A quoi pourrait ressembler l’hiver à venir sous l’influence d’El Niño ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Un marché à Paris lors de conditions hivernales.
Un marché à Paris lors de conditions hivernales.
©JEFF PACHOUD / AFP

Prévisions

Les Etats-Unis et l'Europe vont être marqués par les effets du phénomène El Niño cet hiver.

Serge Zaka

Serge Zaka

Docteur en agroclimatologie chez ITK, administrateur d’Infoclimat et chercheur-modélisateur, Serge Zaka étudie l’impact du changement climatique sur l’agriculture.

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Atlantico : Les Etats-Unis seront, semble-t-il, frappés par un hiver influencé par El Niño. Le phénomène fait son retour depuis quelques années et s’installe depuis le mois de Juin, à en croire les informations de la presse américaine. Il devrait être particulièrement fort cet hiver. Qu’est-ce que cela signifie, exactement ? De quoi parle-t-on au juste ?

Serge Zaka : El Niño est un phénomène météorologique qui se caractérise par des températures marines plus élevées qu’à l’accoutumée sur la partie est de l’Océan Pacifique Sud. A titre informatif, il s’agit des eaux au large de l’Amérique du Sud. Ce n’est pas le seul phénomène de ce type : il s’agit d’un effet miroir, peu ou prou, d’un autre événement météorologique appelé La Niña, qui correspond cette fois à un refroidissement à grande échelle des températures observées à la surface de l’Océan Pacfique équatorial, central mais aussi oriental. Nous sortons d’ailleurs d’un cycle La Niña et entrons justement dans un cycle El Niño, qui devrait se poursuivre plusieurs mois durant.

Concrètement, le phénomène El Niño engendre des modifications de la circulation atmosphérique dans la zone concernée, laquelle est à la source de phénomènes anti-cyclones ou de dépressions. Tout cela peut provoquer des perturbations autour du Pacifique. En général, d’ailleurs, le phénomène ne concerne que cette zone mais, sur l’ensemble du globe, les années marquées par un cycle de ce type sont généralement les plus chaudes observées jusqu’à présent.

Faut-il s’attendre à un hiver plus doux que d’habitude, en France et en Europe, du fait du phénomène El Niño ?

En Europe, nous cherchons à analyser l’impact exact de El Niño sur la réalité climatique locale. Pour se faire, nous isolons les années El Niño et observons les conditions météorologiques survenues durant l’hiver, afin d’identifier si celui-ci aura été plus doux ou au contraire plus froid qu’à l’accoutumé. Jusqu’à présent, aucun des résultats répertoriés n’a permet d’affirmer quoique ce soit : la variabilité, d’un hiver à l'autre, pendant les années El Niño ne permet pas de dégager de tendances fiables. Nous observons une majorité d’hiver plus doux jusqu’en décembre, en cas d’année El Niño, puis plus frais jusqu’en février, mais cette majorité est trop peu conséquente pour s’avérer décisive. De plus, il faut aussi tenir compte des autres facteurs environnementaux. Compte tenu du bruit - c’est-à-dire du grand nombre de variabilité précédemment discuté - les chercheurs ont généralement tendance à dire, par précaution, que le phénomène El Niño n’a pas d’impact sur les hivers européens.

Cependant, nous pouvons aussi nous appuyer sur les prévisions saisonnières. Celles-ci sont Météo France et montrent, en l'occurrence, un trio septembre-octobre-novembre qui devrait s’avérer plus doux que la norme. La probabilité s’élève, dans le cas présent, à 70%. Peut-on affirmer que c’est la résultante de ce phénomène El Niño ? Pas nécessairement.

Du reste, rappelons qu’il n’est pas encore possible de discuter des détails réels de l’hiver à venir. Nous ne pouvons pas encore dire s’il y aura plus d’épisodes cévenols, plus de tempêtes… parce que la nature même de nos prévisions ne le permet pas. Elles sont moyennées sur trois mois. 

Nous savons aussi que le bassin sud de la France devrait faire l’objet de précipitations légèrement au-dessus de la moyenne, ce qui est une bonne nouvelle, compte-tenu des problèmes de sécheresse déjà observés. Pas de tendance, pour l’heure, pour le nord du pays. Ces prévisions saisonnières, soulignons-le, n’intègrent pas seulement El Niño : elles prennent aussi en compte d’autres phénomènes comme le réchauffement climatique.

D’après l’ONU, les premiers effets du phénomène El Niño ressenti en Hexagone sont pour 2024. Qu’est-ce que cela implique, au juste, en termes de bouleversements climatiques ?

Cela implique que la température moyenne que l’on observera au niveau du globe en 2024 - Europe comprise, donc - sera très largement au-dessus des normes. L’année 2023, c’est désormais une presque certitude compte tenu du nombre de records que nous avons battus, sera la plus chaude jamais observée à ce jour. 2024 risque de s’avérer plus chaude encore. C’est un pic vers le haut. L’évolution du climat n’est pas linéaire : on constate régulièrement des pics vers le bas, qui correspondent aux années La Niña et des pics vers le haut qui correspondent aux années El Niño. En Europe, comme dans le monde entier, il faudra s’attendre à une année particulièrement chaude, jusqu’à ce que le phénomène s'apaise progressivement en fin d’année.

Il faut aussi s’attendre à ce que ce type d’évènement se reproduise. Depuis le début des années 2000, c’est la sixième fois que le cycle El Niño est observé. Il revient, en moyenne, tous les cinq ans. Ce n’est évidemment pas précis à l’année près, mais ce genre de pic de chaleur est évidemment susceptible de se reproduire. Est-ce à dire que l’Europe sera en première ligne ? Il y a de forte probabilité qu’il fasse plus chaud sur le Vieux-Continent à l’occasion du prochain cycle. Cela s’explique par la température de fond du réchauffement climatique, qui n’est pas sans impact sur la situation.

Est-ce le réchauffement climatique qui "nourrit" El Niño ?

C’est la différence des températures des courants marins, dans le Pacifique, qui alimente le phénomène El Niño. Il n’est pas alimenté par le réchauffement climatique stricto sensu. Ceci étant dit, El Niño entraîne une surchauffe mondiale. Dans un environnement déjà plus chaud du fait du réchauffement climatique, c’est la quasi-assurance de battre tous les records. Plus le changement climatique sera marqué, plus El Niño risque de s’avérer fort.

C’est un phénomène sur lequel nous manquons encore trop de connaissances et, malheureusement, nous manquons encore de recul pour identifier avec précision les impacts sur l’Europe. Pour l’heure, les effets les plus identifiés se déroulent encore au niveau des Amériques.

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