Alerte au Coronavirus sur l’économie mondiale : une panique planétaire couve sur les marchés<!-- --> | Atlantico.fr
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Attention !

Tremblements de terre, guerres, "chocs" pétroliers ou politiques, plus rien n’ébranle vraiment l’économie contemporaine que la mondialisation des circuits de production a largement immunisé contre les soubresauts locaux. Aucune politique monétaire ne saurait en revanche nous protéger d’une pandémie liée au coronavirus venu de Chine.

Mathieu  Mucherie

Mathieu Mucherie

Mathieu Mucherie est économiste de marché à Paris, et s'exprime ici à titre personnel.

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Atlantico : Avec le coronavirus qui semble se propager un peu partout à la surface du globe, quelles sont les réactions des marchés de manière générale ?

Mathieu Mucherie : Tout d’abord, les actions, qui étaient très bien orientées, sont en train de se casser la figure. Les taux d’intérêts dont on nous disait qu’ils montaient sont également en train de descendre en flèche. Tout le monde se rue sur les valeurs refuges (Yen et Dollar) et donc le consensus de marchés est en train de tourner, cela essentiellement depuis la communication du Président chinois Xi Jinping lundi dernier. La raison pour laquelle personne ne panique pour l’instant concerne le fait que nous attendons des précisions sur ce virus, mais aussi parce que les marchés chinois sont fermés. Ils sont fermés pour le Nouvel An et de façon très opportune, cette fermeture a été étendue de 3 jours supplémentaires. Selon mes informations, il n’y aura pas d’ouverture des marchés chinois jusqu’à lundi prochain et le véritable test se fera justement lundi prochain à l’ouverture des marchés chinois car si nous sommes toujours dans une logique d’expansion et de vélocité du virus – avec des informations plus précises sur son R0, sur son taux de mortalité etc. – il est possible que ce soit une très mauvaise semaine prochaine sur les marchés non seulement chinois mais mondiaux. La différence majeure entre le coronavirus et le SRAS réside dans le fait que la Chine en 2020 est connectée à l’économie et à la finance mondiale. Les effets rassurants sont que le coronavirus se développe dans une province qui n’est pas centrale sur le plan industriel et économique et le taux de mortalité semble être inférieur aux épidémies passées pour le moment. Les autorités chinoises ont par ailleurs beaucoup mieux réagi que lors du SRAS et nous pouvons dire qu’elles ont été exemplaires dans la gestion de cette crise. La Chine a un gouvernement plus transparent qu’il y a 17 ans, les gens ont appris des erreurs du passé, ils possèdent de très bons épidémiologistes et font un bon travail de « containment ». Ce virus est un vrai sujet car lorsque l’on demande aux spécialistes, quid du foyer, du R0 (capacité de diffusion de ce virus), de la mortalité, les spécialistes ne savent pas. Et l’incertitude pour un marché financier - qui plus est lorsqu’elle est un peu radicale et qu’elle touche la deuxième économie mondiale connectée au monde entier - c’est très gênant. Tout va se savoir à l’ouverture du marché chinois la semaine prochaine et je pense que nous allons tous réviser nos scénarii pour 2020 en économie et en finance !

Atlantico : Ce coronavirus semble être un choc réel sur les marchés. Or, vous expliquez d’habitude que seuls les chocs nominaux influencent les marchés. N’y a-t-il pas une contradiction ?

Mathieu Mucherie : Il est vrai que j’explique d’habitude que les chocs réels n’ont pas beaucoup d’impact sur les marchés, du moins qu’il ne faut pas trop les regarder, car tout le monde est spécialiste en France, dans les bars PMU, des questions structurelles ou budgétaires. Tout le monde parle des feuilles d’impôts, des régimes des retraites ou de la géopolitique. En règle générale, ces chocs n’impactent pas les marchés car ces derniers ont intégré ces choses-là et parce qu’ils sont soumis aux chocs nominaux, essentiellement des chocs de politiques monétaires et de banques centrales. Par ailleurs, les chocs nominaux sont mal compris par la plupart des gens. Concernant le coronavirus, il est vrai que nous sommes face à une exception car certes il s’agit d’un choc réel, mais c’est un choc dans lequel les gens ne sont pas bien protégés et il n’y a quasiment pas d’assurance du policy mix. Ce n’est pas parce que l’on va avoir une politique monétaire plus accommodante ou un stimulus budgétaire que l’on va régler le problème du coronavirus. Il faut comprendre que les différents éléments du coronavirus vont empêcher les transactions de se faire sur le plan de la consommation et peut-être même sur le plan du travail. Le problème de ce choc réel est un peu particulier car nous n’avons pas vraiment de moyens macroéconomiques pour agir dessus. Nous faisons face à un choc d’incertitude et la façon dont les gens réagissent me fait penser que ce virus peut avoir un impact important. Si l’on prend l’impact sur la consommation en Chine par exemple, il sera plus important qu’à l’époque du SRAS car en pourcentage dans le PIB chinois, la consommation représente une part beaucoup plus significative. 

Atlantico : Comment se fait-il que les médias – entre autres - ne parlent pas de l’influence du coronavirus sur les marchés ? Faut-il s’inquiéter ?

Mathieu Mucherie : Il faut savoir que les médias en France sous-estiment en permanence la Chine et son impact global sur le scénario global. Ils pensent que la Chine est un pays secondaire qui n’est pas connecté au reste du monde et dont le rôle stabilisant n’est pas pris en compte. Je l’ai vu avec Donald Trump ou de nombreux décideurs français par ailleurs…Pour ma part, le simple fait de sous-estimer le rôle de la Chine m’incite à penser que nous sommes en sous-estimation. De plus, il existe actuellement toute une communication pour éviter la panique qui est certes nécessaire, mais on a l’impression, au final, que l’on met tout sous le tapis. Comme je vous l’ai dit, il faut prendre en compte le R0 : si la transmission du virus a été sous-estimée, cela veut dire que l’on ne maîtrise pas le problème. Que va-t-on faire ? Mettre sous quarantaine les 800 français du Wuhan ? Soyons sérieux…
Nous sommes en situation de vulnérabilité sur les marchés car les actions – comme les actifs risqués - sont chers, le tout avec peu de liquidités, ce qui fait que tout le monde semble être pris à rebours. Un certain nombre de personnes attendaient un prétexte pour partir avec leurs gains, or on est en train de leur offrir un bien plus grand prétexte.

Atlantico : Y a-t-il une incidence sur les taux d’intérêts ? Pourquoi cette confusion entre les mouvements des prix et les opportunités ?

Mathieu Mucherie : Les taux d’intérêts baissent et vont baisser et nous avons au même moment une baisse des prix du pétrole. De par cela, un certain nombre de gens – les mêmes qu’en 2008 -, vont nous dire : « si vous avez payé moins cher le baril, et puisque vous allez payer moins cher votre coût d’emprunt, alors tout cela est positif et créé des opportunités. » C’est ce que François Hollande appelait communément la théorie de l’alignement des planètes : les prix baissent, les taux baissent et le baril baisse, donc c’est le moment d’investir pour retrouver de la croissance ! Vous verrez que l’on va nous refaire ce coup-là alors qu’en réalité, lorsque quelque chose baisse ou monte, il faut analyser les raisons de cette baisse ou de cette montée. Si cela est dû à un choc d’offre positif, si le baril de pétrole de baisse par exemple car nous avons trouvé de nouveaux fonds pétroliers, alors c’est très bien. En revanche, si le baril baisse car les gens se posent la question de la croissance mondiale à cause du coronavirus notamment, alors il y a un problème. Ce que l’on récupère en termes de baisse du baril, on le perd plus que largement dans la baisse de nos perspectives nominales. Idem sur les taux d’intérêts. Si les taux d’intérêts baissent à cause d’une évolution économique, monétaire ou budgétaire par exemple, cela semble être une bonne nouvelle. Mais s’ils baissent à cause de la déflation, on va s’endetter en termes plus chers. Il faut être extrêmement prudent. 

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