Alexander Fleming : « J’ai découvert les antibiotiques par hasard, mais contrairement à la rumeur, je n’ai jamais sauvé Winston Churchill de la mort »<!-- --> | Atlantico.fr
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Harry Truman et Alexander Fleming, image d'illustration.
Harry Truman et Alexander Fleming, image d'illustration.
©AFP

Ces savants qui ont changé l’histoire du monde

Après Albert Einstein, c’est Alexander Fleming que nous avons rencontré. Le « découvreur de la pénicilline » a permis de révolutionner la pharmacologie avec la découverte des antibiotiques. Interview imaginaire.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Alexander Fleming fait partie de ces médecins qui expliquent que leur découverte est le fruit du hasard, alors qu’elle a complètement révolutionné la médecine moderne et permis de sauver à ce jour un demi-milliard d’individus condamnés par la maladie et offert 10 années d’espérance de vie supplémentaire à toute l’humanité. Alexander Fleming était médecin, et au début du 20e siècle, il a découvert la pénicilline, la première substance antibiotique. Cette découverte lui a valu le prix Nobel en 1945 et a aussi permis de faire des progrès énormes en immunologie et plus tard en chimiothérapie. Les travaux d’Alexander Fleming, qui ont permis le développement des vaccins, ont contribué à sauver l’humanité de la tuberculose, puis de la syphilis, et sans doute de la grippe. La découverte de la pénicilline lui a valu le prix Nobel de médecine en 1945.

Il y a un débat parmi les biographes et les historiens sur les débuts de sa vie. La vie d’Alexander Fleming aurait été bouleversée dans son enfance par une rencontre extraordinaire, une sorte de miracle qu’il n’a jamais voulu confirmer quand la presse lui demandait de la raconter. Cette rencontre, vraie ou pas, a contribué à la légende d’homme hors du commun. Légendaire ou pas, cette rencontre vaut d’être racontée… Ça pourrait commencer comme un conte de fées. Une rencontre entre un prince et un fils de paysan.

Il était une fois Fleming, un pauvre fermier écossais qui vivait ’ans le village de Moch Field, dans la région du Yorkshire. Ce paysan travaillait dur dans son champ afin de subvenir aux besoins de sa famille composée de huit enfants. Un jour, qui ressemblait à tant d’autres, il entendit résonner un cri en provenance d’un marécage tout proche. Des hurlements sous forme d’appel au secours. Ni une ni deux, il abandonna ses outils de travail, s’y précipita et y découvrit un jeune garçon enfoncé jusqu’à la taille dans une mare de boue. Apeuré, l’enfant criait, tentant de s’en libérer. Sans hésiter une seule seconde, le paysan n’écouta que son courage et évita au jeune garçon une fin des plus tragiques. Il le ramena à la ferme où son épouse prit soin de lui avant de le laisser rentrer chez lui. Le lendemain, un magnifique attelage, celui d’un homme riche, s’arrêta devant la ferme. Un seigneur élégamment vêtu descendit les trois marches de son fiacre et se présenta comme le père du jeune garçon sauvé la veille. – Je suis le père de l’enfant que vous avez sauvé hier. Monsieur, je ne saurais comment vous remercier. Je veux vous récompenser pour votre peine et votre courage. Vous avez sauvé la vie de mon fils, dit-il. – Non, je ne peux accepter d’être rétribué pour ce que j’ai fait. Nous aurions tous fait la même chose, c’est tout à fait normal. Ce que j’ai fait n’a rien d’exceptionnel, répondit le fermier écossais. Ne pouvant contenir sa curiosité, le fils du fermier, âgé d’environ 10 ans, rejoignit son père à la porte. – C’est votre fils ? demanda le gentleman en souriant. – Oui monsieur, répondit fièrement le paysan. – Alors, je vous propose un marché : offrir à votre fils le même niveau d’éducation qu’au mien. Si votre fils vous ressemble, je suis sûr qu’il deviendra un homme formidable dont nous serons tous fiers. Déconcerté, le paysan regarda son fils, se retourna vers son riche interlocuteur avant de répondre : – Je vous remercie du fond du cœur monsieur ! Le gentleman tint parole. Le fils du fermier Fleming suivit des cours dans les meilleures écoles et fut diplômé de l’école de l’hôpital Sainte-Marie de Londres. Il finit par être connu mondialement pour sa découverte de la pénicilline, en 1927 : le célèbre Docteur Alexander Fleming. Mais le prince en question s’appelait Churchill et son fils sauvé par le père de Fleming se prénommait Winston. Winston Churchill est devenu le personnage politique considérable qui a aussi marqué l’histoire du monde occidental.

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Question : Alexander Fleming, vous n'aimez pas qu'on raconte cette histoire ?

Alexander Fleming : C'est une fable, une jolie fable, et je sais que les journalistes l'ont beaucoup racontée quand j'ai reçu le prix Nobel en 1945, mais c'est une fable, je vous le répète. À l'époque, on sortait de la guerre, on avait besoin de rêve, de héros, de conte de fée peut-être aussi.

Question : Mais vous êtes resté ami avec Winston Churchill toute votre vie ?

Alexander Fleming : Joker. Mais c'est vrai, on se connaissait bien. Il respectait la science et les scientifiques. Il n'était pas loin de penser qu'ils étaient sans doute plus utiles à l'humanité que les hommes politiques.

Question : On raconte une autre histoire à propos de Winston Churchill... quand il est tombé malade pendant la Deuxième Guerre mondiale. C'était en Tunisie en 1943, vous l'auriez soigné avec la pénicilline et lui auriez sauvé la vie.

Alexander Fleming : Cette anecdote a été racontée par un correspondant de guerre du Daily Telegraph, mais je ne sais pas si elle est vraie. Moi je n'étais pas en Tunisie à l'époque, j'étais resté en Angleterre, et Churchill était soigné par Lord Moran. Or Lord Moran ne m'aimait guère, il n'avait pas de pénicilline.

Il soignait les infections avec des sulfamides comme tout le monde à l'époque, mais ça ne marchait qu'une fois sur deux. Winston Churchill a été sauvé, mais les journalistes ont raconté que c'était grâce à la pénicilline. Mais je n'y suis pour rien. Vous me croyez ?

Question : Mais pourquoi avoir raconté cette histoire ?

Alexander Fleming : Je crois qu'ils l'ont fait pour des raisons politiques, peut-être même à la demande de Winston Churchill. Les sulfamides, qui étaient, je vous le disais, le seul médicament contre les infections, avaient été découvertes et commercialisées par les Allemands. Or nous étions en guerre contre l'Allemagne, ça ne vous a pas échappé. Il est probable que la presse britannique à l'époque, par fierté patriotique, a préféré ne pas dire que Churchill avait été soigné avec des médicaments allemands mais plutôt avec de la pénicilline.

Question : Pour en finir avec cet épisode de votre vie ou de votre légende, ce qui est vrai c'est que vous avez été enterré avec Winston Churchill, non ?

Alexander Fleming : C'est inexact aussi, j'ai été incinéré. Je n'étais ni croyant, ni pratiquant, c'est peut-être ce qui m'a valu d'être accueilli chez les francs-maçons où j'y trouvais mon compte sur le plan spirituel, et donc mes cendres ont été enterrées dans la crypte de la cathédrale Saint-Paul de Londres. Churchill était-il croyant, je ne sais pas, il était pratiquant, il a été enterré dans le petit cimetière de Bladon qui est un village et une paroisse civile de l'Oxfordshire. Le 24 janvier 1965, Winston Churchill a été enterré à côté des tombes de sa mère, lady Randolph Churchill, et de son père. Moi, je suis mort à Londres en 1955 à l'âge de 74 ans. Sir Winston Churchill est décédé à l'âge de 91 ans, à Londres également. Comme quoi, pour vivre vieux, mieux vaut être politique que médecin. Mais pour en revenir à ma relation avec Winston Churchill, on s'appréciait, je le respectais énormément. Je sais que c'était réciproque et pour moi, c'était un grand privilège, un immense honneur et un grand plaisir. Il était anormalement drôle, surtout disait-il : « L'humour c'est un vaccin contre la mort ».

Question : Passons à l’essentiel , Alexander Fleming, vous commencez votre vie où et quand ?

Alexander Fleming : Ma vie a commencé de façon très banale et très modeste. Mes parents étaient fermiers en Écosse, à Lochfield près de Davel. Je suis le troisième enfant d'une famille qui en a eu quatre. Mais mon père avait été marié une première fois et avait déjà eu quatre enfants. Donc au total, cette famille recomposée comptait 8 enfants. C'était un peu compliqué, d'autant que mon père est mort, j'avais 7 ans.

Question : Contrairement a ce qu on a écrit , votre enfance a donc été difficile ?

Alexander Fleming : Disons que ça n'était pas très facile, pas très confortable, mais j'en garde un bon souvenir. Ma mère était exceptionnelle. J'allais à l'école du village et j'ai obtenu une bourse pour suivre pendant deux ans les cours à l'Académie Kilmarnock. Tout a changé à 13 ans, j'ai rejoint un de mes grands frères qui était à Londres où il venait de s'installer médecin. À Londres, j'ai suivi les cours de l'école polytechnique de Regent Street, mais je travaillais en même temps pour faire un peu d'argent. Je me souviens, j'ai travaillé pendant 4 ans dans un bureau de navigation. Je crois que c'est un de mes frères qui m'avait trouvé ce travail. En 1900, à l'époque de la guerre des Boers, je me suis engagé avec deux de mes frères dans une section de volontaires d'un régiment écossais, et oui, nous étions Écossais, mais nous ne sommes pas partis. Alors, à vingt ans, mon oncle est mort, un frère de mon père, et j'ai hérité d'un peu d'argent, ce qui m'a permis de subvenir à mes besoins.

Mon frère aîné, qui était médecin ophtalmologue, m'a conseillé de faire médecine, et je suis entré à l'école de médecine qui dépendait de l'hôpital Sainte-Marie de Londres. Nous sommes en 1901. 5 ans plus tard, je suis rentré au service d'inoculation dans le laboratoire du professeur Almroth Wright. Je suis devenu chirurgien en 1909, mais j'ai commencé à travailler sur les infections, et c'est à ce moment-là que dans l'équipe de Wright, nous avons mis au point le premier vaccin contre l'acné. C'est aussi à ce moment-là que j'ai commencé à travailler sur la syphilis qui faisait des ravages chez les militaires notamment. Ma spécialité était de savoir administrer le salvarsan par voie intraveineuse, une technique que peu de médecins maîtrisaient. J'ai donc commencé à gagner de l'argent et surtout j'ai commencé à être connu des autorités militaires, ce qui m'a valu de servir pendant la Première Guerre mondiale où je suis venu en France sur le front occidental. Pendant la Guerre, l'équipe de Wright s'opposait à l'emploi massif des antiseptiques pour traiter les blessures de guerre.

Question : Et la pénicilline alors, comment l'avez-vous découverte.. vous avez dit , par hasard , mais on ne peut pas vous croire ?

Alexander Fleming : Par hasard, mais au terme d'une démarche que je crois assez scientifique. Je pense après coup que la découverte était inéluctable. Très brièvement, après la guerre, nous nous sommes mis à travailler sur les agents antibactériens, parce que nous avions vu le nombre de morts par infections pendant la guerre. C'était épouvantable dans les tranchées, partout. Les soldats ne mouraient pas sous le feu de l'ennemi, ils mourraient de septicémie. La raison en était simple. On utilisait tellement d'antiseptiques qu'on finissait par anéantir les défenses immunologiques et naturelles de l'homme, qui disparaissaient plus vite que les bactéries qu'on était censé combattre. Donc plus vous utilisez d'antiseptiques, plus les bactéries proliféraient.

Question : Vous êtes donc en accord avec ces médecins dermatologues qui conseillent de ne pas trop se laver et de laisser le corps se défendre tout seul ?

Alexander Fleming : Nous avions constaté ce phénomène. Les antiseptiques tuaient plus de soldats que les bactéries elles-mêmes. Parce que les antiseptiques tuaient les défenses naturelles. C'est à partir de cette observation que nous avons commencé à travailler sur le concept de vaccins. L'idée était d'inoculer quelques bactéries dans le corps humain pour qu'ils se mettent à fabriquer des défenses immunitaires. C'est comme cela qu'on a découvert que le corps humain fabriquait, pour se défendre, ce qu'on a appelé des enzymes qui sont à l'origine d'un effet bactériolytique. Et c'est comme ça qu'on a mis au point le premier vaccin contre la grippe, qui elle aussi avait des effets catastrophiques sur les populations. À partir de là, on a découvert un antibactérien. Il fallait trouver le moyen de le fabriquer pour qu'il soit opérationnel sur tous les humains.

Question : C'est donc la pénicilline elle-même ?

Alexander Fleming : Vous allez sourire. Mais nous travaillions donc beaucoup sur les blessures de guerre qui étaient infectées par des staphylocoques très résistants. Des bactéries qui avaient acquis beaucoup de puissance en résistant contre les antiseptiques. Ce sont des bactéries qui aujourd'hui se développent dans les hôpitaux et déclenchent les maladies nosocomiales qui font plus de victimes que les accidents de la route. Alors, en enquêtant sur les staphylocoques, on faisait des cultures diverses, et je dois confesser que j'étais assez négligent et mon laboratoire était assez mal rangé. Une fois, je suis donc parti en vacances en laissant traîner des boîtes de cultures qui ont moisi et qui ont été contaminées par un champignon un peu vert. J'ai donc mis du désinfectant dans la plupart des boîtes de culture pour calculer la résistance des staphylocoques. Mais on s'est aperçu que dans les boîtes qui n'avaient pas été désinfectées, il n'y avait plus de bactéries. En fait, la moisissure, le champignon avait tué le staphylocoque. On a isolé le champignon, on l'a identifié comme appartenant à la famille du penicillium. À partir de là, on a multiplié les expériences et on s'est aperçu que la pénicilline agissait bien sur la plupart des bactéries et des staphylocoques, sur la scarlatine, la pneumonie, la méningite, la diphtérie, etc.

Question : À quel moment avez-vous réussi à commercialiser la pénicilline ?

Alexander Fleming : Ça a demandé du temps. Il a fallu attendre la Deuxième Guerre mondiale parce que l'industrie pharmaceutique avait beaucoup investi dans les sulfamides. Or là, on tenait un antibiotique à "spectre très large" qui était très utile. En fait, c'était du Clamoxyl, très connu j'imagine aujourd'hui. De l’amoxicilline . Il a fallu aussi apprendre à les utiliser. Les bactéries réussissaient à se défendre contre les antibiotiques. Il fallait donc administrer les antibiotiques à doses assez fortes pour tuer les bactéries mais pas trop longtemps pour ne pas tout détruire, y compris les défenses naturelles. C'est pour cette raison que les traitements durent entre 3 et 5 jours. Donc on a mis au point la pénicilline en 1928, en septembre, en rentrant de vacances quand on a découvert les moisissures. On a commencé à en trouver en pharmacie après la guerre en 1945. Les enfants du Baby boom ont été élevés au Clamoxyl. Vous savez cela. Il faudrait d'ailleurs calmer le jeu un peu. Les militants de la médecine naturelle vont faire le travail.

Question :Et c’est pour cette decouverte que vous avez recu le prix nobel …

Alexander Fleming : Oui, quelle histoire, j'ai obtenu ce prix avec deux collègues qui travaillaient avec moi. Ce qui a libéré les dernières résistances du côté de l'industrie.

Question : Vous savez que cette découverte a été considérée par les scientifiques comme la plus importante du millénaire à l'approche de l'an 2000... Elle aurait aujourd'hui sauvé près de 500 millions d'êtres humains sur la terre.

Alexander Fleming : No comment, vous savez, un de mes bons amis qui a lui aussi été très utile à l'humanité et qui était très drôle me disait parfois : « Un pessimiste voit la difficulté dans chaque opportunité, un optimiste voit l'opportunité dans chaque difficulté. » Nous faisions partie, lui et moi, des optimistes. Le pessimiste aurait peut-être rangé son bureau en rentrant de vacances et mis tout ce qui traînait à la poubelle. Il avait raison cet ami ! Il nous manque, non ?

Alexander Fleming est mort en 1955, il a rejoint son ami Winston Churchill qui lui manquait tant dans les paradis blancs où on peut sourire de tout parce que la vie est une tragédie contre laquelle on ne guérit pas.

Alexander Fleming était né pauvre, mais il est mort très riche. Pas grâce à la pénicilline dont les fruits du succès lui ont échappé, mais grâce à la syphilis dont il avait trouvé le médicament qui a permis de la combattre. Il a vécu à Londres dans le quartier de Chelsea et allait en week-end dans la non moins chic campagne du Suffolk. Il a eu un fils, Robert, né en 1924, qui est devenu médecin généraliste. Dans la dernière partie de sa vie, il s'adonna à la peinture et adhéra au Chelsea ATS club, un club privé qui regroupait des artistes divers. Lui faisait des peintures de germes. Il utilisait des pores de bactéries très pigmentées, invisibles mais qui prenaient des couleurs brillantes une fois cultivées.

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