Et si l’agence chinoise de notation Dagong avait eu raison avant tout le monde sur l’Europe en perdition ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Finalement, il faut se rendre à l’évidence : l’aggravation de la crise dans la zone euro ne peut que donner raison à la Chine.
Finalement, il faut se rendre à l’évidence : l’aggravation de la crise dans la zone euro ne peut que donner raison à la Chine.
©Reuters

Voyance chinoise

Fitch, Moody's, Standard and Poor's... et maintenant Dagong. La crise pourrait revaloriser la pertinence de l'agence de notation chinoise dont la notation de la France est située trois crans au dessous de celle de Standard & Poor's !

Norbert Gaillard

Norbert Gaillard

Norbert Gaillard est économiste et consultant indépendant.

Sa thèse, rédigée à Sciences Po Paris et à l’université de Princeton, portait sur les méthodologies de notation souveraine. Il a été consultant pour l’International Finance Corporation (IFC), l’État de Sonora (Mexique), l’OCDE et la Banque mondiale.

Il est l'auteur de Les agences de notation (La Découverte, 2010) et de A Century of Sovereign Ratings (Springer, 2011).

 

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Elle fait de plus en plus parler d’elle dans les médias des pays occidentaux alors qu’elle n’y a que très peu d’influence. L’agence Dagong Global Credit Rating (plus communément appelée Dagong) est née en 1994 à Pékin. Elle a commencé, discrètement, à noter les Etats au milieu des années 2000 mais est devenue célèbre en dégradant la note des Etats-Unis.

Dans l'un de mes récents ouvrages, j’analyse les notes de l’agence chinoise et les compare à celles des trois grandes agences Fitch, Moody’s et Standard & Poor’s. Les résultats sont édifiants. Au 1er janvier 2011, seuls 33% des Etats notés à la fois par Dagong et Standard & Poor’s avaient la même note. Ce pourcentage chutait à 28% et 20% lorsque les notations de Dagong étaient comparées respectivement à celles de Fitch et de Moody’s. Les désaccords entre Dagong et les agences occidentales étaient concentrés sur deux types de pays : les grands Etats émergents et les « vieilles » nations industrialisées. Dagong notait ainsi le Brésil, la Chine et la Russie au moins trois crans plus haut que ses trois concurrentes anglo-saxonnes. A l’inverse, l’agence chinoise était sans pitié avec la Belgique, la France, l’Espagne, le Royaume-Uni et les Etats-Unis, puisqu’elle les notait au moins trois crans plus bas que Fitch, Moody’s et Standard & Poor’s.

Les conclusions que j’en tirais étaient claires : Dagong accorde un poids plus important à la croissance du PIB (force des grands pays émergents) et au ratio de dette publique sur PIB (talon d’Achille des Etats industrialisés depuis le début de la crise financière). L’un de leitmotivs de l’agence est d’ailleurs qu’un Etat est condamné à être dégradé si le taux de croissance de sa dette est durablement supérieur au taux de croissance de son PIB. Raisonnement simple mais cohérent.

Les récentes dégradations de Standard & Poor’s nous obligent à reconsidérer la pertinence des notations de Dagong. En examinant les notes attribuées par l’agence chinoise et les trois autres agences aux pays de la zone euro[1] au 16 janvier 2012, nous arrivons à de nouveaux résultats très instructifs. Le différentiel moyen de notation entre Standard & Poor’s et Dagong est exactement d’1 cran, alors qu’il est de 1,31 cran pour Moody’s et de 1,62 cran pour Fitch. Ces résultats signifient que la perception du risque souverain de Standard & Poor’s ressemble de plus en plus à celle de Dagong. En revanche, comme j’ai pu le souligner dans une tribune précédente, Fitch se montre plus attentiste et plus réticente à dégrader. Faits notables : Standard & Poor’s et Dagong attribuent la même note à quatre Etats sur treize. Elles divergent cependant très sensiblement sur… la France : l’agence américaine note notre pays AA+, soit trois crans au-dessus de la notation attribuée par Dagong (A+).

Finalement, il faut se rendre à l’évidence : l’aggravation de la crise dans la zone euro ne peut que donner raison à Dagong. On ne peut en dire autant de Standard & Poor’s car ses notes, qui bénéficient de l’agrément des régulateurs du monde entier et ont un impact sur les acteurs de marché (contrairement à celles de l’agence chinoise), peuvent devenir des prophéties auto-réalisatrices. C’est tout l’inconvénient d’être influent…


[1] Seuls 13 Etats sur les 17 composant la zone euro sont pris en compte car Dagong ne note pas (encore) Chypre, Malte, la Slovaquie et la Slovénie.

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