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Une jeune femme se fait tester contre la Covid-19.
Une jeune femme se fait tester contre la Covid-19.
©BERTRAND-GUAY / AFP

Pandémie

2023 aura été l’année du renoncement face au Covid. Et pourtant, le SARS-CoV-2 est en train de devenir une maladie doublement sournoise.

Antoine Flahault

Antoine Flahault

 Antoine Flahault, est médecin, épidémiologiste, professeur de santé publique, directeur de l’Institut de Santé Globale, à la Faculté de Médecine de l’Université de Genève. Il a fondé et dirigé l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (Rennes, France), a été co-directeur du Centre Virchow-Villermé à la Faculté de Médecine de l’Université de Paris, à l’Hôtel-Dieu. Il est membre correspondant de l’Académie Nationale de Médecine. 

 

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La fin de l’année 2022 avait été marquée par la levée complète des restrictions en Chine. C’était en effet le dernier des grands pays à avoir maintenu une stratégie zéro Covid. Mais courant 2022, Omicron en avait décidé autrement et les mesures barrières cédaient de toutes parts partout dans le pays. Par ailleurs, les procédures en place qui imposaient des tests PCR et des quarantaines à tous les cas et leurs contacts devenaient un gouffre financier. Pragmatiques, les autorités chinoises n’ayant pas d’autre choix, ont levé précipitamment toutes leurs mesures début décembre 2022, en toute impréparation. Les personnes âgées demeuraient alors insuffisamment vaccinées, car elles craignaient pour beaucoup - et à tort - les effets secondaires du vaccin. Elles ont payé un très lourd tribut à cette levée rapide des mesures sanitaires, puisque les experts estiment entre 1 et 2 millions le nombre de décès par Covid en Chine durant les trois mois qui ont suivi la levée des restrictions. Cette mortalité massive aurait pu être évitable, elle a été largement occultée par les autorités chinoises puisque les chiffres officiels rapportent 90 000 morts du Covid durant cette période, sous-estimant grandement la réalité. Reconnaissons cependant que le bilan de la Chine n’est pas pire que celui des Etats-Unis, qui ont enregistré plus d’un million de décès du Covid, alors qu’ils sont plus de quatre fois moins peuplés. Ces comparaisons ne sont pas de nature à disqualifier la stratégie zéro Covid initiale de la Chine. Mais cette hécatombe survenue en Chine fait regretter que la levée des restrictions sanitaires n’ait pas été mieux anticipée et préparée par les autorités. Elles bénéficiaient pourtant de l’expérience et de l’avertissement de Hong Kong début 2022, dont les leçons n’avaient visiblement pas été tirées par des autorités chinoises sourdes à tout débat public sur ces questions.

Début mai 2023, l’OMS a décidé de « régulariser » la situation épidémiologique internationale en levant l’état d’urgence qu’elle avait déclaré en mars 2020, plus de trois ans plus tôt. L’organisation onusienne avait laissé passer la vague hivernale sur l’hémisphère nord et constatait que l’ensemble du monde avait désormais retrouvé une vie quasiment normale, celle d’avant la pandémie. Si l’OMS n’avait pas déclaré la fin de la pandémie, c’est pourtant ce que le monde a voulu entendre. Le Directeur Général de l’OMS avait appelé à la vigilance, parallèlement à sa déclaration de fin de l’état d’urgence. Il avait souligné le risque toujours présent que puissent émerger de nouveaux variants. Mais le monde ne l’a pas écouté, il a souhaité tourner la page au plus vite. Les Britanniques ont suspendu leur veille sanitaire. Ils avaient pourtant mis en place le meilleur système de surveillance épidémiologique du Covid du monde, astucieusement fondé sur des échantillons représentatifs de chacune de leurs nations auprès desquels ils recueillaient régulièrement des informations médicales et comportementales avec les résultats des tests du Covid.

Les Français n’avaient même pas attendu les déclarations du Directeur Général de l’OMS pour désarmer la surveillance du Covid par l’analyse des eaux usées. Ils avaient pourtant été les pionniers en la matière. La pratique des tests PCR et le séquençage se sont effondrés partout dans le monde. Fin 2023, on séquençait moins de 1% du niveau de séquençage des souches atteint deux ans auparavant. Il n’était plus possible de faire porter un masque à la population lors de la vague estivale ou à la fin de l’automne lors de la forte vague de contaminations due au sous-variant d’Omicron JN.1. Le masque ne fait pas sa réapparition, le vaccin est boudé, les tests sont abandonnés. Les médecins eux-mêmes ont baissé les bras. Il faut dire que la couverture vaccinale initiale de la population en Europe est très élevée et les réinfections successives par le Covid ont parachevé l’immunité collective. Certes, cette immunité est bien incapable de freiner le déferlement des nouveaux variants mais elle est suffisante pour avoir transformé le pronostic du Covid et sa perception dans la population générale. Pour l’immense majorité d’entre nous en effet, peut être pour 999 sur 1000 infectés, le Covid ne nous conduit plus à l’hôpital. Les formes graves de détresse respiratoire aiguë ne s’observent quasiment plus dans les services de réanimation.

Et pourtant, le Covid est en train de devenir une maladie doublement sournoise. D’une part chez les personnes âgées, immunodéprimées, chez les femmes enceintes et leurs nourrissons aussi. L’infection par le SARS-COV-2 peut provoquer la décompensation d’une pathologie sous-jacente, faire basculer un état instable et précaire et conduire à l’hospitalisation voire au décès du patient. Le Covid est capable d’infecter et réinfecter la population plusieurs fois par an, été comme hiver. La mortalité qui lui est attribuée est quatre fois supérieure à celle de la grippe saisonnière, qui pourtant continue à faucher 10.000 personnes par an en France. Et désormais en plus de la grippe, le Covid, mais aussi le VRS et le mycoplasme pneumoniae, tous ces agents infectieux respiratoires circulent et s’ajoutent au fardeau de la morbi-mortalité. Sur le plan sanitaire mais aussi social et économique avec un fort absentéisme scolaire et professionnel, ces infections respiratoires ont un retentissement important vis-à-vis duquel nos sociétés modernes ont complètement baissé les bras. D’autre part, le Covid est aussi sournois par sa propension à causer des symptômes persistants, appelés Covid longs, chez une fraction importante des personnes infectées, environ dix pourcents. Lorsque l’on sait que les réinfections au Covid concernent presque toute la population une voire plusieurs fois par an, certains n’hésitent pas à parler du Covid comme une véritable bombe à retardement pour nos sociétés et nos économies. L’on n’a probablement pas pris toute la mesure du phénomène.

Malgré cela, 2023 aura été l’année du renoncement. Nous avons presque tous baissé les bras devant ce Covid aux airs presque devenus inoffensifs. “Nous n’allons pas vivre tout le temps masqués” entend-t-on régulièrement. Certes. “Vous n’allez pas nous reconfiner à nouveau ?” demandent ceux qui redoutent le retour des restrictions. Certes non. Mais nous avons quand même appris de cette pandémie que les virus respiratoires comme ceux de la grippe et du Covid se transmettent quasi-exclusivement par voie aérosol. Qu’en conséquence, ce sont en des lieux fermés, bondés et mal ventilés, lorsque l’on y passe plus d’une heure, que surviennent la plupart des transmissions. 40% d’entre elles surviennent à la maison, chez soi, avec l’un de ses proches contaminés. Alors, oui, on pourrait probablement réduire considérablement toutes les dimensions du problème. On pourrait chercher à éviter davantage les syndromes grippaux qui nous clouent au lit, nous empêchent de travailler pendant plusieurs jours à chaque infection, nous conduisent à consommer des médicaments et demander des arrêts de travail. On pourrait vouloir lutter contre l’excès d’hospitalisations et la mortalité associée, et contre les formes persistantes de Covid longs. Pour cela il faudrait améliorer considérablement la qualité de l’air intérieur que l’on respire et qui est souvent contaminé parce qu’il est trop confiné. Il faudrait probablement accepter de porter le masque lorsque l’on a des symptômes à la maison au moins la moitié du temps que l’on passe avec ses proches, faire chambre à part ces jours-là lorsque c’est possible. Il faudrait veiller à une meilleure ventilation des transports publics. Car tout cela concourrait à la réduction du risque de ces maladies infectieuses respiratoires et à leur prévention. On a su, au vingtième siècle, se débarrasser dans les pays développés des maladies à transmission hydrique comme le choléra et les dysenteries. Saurons-nous au vingt-et-unième siècle éliminer les maladies infectieuses respiratoires ? Voici un beau défi à relever pour le développement des sociétés vieillissantes de demain !

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