Après le virage à droite de la politique du gouvernement, le monde des affaires attend sans illusion un virage libéral dans l'action économique<!-- --> | Atlantico.fr
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Le monde des affaires attend avec impatience le discours de politique générale de Gabriel Attal.
Le monde des affaires attend avec impatience le discours de politique générale de Gabriel Attal.
©JEFF PACHOUD / AFP

Atlantico Business

Le monde des affaires attend avec impatience le discours de politique générale de Gabriel Attal, car actuellement, si le gouvernement penche à droite, rien dans ce qu'a annoncé Emmanuel Macron ne prouve qu'il engagera un virage libéral.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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La composition d'un nouveau gouvernement a ouvert en France un nouveau paradoxe ; en nommant des ministres qui sont plutôt marqués à droite, rien dans son discours à Paris comme à Davos ne permet de penser qu'il veuille sortir de la crise dans laquelle la France est engluée ,par la grande porte libérale. Le paradoxe n'est pas très nouveau et confirme une fois de plus que le pays peut être à droite ou à gauche, il a beaucoup de mal à passer aux actes et à se transformer vers des politiques libérales. Et Gabriel Attal le fait, il le fera par des portes dérobées.  Les premières réponses qu’il a faites aux dirigeants agricoles ne sont pas d’une modernité défrisante. Il avait été plus brillant et plus convainquant devant les personnels de l’Education nationale.

Premièrement, le président de la République a toujours fait un brillant diagnostic des problèmes de la société française, trop enfoncée dans l'étatisme centralisé qui explique ses difficultés. Il a même parfois condamné le caractère très conventionnel de l'action du gouvernement qui a transformé l'État en un État providence, capable de régler tous les problèmes et de prendre en charge les moindres difficultés. Sauf erreur, le poids de l’Etat n’a guère diminué depuis son arrivée au pouvoir.

Deuxièmement, le président avait en arrivant fait le pari de transformer la France en une start-up nation. Il a rapidement abandonné cet objectif devant une réalité d'un État obèse qu'il fallait nourrir. Les Gilets jaunes, enfermés dans des nœuds de contradictions, lui ont montré que la France profonde attendait tout de l'exécutif. La crise du Covid a donné à Emmanuel Macron l'occasion de montrer que l'État pouvait tout protéger, "quoi qu'il en coûte". Après le Covid, les acteurs français savaient qu'ils pouvaient se tourner vers l'État pour se faire soigner des blessures de la guerre en Ukraine, des hausses du prix de l'énergie et de la façon de se prémunir des ravages de l'inflation, etc. Une attention aussi particulière a habitué l'opinion à un État omniprésent. Mais encore eût-il fallu delivrer des résultats.  

Troisièmement, pour répondre à l'opinion gavée d'assurances sociales, mais stressée par l'insécurité, la délinquance, les vagues migratoires, les risques naturels, effrayée aussi par les dysfonctionnements de l'État et de l'administration, Emmanuel Macron s'est mis à changer de langage. Il s'est mis à parler d'autorité, de rigueur, d'éducation, de management, de régulation des fonctionnaires, etc., et puis a changé de gouvernement en puisant des incarnations de toutes ces valeurs qui dominent la droite française. L'indépendance, la souveraineté, l'autorité...

Quatrièmement, ce virage réel porte d'abord sur le vocabulaire utilisé, les symboles dont on rappelle l'importance (l'uniforme à l'école, la Marseillaise, la sécurité dans la ville, l'efficacité de la justice...), et ce virage s'est effectivement accompagné d'un changement de la couleur politique des ministres. Le symbole des symboles étant apporté par Rachida Dati qui illustre comme personne l'exemple réussi de l'ascenseur social ; l'autre symbole du changement étant l’arrivée de Gabriel Attal qui illustre la confiance dans le renouveau dont la nouvelle génération serait capable.

Cinquièmement, et on retombe sur le problème originel de la gouvernance française. Rien n'indique que ces changements de visages et d'énergie vont générer une nouvelle politique capable de réveiller le système économique français. Le réarmer comme on dit dans les salons parisiens. Les mots ont changé, mais la France n'est pas devenue libérale pour autant. Emmanuel Macron fait un brillant plaidoyer pour le dynamisme français et l'attractivité des territoires à Davos. Le plaidoyer est salué par une standing ovation, mais dans les faits concernant la politique intérieure, il n'a pas annoncé de changement profond qui pourrait réarmer les acteurs de l'industrie, rien qui pourrait les amener à prendre plus de responsabilité et les assumer.

Emmanuel Macron continue de protéger le rôle de nounou de l'État français. Les agriculteurs qui sont descendus dans la rue l'ont bien compris. La France, où les dépenses publiques et sociales approchent les 50 % du PIB, où le déficit budgétaire est devenu un sport national, où l'accumulation de dette publique devient colossale, ne peut pas être libérale, c'est-à-dire être un pays qui pourrait bénéficier du dynamisme individuel des acteurs, producteurs innovateurs. Le système français protège tellement les parties prenantes du système qu'elles ont plus intérêt à quémander des aides et des subventions qu'à travailler et innover pour créer de la valeur.

La droite française est conservatrice, elle est morale, elle peut être moderne, mais pas dans tous les domaines, mais elle n'est absolument pas libérale dans le sens où la droite française ne fait pas confiance à l'intérêt individuel comme levier de dynamisme et de création de richesse. La droite française n'est pas libérale, elle est plutôt rentière. Elle s'intéresse principalement aux rentes patrimoniales ( immobilier et foncier ) et surtout les rentes sociales sans s'apercevoir que la gestion de la rente qui protège les intérêts généraux asphyxie les facteurs de croissance et de progrès.

Compte tenu de cette situation, le nouveau gouvernement armé de bonnes intentions peut difficilement renverser la table et s'appuyer sur les leviers du libéralisme économique. D'abord parce qu'il n'a pas de majorité politique pour cela, ensuite parce qu'au fond la France n'en veut pas. Elle rêve de l'Amérique et de ses résultats, mais elle n'est pas formatée et préparée à en assumer les risques.

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