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A quoi ressemblera le choc des migrants en 2016 ?
©Reuters

Motif d'inquiétudes

L'année 2016 devrait avant tout être celle des migrants. Tout le monde le sait depuis plusieurs mois, tout le monde s'y attend, mais aucun décideur n'a réellement pris le temps de dessiner les contours du choc qui se prépare et que nous devrons tous absorber. Il me paraissait donc important de donner quelques illustrations des difficultés qui vont secouer l'Europe.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Plus de 1 million de migrants

De janvier 2015 à janvier 2016, le nombre de migrants arrivés en Grèce a été multiplié par près de 40. Ce seul chiffre donne le tournis: 70.000 migrants auraient franchi la frontière grecque pour le seul mois de janvier.

A ce stade, tout indique donc que le chiffre du million de migrants devrait encore être atteint en 2016, voire plus. La Turquie dispose d'un réservoir d'au moins deux millions de migrants, sans compter ceux qui devraient continuer à arriver.

Bref, l'armée d'ombres qui a traversé l'Europe en 2015 devrait être rejointe par une nouvelle armée de taille au moins équivalente.

Les migrants ont tué Schengen

Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre que l'espace Schengen se refermera comme une huître dès les beaux jours d'avril où les colonnes de migrants vont reprendre de l'épaisseur. Plusieurs pays ont d'ores et déjà mis en place des politiques migratoires restrictives, comme le Danemark, et l'Allemagne devrait annoncer qu'elle ne peut plus accueillir personne.

Du coup, tous les pays sur le chemin de l'Allemagne ont décidé de fermer leurs frontières. C'est notamment le cas de laMacédoine, qui donne du gaz lacrymogène pour défendre sa frontière.

Bref, la libre circulation des personnes devrait avoir du plomb dans l'aile en 2016, au point que la construction communautaire devrait connaître, au mieux, un infléchissement, au pire, une implosion. Pour la première fois de son histoire, l'Union va connaître un mouvement de repli vers les frontières, là où elle mettait un point d'honneur à les sublimer.

Comment les migrants vont couler la Grèce

Parce que Schengen devrait au moins marquer le pas, voire plus, les migrants risquent fort de se retrouver pris au piège de la Grèce. Alors que celle-ci doit tailler dans ses dépenses à la demande des créanciers, elle se trouvera en même temps sommée de prendre en charge des centaines de milliers de migrants qui demanderont l'asile sur son territoire.

Cette situation posera deux types de problème.

Des problèmes financiers d'abord : où trouver l'argent pour assurer la survie d'une masse nouvelle représentant environ 10% de sa population actuelle, alors que la Grèce manque de tout par ailleurs ? Même si l'Europe vient officiellement de débloquer 700 millions d'euros pour faire face à cette situation, on imagine mal que la Grèce puisse durablement assumer cet effort.

Des problèmes politiques ensuite : comment préserver la paix sociale quand la population autochtone est saignée aux quatre veines et doit consentir à de nouveaux efforts pour aider des migrants dont le reste de l'Europe ne veut pas ?

Comment les migrants vont couler l'Europe

Potentiellement, la crise migratoire peut avoir l'effet d'une bombe sur la situation économique grecque. Le pire des scénarios consisterait bien entendu à voir la Grèce réagir à ce choc externe par une banqueroute dont les conséquences financières seront cataclysmiques.

L'Allemagne a déjà exprimé sa crainte de voir ce scénario se réaliser. Il contaminerait l'ensemble de l'économie continentale, déjà affaiblie par un contexte toxique.

On mesure ici la somme des risques auxquels l'Europe s'expose.

Comment les migrants vont déstabiliser Hollande

A cette conjonction de mauvaises nouvelles, il faut ajouter la pression qui s'exercera sur les autres pays européens, en particulier sur la France. Faute de frontières ouvertes en Allemagne et en Grande-Bretagne, il est vraisemblable que la France doive prendre sa part.

En termes de politique intérieure, cette échéance risque de se révéler redoutable. L'autorité de François Hollande est très affaiblie. Une ouverture des frontières françaises aggravera cette crise interne et contribuera à une dégradation supplémentaire du débat public.

Bref, la situation est tout sauf rassurante...

Migrants: le Sénat alerte sur les hotspots

Pour contrecarrer la propagande eurocratique sur les hotspots, comme solution à la crise migratoire, on lira avec intérêt le rapport du Sénat sur le sujet. En voici quelques passages utiles sur les hotspots grecs :

De l’avis des personnes rencontrées dans le hotspot de Moria et malgré l’arrestation et le déferrement aux autorités judiciaires de personnes soupçonnées de lien avec des activités terroristes ou autres crimes et délits, le point faible du dispositif reste les contrôles lors de l’identification, considérés comme insuffisamment poussés pour assurer la sécurité de l’Union européenne. Serait en cause notamment un défaut d’exploitation et de recoupement des informations recueillies par la police grecque et Frontex avec celles contenues dans le Système d’information Schengen (SIS) ou celles détenues par Europol. Le trafic de faux documents ferait également florès, étant en cause non seulement les titres de voyage présentés par les migrants mais également le « sauf-conduit » délivré par les autorités grecques (cf. infra), à la sécurisation duquel travaille actuellement l’Union européenne.

Avant tout, la mission d’orientation des migrants reste à cette heure théorique. Tout migrant enregistré sur l’île se voit attribuer un « sauf-conduit » pour le continent valant également « injonction de quitter le territoire », dont les délais varient en fonction de la nationalité du titulaire – 6 mois pour les Syriens, 1 mois pour les autres nationalités. Moyennant 60 euros – le coût de la traversée en ferry -, toute personne en possession de ce « sauf-conduit » peut donc rejoindre le continent et poursuivre son chemin vers les Balkans, sans demander l’asile aux autorités grecques ni s’en retourner dans son pays d’origine.

L’éloignement des migrants en situation irrégulière ne concerne en effet qu’une infime minorité. Selon les chiffres fournis par les autorités grecques à la Commission européenne, seuls 16 131 retours forcés auraient été effectués en 2015, majoritairement à destination de l’Albanie. À la fermeture de la quasi-totalité des places en centres de rétention administrative s’ajoutent, en effet, les difficultés rencontrées par la Grèce
– comme par l’ensemble des États de l’Union européenne – pour obtenir l’application par certains États tiers des accords de réadmission signés avec les autorités européennes.

Quant aux retours volontaires aidés, seuls 3 460 auraient eu lieu en 2015 et 503 au mois de janvier 2016, dont la grande majorité – 352, soit près de 70 % – à destination du Maroc, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).

Si l’on songe que le hotspot est la principale réponse apportée par l’Union à l’arrivée de migrants, on mesure immédiatement que nous sommes bien loin d’avoir réglé le sujet !

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