2022 : La Chine veut imposer son hégémonie pour mieux masquer ses faiblesses<!-- --> | Atlantico.fr
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La Chine veut absolument prouver en cette année 2022 sa capacité hégémonique.
La Chine veut absolument prouver en cette année 2022 sa capacité hégémonique.
©Anthony WALLACE / AFP

Atlantico Business

Les rares chefs d’entreprise qui conservent des contacts avec la Chine sont frappés par le besoin d’afficher une hégémonie mondiale qui ne servirait, en gros, qu’à masquer les faiblesses d‘un régime plus vulnérable qu’il n’en a l’air.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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« Et la Chine ?

- La Chine a peur de tout...

- En Chine, on attend de savoir ce qui ve se passer mais ça va bouger. Forcément. »

L’impression que rapportent les très rares visiteurs européens en Chine est curieuse, énigmatique. Il y a bien encore quelques hommes d’affaires qui ont le droit de faire des allers-retours pour visiter leurs antennes installées sur place ou leurs activités qui tournent encore. Mais ils sont rares. D’abord, parce que le flux des échanges s’est réduit depuis le Covid et officiellement, il a même perdu de son agressivité. Beaucoup d’ateliers ont été fermés ou repris par des Chinois. Les intérêts occidentaux sont difficiles à défendre et pour beaucoup, la seule solution qu’il leur reste est de se livrer aux Chinois. Dans l’industrie automobile, par exemple, on tourne au ralenti, officiellement pour cause de pénurie de composants.

L’évolution des marchés chinois est à l’image de cet attentisme. Les cours sont orientés à la baisse depuis des mois, le montant des transactions baisse et les retraits de la cote de valeurs chinoises sont nombreuses.

En fait, les visiteurs chinois à Pékin ou à Shanghai ne savent rien, certains de leurs interlocuteurs ont disparu comme certains capitaines dans l’industrie digitale. Quant à la situation sanitaire, c’est un grand mystère. Les avis de confinements tombent sur des quartiers entiers qui se retrouvent fermés à double tour, sans qu’on sache pourquoi et pour combien de temps.

Les rumeurs rapportent que beaucoup d’universités sont fermées et que des familles entières de chinois sont découvertes mortes dans leur appartement. Mais évidemment, rien ne se sait rien officiellement

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« Donc en Chine ? On attend. »

Officiellement, les gouvernants chinois veulent absolument prouver en cette année 2022 leur capacité hégémonique. Ce qui frappe les visiteurs qui rejoignent les observateurs et les analystes spécialisés, c’est que le gouvernement chinois veut prouver, en 2022, la supériorité du système chinois sur les organisations démocratiques occidentales et notamment sur les États-Unis. En bref, leur système de parti unique est parfaitement capable de maintenir l’ordre dans une société où doivent cohabiter plus d’un milliard d’êtres humains et leur apporter la prospérité, contrairement à ce qu’il se passe en Occident où beaucoup de pays ont été terrassés par la crise économique et où les débats politiques débouchent sur une situation de désordre et même de violence. La société américaine se remet mal du départ de Donald Trump, la société britannique ne se redresse pas du Brexit et les Européens ne trouvent pas une cohérence qui serait solidaire. Pour les dirigeants chinois, la société chinoise n’est qu’ordre, calme et propreté, alors que les sociétés occidentales sont en risque permanent de chaos, de troubles liés à la pauvreté des banlieues et de l’immigration.

Toute cette surexposition de l’hégémonie va démarrer aux yeux du monde entier par les Jeux Olympiques d’hiver à Pékin à la fin du mois février. Un évènement planétaire mais qui ne sera pas autorisé au public. Donc un évènement sous bulle ou sous cloche pour se protéger du virus, dit-on officiellement. Mais parallèlement, les autorités chinoises font tout pour inviter les dirigeants politiques occidentaux qui sont quasiment obligés de venir. Impossible de boycotter des jeux d’hiver où ses propres fédérations sportives se rendront, c’est un piège dans lequel les Occidentaux sont déjà tombés. Leurs sponsors sont obligés de s’y rendre et de payer, les journalistes sont obligés de suivre et de montrer au monde entier que la machine chinoise fonctionne bien mais qu’en plus, elle protège le monde du virus puisqu’elle a isolé les sportifs et empêcher le public de se frotter.

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Après les jeux d’hiver, le gouvernement chinois va ouvrir, cette année, le 20e congrès du parti communiste, qui coïncide aussi avec le 10ème anniversaire du mandat de Xi Jinping. Donc ce congrès sera le couronnement de Xi Jinping, il aura lieu dans les fastes et les lustres du grand palais du peuple à Pékin, à l’automne prochain.

Cet évènement sera l’occasion de faire un bilan de la course engagée avec les Etats-Unis pour le contrôle de l’économie mondiale et de savoir quel sera l’avenir du régime. De deux choses l’une, ou Xi Jinping resigne pour 10 ans de pouvoir absolu, ou il désigne un successeur à qui il laisserait progressivement la main. Personne n’y croit. Mais personne ne sait.

La question qui obsède le monde des affaires est de savoir si la Chine peut continuer de tenir d’une main de fer la gouvernance de cet empire tout en souhaitant accroitre la prospérité des Chinois. C’est le problème. Est-ce que qu’une société centralisée peut bénéficier d’un développement économique accessible au plus grand nombre, sans pour autant desserrer un peu les liens qui existent avec le pouvoir central ?

Pour tous les observateurs et les historiens, le développement économique moderne a besoin de décentralisation, d’innovation pratique, d’intelligence et de liberté. C’est bien ce que le prédécesseur de Xi Jinping avait compris et permis l’émergence de la Chine dans le jeu de l’économie de marché. Xi Jinping n’a pas accepté l’évolution libérale. Il l’a freinée et même bloquée. Il sera obligé de la débloquer.

Actuellement, Xi Jinping renforce la centralisation et le contrôle des initiatives. Mais s’il n’a pas d’élections pour mesurer l’acceptation de sa politique par le peuple, il a aussi les réseaux sociaux et les sondages d’opinion.

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Les réseaux sociaux chinois disent à leur façon, la fatigue des Chinois et parfois même leur colère. Les sondages d’opinion également.

Sur la Covid, les Chinois des villes (immenses) se rendent compte que le virus n’est pas contrôlé et que l’industrie chinoise est incapable de produire un vaccin. Les riches de Shanghai ou de Pékin se font vacciner au Pfizer qu’ils obtiennent au marché noir à Hong Kong, véritable passoir au profit de la classe dirigeante chinoise.

Sur l’environnement, les Chinois savent bien qu’ils sont les plus gros pollueurs du monde, notamment dans les campagnes, d’où un gros effort dans la plupart des grandes entreprises pour éviter d’émettre des polluants et des gaz carboniques. Ces efforts ne sont pas là pour faire plaisir aux écologistes occidentaux, mais pour calmer les populations de la campagne dont la terre est polluée, ou les banlieues pauvres de Shanghai.

Sur les approvisionnements de produits alimentaires, il commence à exister des problèmes dans certaines grandes villes.

Le moyen assez commode de mesurer l‘état de l’opinion est de compter le taux de rotation des municipalités des grands villes. Autrefois, il y a plus de dix ans, le pouvoir était encore assez décentralisé et la durée de vie d’une équipe municipale était en moyenne de 5 ans. Cette durée de vie s’est réduite progressivement à moins d’un an. Non pas parce que les équipes sont fatiguées et usées, mais parce que les citoyens ne les supportent plus, d’où manifestions et parfois émeutes. Le pouvoir central n’est jamais aussi souvent intervenu que depuis 2019, année du Covid.

Cela dit, cette main de fer de Pékin ne suffira pas à sécuriser le système, d’où la tendance à durcir la politique internationale. Les dirigeants chinois voient des menaces et des complots partout.

D’où des restrictions des visas pour les visiteurs, d’où les critiques contre l’Occident et le refus d’admettre le droit d’expression des étrangers.

D’où la guerre incessante contre les peuples musulmans Ouighours.

D’où les intrusions en Mongolie et les menaces à la frontière russe.

D’où la prise de contrôle et le réarmement militaire et commerciale de la route de soie.

D’où l’asphyxie programmée et déjà avancé de Hong Kong. 

D’où la menace mille fois répétée de reprendre le contrôle de Taiwan.

Pékin a effectivement peur de tout. C’est le marqueur de sa peur. Et actuellement, la seule chose qui rassure l’Occident est de comprendre qu’avec Taiwan, il existe pour les Chinois une ligne rouge à ne pas franchir.

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