Apple a un plan pour conquérir nos maisons et voilà par où ça va commencer

Atlantico : Un an après l’annonce du lancement de son programme HomeKit dédié à la maison connectée, Apple a annoncé l’arrivée des premiers produits compatibles. Dans quels domaines s’appliquent ces objets connectés ?

Anne-Sophie Bordry : HomeKit permet à Apple de lancer une première plateforme accessible pour tous qui adresse sur Homekit des services connectés. La force d'Apple dans la course au leadership dans l'IoT passe par l'Usage " user friendly" et la notion du "plug and play" ce sont les atouts de la marque qui a toujours su allier design de l'objet, design ergonomique des plateformes et qualité de service. 

HomeKit fonctionne comme une télécommande de services pour la maison et permet de gérer l'ensemble de l'éco-système de la maison, lumières, musiques, thermostat...

Christophe Benavent. Un objet connecté n'est pas isolé, il s'insère dans un système. S'il prend des mesures et engage des actions, le traitement de l'information ne se fait pas forcement dans l'objet, mais d'abord dans le dispositif de contrôle et de commande : pour Apple c'est le rôle du I-phone, ou dans le cloud pour des services plus élaborer. Dans le cadre de la domotique, on s'attend à ce que de nombreux objets deviennent connectés : la porte du garage, les ampoules électriques, l'ensemble des appareils électro-ménager, le thermostat, etc. Il faut penser les objets connectés dans la maison comme une flotte dont il reste à déterminer le vaisseau amiral. Et bien le Home-kit c'est la passerelle du vaisseau amiral, c'est ce qui permet de detecter les objets, de les connecter et de distribuer l'information dans les applications associées aux objets connectés.

Pourquoi ce secteur est-il stratégique ? Quel est l’enjeu pour un géant comme Apple et quel est le potentiel de ce marché de la domotique ?

Anne-Sophie Bordry : L'Internet est devenu une commodité essentielle comme l'eau et l'électricité. Les services entrent dans notre quotidien avec la multitude d'objets intelligents qui vont adresser de nouveaux marchés, ceux du quotidien de l'individu, la ville "Smart Cities", la maison, la santé et le bien être.  C'est une opportunité exponentielle  de déploiement pour les acteurs du numérique.

Avec les objets connectés, on assiste à une explosion d'objets multi-acteurs qui proposent des services. Et nous sommes encore à l'aune de la révolution des objets connectés parce que chaque acteur développe des familles d'objets mais ceux-ci ne sont pas encore connectés entre eux à l'aide d'une plateforme.

C'est cet enjeu qui intéresse les leaders de l'Internet : quelle est la plateforme qui deviendra la télécommande des services connectés? L'acteur qui aura su imposer sa plateforme aura un potentiel de marché inouïe, les "data" de l'ensemble du quotidien de l'individu et des foyers connectés transiteront par ce hub.

Le potentiel du marché de la maison connectée et de la sécurité est l'un des grand marché de l'IoT en France il existe des entreprises cotées comme Awox ou Inside Secure, championnes françaises de l'IoT ou Sen.Se, Parrot (flowerpower), ou des startups comme Keecker entrent dans l'univers quotidien de  la maison connectée.

L'éco-système de vie de l'individu connecté transite par des plateformes : HomeKit en est un exemple.

Christophe Benavent. A cause de sa taille potentielle dont on ne connaît pas précisément la mesure mais dont on a un ordre de grandeur qui se compte en milliards d'unités. Plus concrètement en supposant une dizaine d'appareil par foyers, ce qui est pessimiste, c'est un potentiel juste sur le marché français de plusieurs centaines de millions d'appareils qui seront connectés dans les 5 à 10 ans...Considérez simplement les radiateurs que l'on voudrait contrôler à distance et automatiquement pour économiser sur la facture électrique. Dans un trois pièces c'est donc déjà au moins 4 ou 5 radiateurs et thermostats! Mais ce grand volume est aussi un marché qui se présente de manière très fragmentée. De très nombreux acteurs sur chacun des types d'appareils vont proposer leur solution : le chauffage, l'éclairage, la cuisine, les systèmes d'alarme et de sécurité, les sytèmes audio distribués dans la maison etc.... On imagine aisément que les offres dans les différentes applications risquent de ne pas être compatibles, et on imagine mal, contrôler ces différents service via des applications distinctes. Il suffit déjà de regarder le nombre de télécommandes qu'on utile pour simplement le système audiovisuel! HomeKit est là pour fédérer. 

Pour Apple spécifiquement, l'intérêt du tookit, c'est de contrôler ce marché fragmenté et de maintenir la valeur du Iphone et du Ipad par rapport au système Android qui en volume domine désormais le marché avec 80% de part de marché, alors que Apple retire 80% des profits dans l'industrie.  Il s'agit en quelques sorte d'imposer une norme, et de profiter de ce qu'on appele en économie des économies de standards. Autour de Homekit c'est tout un réseau d'alliance avec les constructeurs d'appareils domotiques et de sociétés de services qui va se mettre en place. Eventuellement cela pourrait faciliter l'introduction d'appareil propres à Apple qui seront sans doute peu nombreux et concentré là où une valeur ajoutée forte peut être dégagée.

Plus généralement on est aussi dans une situation de recherche de relais de croissance dans la mesure où l'on constate, au moins en France, que le nombre de tablette et de smartphone a tendance à baisser témoignant déjà d'une maturité du marché. 

Quelle est la stratégie d’Apple pour capter ce marché de la maison connectée ?

Anne-Sophie Bordry : Nous pouvons imaginer que la stratégie d'Apple est d'intégrer les services connectés afin d'augmenter le potentiel de "Data" qui transitent par sa plateforme et connaître le "profiling" de l'individu au plus près de son quotidien. Du Big Data qui permet ensuite le "retargeting" pour le marché publicitaire ou l'offre de nouveaux services. Apple dispose déjà de l'accès à l'individu grâce au compte Apple et à la mobilité de ses tablettes ou smartphones.

Devenir la plateforme incontournable d'offre de services connectés pour la maison est un enjeu de positionnement afin d'être le premier sur le marché pour s'installer comme un standard de la maison connecté.

Christophe Benavent. Plutôt que capter, je dirais contrôler. Une grande partie du marché risque d'être assez peu profitable, certains segments le seront plus. Ce qui est important pour Apple, c'est de maintenir les prix des Iphone et Ipad, et donc de leur apporter une utilité supplémentaire : être une plateforme de contrôle domotique. N'oublions pas que la base installée de ces appareils représente un milliards d'unités dans le monde avec un rythme de renouvellement de l'ordre de 2 ou 3 ans. 

En quoi le positionnement d’Apple sur ce marché est symptomatique de la stratégie du groupe à la pomme ?

Anne-Sophie Bordry : Apple a toujours réussi à mêler "entertainement" et professionnalisme "design" et intégration de services à la verticale jusqu'aux supports.

Les premières générations d'Apple étaient par exemple, un service + un support : Itunes Musique et Ipod avec toujours l'idée d'associer le service à la communauté des utilisateurs Apple. C'est indéniablement la force d' Apple.

Christophe Benavent. Apple ne l'oublions pas est une entreprise industrielle : 90% de leur revenu viennent des appareils dont la gamme est finalement très étroite si l'on compare au concurrents direct tels que LG ou Samsung. Et la valeur des appareils dépends des services qui leur sont associés. On retrouve finalement dans le homekit les éléments de I-tune vis a vis du vieux Ipod. Le service qui n'est pas forcement très rémunérateurs, donne de la valeur à l'appareil qui peut être vendu à un prix bien plus élevé que ses concurrents, dans un contexte où les économie d'échelle et d'expérience conduisent à des réductions de prix considérable. Notons que l'initiative dans la domotique et parallèle à ce que fait Apple dans le domaines des objets connectés de santé.

Quels sont les concurrents d’Apple dans ce domaine ? La Guerre va-t-elle se poursuivre avec Google ?

Anne-Sophie Bordry : Les leaders de l'Internet choisissent tous des stratégies de développement dans le secteur de l'IoT, logistique, maintenance collecte d'objets connectés ou interface - plateforme d'offre de services connectés et intelligents.

L'ensemble de la chaîne de valeur de l'IoT est sujet à compétition commerciale aujourd'hui c'est Facebook qui annonce le développement de l'intelligence artificielle, Google depuis plusieurs années et positionnée au CES de Végas avec des innovations disruptives comme la voiture connectée. L'industrie de l'IoT est au coeur des enjeux de développement des entreprises pour les dix prochaines années. L'industrie numérique, l'électronique, la logistique beaucoup sont acteurs de la compétition de l'Internet des objets. Le lancement d'HomeKit est un positionnement dans l'éco-système des services connectés et intelligents dans la maison pour Apple. Le rythme des innovations dans le "wearabletech" et l'IoT participe à la construction de l'image du groupe.

Christophe Benavent. On est en fait dans une lutte pour imposer un standard et son écosystème. Il y a une myriade d'entreprise qui proposent des solutions analogues, mais de fait le seul véritable concurrent c'est Google dont la problématique est totalement différente. Leur métier c'est le traitement de l'info avec pour débouché principal la publicité et sans doute dans le futur l'exploitation des données pour la conception de nouveaux services. La stratégie de google est dans le domaine des appareils de s'assurer qu'on utilise bien son OS. Le rachat de Nest ou plus récemment de dropcam s'inscrit dans cette perspective. Disons qu'aujourd'hui les deux groupes croisent leur route : quand Apple part des devises pour remonter vers les services, google fait le chemin inverse. Le point de croisement c'est la domination des systèmes d'exploitation, dominer dans ce segment de la chaîne de valeur sera dominer l'ensemble.