corée. Cette proximité géographique va permettre de renforcer les partenariats d’ASML avec ses principaux clients coréens et cela renforce également les alliances géopolitiques des Pays-Bas (et de l’Europe par ricochet) avec la Corée du Sud.

Est-ce que la bonne trajectoire d’ASML est suffisante pour surmonter la crise sectorielle des semi-conducteurs ? Cela n’est pas gagné, car il reste de nombreux défis à relever (notamment pour l’Europe) :

-       Concilier une production croissante de puces électroniques (qui répond à une demande mondiale très tendue) et le défi écologique car on sait que les procédés sont très énergivores, il s’agira donc de veiller à l’utilisation d’énergies renouvelables faiblement émettrice en CO2. 

-       Investir de manière importante dans le développement des compétences et dans des politiques d’immigration qui ciblent les travailleurs qualifiés d’un secteur que l’on sait pointu.

-       Continuer d’investir dans la sophistication et la miniaturisation des puces électroniques malgré la complexité et l’important coût des processus de production

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