800 millions d'euros pour les plus riches : le très discret mais royal cadeau de François Hollande aux propriétaires immobiliers<!-- --> | Atlantico.fr
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François Hollande a fait un cadeau conséquent aux propriétaires immobiliers.
François Hollande a fait un cadeau conséquent aux propriétaires immobiliers.
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En douce

Le président qui, pensait-on, n'aimait pas les riches, a récemment procédé à un sérieux adoucissement du régime d'imposition sur les plus-values immobilières. Que ce soit dans l'opposition ou la majorité, personne n'a protesté contre cette mesure qui figure à l'article 18 du Projet de loi de finances 2014.

 A lire, les réponses à ce sujet de Christian Eckert, rapporteur général de la Commission des Finances : Christian Eckert sur le cadeau fiscal de Hollande aux propriétaires : “Nous assumons totalement”

Aussi paradoxal que ce soit, au moment où le pays gronde de partout contre la pression fiscale et où le gouvernement recule à très grande vitesse,  François Hollande, lui, vient de s'offrir le luxe de faire un cadeau aussi discret que royal - près d'un milliard d'euros- à la France des propriétaires immobiliers.

La mesure, passée totalement inaperçue, figure pourtant à l'article 18 du Projet de loi de finances 2014 voté tout  récemment par l'Assemblée nationale.

Ce texte, lui aussi rétroactif, prévoit à compter du 1er septembre 2013 un très sérieux adoucissement du régime d'imposition des plus-values immobilières qui, comme Atlantico le révèle aujourd'hui, permettra, aux heureux bénéficiaires propriétaires de réduire leur facture fiscale de la bagatelle de 810 millions d'euros d'ici l'année 2015.

 En effet les chiffrages officiels de Bercy, qu'Atlantico a pu consulter, prévoient un allègement fiscal de 260 millions d'euros entre septembre et décembre 2013, de 475 millions d'euros l'an prochain, et de 75 millions d'euros en 2015. Le "câlin" sera encore de 75 millions d'euros par an pour les années suivantes, pas mal du tout...

Entorse à la doctrine anti-riche

« Ce que je veux, c'est pas faire un cadeau aux propriétaires. Ce que je veux, c'est que les propriétaires qui veulent céder leurs biens à d'autres qui veulent les acheter, puissent le faire, et que les prix baissent ». C'est face à un Thomas Soto surpris que le président de la République sort cette annonce un peu floue de son chapeau, le 16 juin 2013 sur Capital (M6). Une présentation habile qui, elle aussi, sera démentie par les faits.

« Le président avait en tête les effets désastreux de l'alourdissement des plus values immobilières Sarkozy avant les présidentielles de 2012, confesse un proche, il voulait faire un geste à la France des propriétaires avant les municipales de 2014 ». Quitte à faire une petite entorse à sa doctrine «anti-riche» . Prenant le contrepied politique de la surtaxe de 2 % à 6 % sur les plus values supérieures à 50 000 euros instituée le 29 décembre 2012 par le gouvernement socialiste, l'Elysée somme donc Bercy de lui mitonner un dispositif, visible pour ses bénéficiaires, mais pas trop pour l'opinion publique.

Le beau cafouillage estival du gouvernement

C'est ainsi que Bernard Cazeneuve, le ministre du Budget, va devoir inventer la fable de la  « bonne nouvelle pour détenteurs de résidences secondaires », en présentant à son tour, courant juin, la création d' un abattement de 25% sur les plus-values immobilières réalisées à compter du 1er septembre 2013 et jusqu'à fin août 2014 (période des élections municipales et européennes) et la réduction à 22 ans (contre 30 ans auparavant) de la période de détention d'un bien immobilier pour bénéficier d'une exonération totale d'impôt sur la plus-value.

Bien qu'aucune loi ne soit votée par le Parlement (voir ci-dessous) les services de Bercy vont s'y reprendre à deux fois -  Journal Officiel  du 2 août 2013 puis du 9 août 2013 - pour expliquer aux propriétaires comment ils profiteront du cadeau. Un cafouillage qui, comme c'est souvent le cas, va in fine profiter aux plus aisés, comme le dévoile Atlantico.

 Dans sa première mouture, l'arrêté fiscal limitait bien l'avantage aux seules plus-values liées aux ventes de logements. L'argument visant à inciter les propriétaires de logements vacants à les vendre pour fluidifier le marché immobilier était alors encore recevable.

Puis, patatras ! Prétextant une « erreur matérielle » le gouvernement, dans sa version du 9 août, étend l'effet d'aubaine à tous les biens immobiliers, à la seule exception des terrains à bâtir. Autrement dit, les propriétaires d'immeubles, de murs de commerce, de bureaux, de garages... bénéficieront aussi de l'avantage fiscal, même si cela n'aura à terme strictement aucun effet sur le marché immobilier. Comme lors de l'exemption des œuvres d'art dans le calcul de l'ISF, la mesure Hollande s'est métamorphosée en sept jours un allègement d'impôt en faveur des plus riches propriétaires immobiliers.

Des simulations très favorables aux plus aisés

Sitôt connue la véritable portée de l'arrêté du 9 août, les notaires, experts immobiliers et autres avocats d'affaires répercutent la bonne nouvelle auprès de leur clientèle et lui conseillent d'attendre septembre pour réaliser les ventes, tant les baisses d'impôts annoncées sont conséquentes.

Car, de fait, les simulations sont largement favorables aux plus-values rondelettes.

Ainsi, le propriétaire d'un immeuble à Nice qui comptait réaliser 2 millions d'euros de plus-values pourra bénéficier d'une réduction d'impôts de 165 521 euros grâce au président  Hollande.  La vente d'un commerce avec 100 000 euros de gain (sur six ans) verra l'impôt  réduit de 8 276 euros. Selon les calculs de la FNAIM, une plus-value de 40 000 euros sur 10 ans verra son impôt réduit de 4 720 euros. A l'opposé, le propriétaire d'un garage parisien ayant réalisé 10 000 euros de plus-value (sur 20 ans) n'aura, lui, qu'une ristourne de 409 euros

Le Parlement et Dufflot aux abonnés absents

Le pire, dans ce dossier, est que ce changement significatif de la fiscalité française s'est fait sans que le Parlement n'ait voix au chapître. Ce qui est totalement en contradiction avec la Constitution française qui stipule que la loi fiscale (taux, détermination des plus-values, montant des abattements...) est votée par le Parlement.

Bizarrement, les puissantes Commissions des Finances de l'Assemblée et du Sénat, pourtant dirigées par l'opposition, n'ont pas trouvé mot à dire à cette atteinte flagrante et caractérisée aux droits réputés imprescriptibles du Parlement. Dans la foulée, les députés se sont d'ailleurs platement contentés de voter le doigt sur la couture du pantalon les textes de Bercy sans les amender (sous prétexte que des ventes avaient déjà eu lieu) et sans se soucier du financement de la mesure...  Comme le confiait en privé un parlementaire de gauche, « jamais un Cahuzac n'aurait laissé passer un tel cadeau aux propriétaires si la droite s'était avisée de le faire ».

Abonnée absente également, Cécile Dufflot, le ministre du Logement qui s'est bien gardée du moindre commentaire désobligeant vis-à-vis du cadeau présidentiel, même si elle n'en pensait pas moins...

Et voilà comment, avec une grand habileté, le président de la République a pu distribuer près d'un milliard d'euros à une clientèle très ciblée et très présente, semble-t-il, dans son entourage. 

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