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2017, l'année de la "révolution islamique"
©Reuters

Prévisions 2017

Alors que l'année 2016 touche à sa fin, Atlantico propose à ses lecteurs une série de prévisions pour le millésime 2017. Selon Alain Rodier, cette année pourrait bien être celle de la "révolution islamique globale".

Alain Rodier

Alain Rodier

Alain Rodier, ancien officier supérieur au sein des services de renseignement français, est directeur adjoint du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). Il est particulièrement chargé de suivre le terrorisme d’origine islamique et la criminalité organisée.

Son dernier livre : Face à face Téhéran - Riyad. Vers la guerre ?, Histoire et collections, 2018.

 

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L’année 2011 a été l’année des "révolutions arabes" ; 2017 est celle du vrai démarrage de la "révolution islamique globale". En effet, c’est désormais une véritable "révolution" qui est en train de se dérouler au sein-même du monde musulman. Jusqu’à maintenant, le politiquement correct interdisait d’employer des termes aussi forts mais l’évidence des faits impose d’exposer la réalité des choses car on ne peut tenter de résoudre un problème que s'il est posé clairement.

Ceux que l’on appelle les salafistes-djihadistes (mais qu’il serait plus juste de nommer des "takfiris"(1)) dont la doctrine religieuse est basée sur un retour à l’islam des origines et à l’application stricte de la charia, veulent d’abord renverser tous les dirigeants politiques et religieux du monde musulman. C’est pour cette raison que le terme de "révolution" est désormais employé. Les salafistes-djihadistes les considèrent comme des déviants par rapport à la doctrine qui résulte de la lecture littérale du Coran, des hadiths et de la biographie de Mahomet. Ils considèrent que tous les musulmans qui ne partagent pas leur point de vue sont des "apostats" puisqu’ils ne respectent pas la parole de Dieu telle qu’elle a été transmise par son prophète (2). Les takfiris sont donc autorisés à les tuer s’ils ne prêtent pas allégeance au "calife Ibrahim" (alors que, selon les textes sacrés, il est bien interdit pour un musulman de tuer un coreligionnaire).

L’Arabie saoudite, où les oulémas enseignent le wahhabisme - qui est très proche idéologiquement du salafisme -, n’est pas épargnée par cette vague révolutionnaire. Dans le cœur de Bagdhadi, elle est même l’objectif principal. A savoir que c’est la famille Saoud qui est directement visée, les salafistes-djihadistes espérant bénéficier de l’appui d’un certain nombre d’oulémas qui appellent secrètement de leurs vœux la chute de cette dynastie.

Sur un plan plus global, Daesh ne reconnaît aucune institution musulmane, que ce soit la charge de "commandeur des croyants" tenue par le roi du Maroc, celle de "protecteur des lieux saints" en la personne du roi Salmane ben Abdelaziz Al-Saoud, les écoles en religion qui font référence comme celle de Médine en Arabie saoudite ou al-Azhar en Égypte, etc.

Le premier objectif consiste à reconquérir les terres d’islam (Dar al-islam), ce qui veut dire mettre à bas tous les dirigeants politiques et religieux qui sont actuellement en place. Un gros morceau est constitué par les pays où les chiites sont aux commandes (Iran, Irak, Syrie). Cette version de l’islam est considérée comme une véritable hérésie par les doctrinaires de Daesh et ses membres sont désignés comme des "apostats" irrécupérables, c’est-à-dire qu’ils n’ont même pas le droit de vivre (à comparer aux chrétiens et au juifs qui, en raison de leur position de "membres du Livre" peuvent éventuellement être épargnés s’ils se convertissent ou s’il payent la jizya - dîme -).

Le deuxième objectif est de conquérir les pays non musulmans qui sont désignés comme les Dar al-Harb (demeures de la guerre) pour soumettre les infidèles à la charia.

Cette révolution s’inscrit dans la durée et les dirigeants actuels de Daesh savent qu’ils n’en verront pas le terme. En conséquence, ils préparent déjà la prochaine génération de djihadistes qui risque d’être encore plus impitoyable que l’actuelle. En effet, les jeunes actuellement formés dans les écoles de Daesh n’auront connu comme références que la charia et la préparation guerrière. Certains d’entre eux - vraisemblablement les plus méritants - auront même été amenés à assassiner des "espions". Ces futurs combattants sont en conséquence formatés pour mener la guerre sainte qui, à n’en pas douter, sera impitoyable (3).

Si la "révolution islamique" a comme premier champ de bataille tous les pays musulmans du Maghreb à l’Extrême-Orient, les "Dar al-Harb" ne sont pas oubliées. Pour le moment, le but des salafistes-djihadistes est de fracturer les communautés qui vivent en Occident en déclenchant des attentats aveugles. Les musulmans qui peuvent être victimes de ces actions terroristes sont de toutes façons considérés comme des pervertis car, selon la lecture des textes sacrés faite par Daesh, ils ne devraient pas vivre en terres impies mais avoir fait la Hijra (4). Cela n’a rien à voir avec la notion de "pertes collatérales" car les victimes musulmanes d’actes terroristes sont alors considérées comme des coupables ayant mérité leur sort. Les pays où existe une forte communauté musulmane constituent une priorité pour les salafistes-djihadistes afin de radicaliser les différentes parties en créant ainsi un climat préinsurrectionnel dont ils espèrent bénéficier dans l’avenir. Daesh espère ainsi passer de l’acte terroriste aux émeutes qui conduiront ensuite à la révolution. Les seules contrées qui seront préservées sont les endroits où la présence musulmane est négligeable, comme en Amérique latine.

2017, année électorale en Europe et en France en particulier, va donc poser clairement le problème de la "révolution islamique" en marche et comment il convient d'y faire face. Aux politiques d’y répondre tout en refusant de surfer sur un populisme facile qui est, de toutes façons, appelé de ses vœux par Daesh. Le piège est tendu et l’on va voir qui tombe dedans.

  1. (1) Qui peut se traduire par "excommunication". Le takfirisme se définit comme un phénomène terroriste intellectuel qui se traduit ensuite sur le terrain.

  2. (2) Selon eux, la parole de Dieu ne peut être "interprétée", elle doit être appliquée à la lettre.

  3. (3) Il suffit de voir comment les activistes de Daesh assassinent leurs prisonniers, qui sont tous des musulmans. Deux soldats turcs capturés à la mi-décembre dans la région d’Al-Bab en Syrie du nord ont été attachés comme des chiens auxquels ils étaient comparés et brûlés vifs devant de multiples caméras pour bien immortaliser le supplice.

  4. (4) Avoir rejoint un pays faisant partie de "Dar al-islam".

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