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Des bactéries capables de faire mordre la poussière aux antibiotiques ?
Des bactéries capables de faire mordre la poussière aux antibiotiques ?
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Et si...

Et si une nouvelle génération de bactéries multi-résistantes déferlaient sur le monde ? L'exemple de la bactérie tueuse qui terrorise l'Allemagne depuis deux semaines pose des questions sur l'efficacité des antibiotiques.

Patrick Berche

Patrick Berche

Patrick Berche est médecin bactériologiste et doyen de la faculté de médecine Paris Descartes.

Il est l'auteur de plusieurs ouvrages, dont Une histoire des microbes (John Libbey Eurotext, 2007) ou Gloires et impostures de la médecine (Perrin, 2011). Et plus récemment Le Savoir vagabond (Docis, 2013).

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Atlantico : Est-ce qu'un jour les antibiotiques ne marcheront plus, exposant l'humanité à un grand danger ?

Patrick Berche : On y est déjà, car il existe aujoud’hui des bactéries résistantes à tous les antibiotiques – heureusement en faible nombre - : c’est le cas de certaines souches de mycobactéries responsables de la tuberculose, ou de certaines Entérobactéries (Klebsielles…), qui résistent même aux antibiotiques de la dernière génération. Ces souches multi-résistantes existent en milieu hospitalier - il y en a quelques-unes dans les hôpitaux français – et ne peuvent bénéficier d'aucun traitement antibiotique efficace. C'est un vrai problème, qui va probablement obliger à revoir les mesures d'isolement des patients concernés. Certaines de ces souches multirésistantes sont apparues en  Inde, et plus particulièrement à New Delhi. Elles sont en train de disséminer un peu partout dans le monde, en petit nombre pour l’instant. De même, il existe des staphylocoques dorés, très résistants aux antibiotiques, encore peu nombreux, mais qui poseront forcément des problèmes un jour. Il faudrait  relancer la recherche industrielle, actuellement presque inexistante dans ce domaine  -  pour découvrir de nouveaux antibiotiques.

Les patients porteurs de ces souches sont-ils condamnés ?

Les personnes saines, qui portent de telles souches d'entérobactéries multirésistantes dans leur flore digestive, à New Delhi par exemple, peuvent probablement s'en débarrasser spontanément après un certain temps. Elles  peuvent cependant les communiquer à d’autres personnes qui, un jour, feront des infections. Cela se passe à l’occasion  d’hospitalisations : des patients fragilisés et porteurs de ces bactéries  peuvent développer des infections sévères contre lesquelles les antibiotiques s’avéreront inefficaces. Dans certains cas, on est donc revenu à la situation d'avant les antibiotiques. On n'en est encore aujourd'hui qu'aux préliminaires. Cette menace doit aussi inciter à encadrer rigoureusement la prescription des antibiotiques, pour diminuer la sélection des souches multirésistantes.

Ces bactéries multi-résistantes s'attaquent donc à des organismes très affaiblis ?

En général, oui,  surtout en milieu hospitalier. Mais pas toujours.  Voyez l’exemple de l’épidémie actuelle Escherichia coli entéro-hémorragique : il s’agit d’une souche très résistante aux antibiotiques qui frappe des sujets sains. Les souches multirésistantes risquent d’être de plus en plus souvent présentes dans la flore intestinale de la population, donc plus souvent à l’origine d’infections nosocomiales.

Faut-il craindre une pandémie due à une nouvelle bactérie ?

Bien qu’il soit difficile de prédire l’avenir, je ne pense pas qu'on puisse voir apparaître une grande pandémie due à une nouvelle bactérie qui décimerait le monde. La peste et la syphilis l'ont fait en leur temps, mais dans des circonstances épidémiologiques très différentes.  Les pandémies à craindre seront surtout dues à des virus, comme celui de la grippe.

Le scénario d'une bactérie devenant dangereuse pour l'homme, même en bonne santé, est-il donc exclu ?

Non. Je vous cite à nouveau le cas par exemple de cet Escherichia coli, qui sévit en Allemagne et produit une toxine très meurtrière. On peut donc voir apparaître des bactéries qui donneront des épidémies limitées  à quelques milliers de cas, dans les pays développés. L'épidémie peut être généralement endiguée grâce aux précautions que l’on prend, les mesures d'hygiène et d'isolement, et surtout la découverte de la source de l’épidémie, qui permet d’arrêter l'épidémie.

Dans un pays d'Afrique ou d'Asie beaucoup moins développé, une telle épidémie pourrait-elle s'avérer beaucoup plus meurtrière ?

Oui, c'est tout à fait possible, du fait des conditions sanitaires déplorables. Le tiers monde paie toujours un lourd tribut aux  maladies infectieuses. Il faut savoir qu’aujourd’hui, dans le tiers monde, 50 % des enfants de moins de 5 ans meurent, principalement de diarrhées ou de pneumopathies aigües, dues à diverses bactéries et à des virus. Dans les pays développés, on a pratiquement fait disparaître ces menaces grâce à des précautions d'hygiène.

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