2% de soldats de l’EI parmi les migrants : l’étrange affirmation d’un ministre libanais à David Cameron<!-- --> | Atlantico.fr
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"Un activiste formé est un "investissement" que ses employeurs ne veulent pas gâcher par un accident stupide comme couler avec son embarcation."
"Un activiste formé est un "investissement" que ses employeurs ne veulent pas gâcher par un accident stupide comme couler avec son embarcation."
©Reuters

Aiguilles dans une botte de foin

"Parmi les migrants, nous avons des terroristes de Daech qui s’infiltrent", affirmait Christian Estrosi au mois d'août sur France Info. Si jusqu'à aujourd'hui aucun n'a été identifié, le sujet continue d'alimenter les débats en France comme à l'étranger.

Alain Rodier

Alain Rodier

Alain Rodier, ancien officier supérieur au sein des services de renseignement français, est directeur adjoint du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). Il est particulièrement chargé de suivre le terrorisme d’origine islamique et la criminalité organisée.

Son dernier livre : Face à face Téhéran - Riyad. Vers la guerre ?, Histoire et collections, 2018.

 

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Atlantico : Deux sur 100 migrants syriens introduits clandestinement en Europe seraient des combattants de l'Etat islamique, selon le ministre de l'Education libanais. Peut-on confirmer ces chiffres ? Que pouvons-nous savoir sur cette éventuelle présence ?

Alain Rodier : Cette information est à prendre avec d'infinies précautions dans la mesure où la source ne semble pas être spécialisée dans le domaine du terrorisme. De plus, cela entre dans le cadre d'une politique intérieure libanaise pour le moins chaotique aujourd'hui. Elle ravit également toutes les personnes qui veulent diaboliser la vague de migrants qui déferle sur l'Europe.

Personnellement, je ne pense pas qu'il y ait, dans les rangs des migrants, des terroristes entraînés et mandatés pour venir commettre des attentats en Europe. Un activiste formé est un "investissement" que ses employeurs ne veulent pas gâcher par un accident stupide comme couler avec son embarcation. Ils ont les moyens de le faire parvenir à destination par des voies détournées et beaucoup plus sûres. Toutefois, il est très possible que, parmi les réfugiés il y ait des ex-combattants (syriens, irakiens et afghans) qui ont décidé de quitter le champ de bataille pour se diriger vers des lieux plus tranquilles. Étant donnée la grande majorité d'hommes jeunes qui figure parmi ces migrants, il est logique qu'il y en ait un certain nombre (voire la majorité) qui aient porté les armes dans un camp ou dans un autre. A court terme, le risque pour la sécurité n'est pas très important (il y en a bien d'autres mais ce n'est pas le sujet), par contre, à terme quand les réfugiés seront bien installés, des réseaux pourront se développer dans leurs rangs. Et là, ce sera grave.

Est-ce que nous en savons un peu plus sur cette prétendue stratégie ? Que chercherait l'Etat islamique ?

Daesh a promis d'envoyer 500.000 migrants depuis la Libye si une opération internationale se déclenchait dans la région. Mais la menace est plus compliquée. Si Daesh n'a pas pour le moment pour politique de lancer des attentats en Occident (ce qui ne l'empêchera pas de se réjouir de toute action qui serait menée par quelques fanatiques), ce n'est pas le cas d'Al-Qaida "canal historique". Il suffit pour cela de lire la dernière publication du mouvement nommée Inspire diffusée le 9 septembre. Elle s'intitule sobrement "opérations assassinat". Par son intermédiaire, Al-Qaida "canal historique" appelle ce qu’il nomme les "moudjahiddines solitaires" à "hisser la bannière du djihad en conduisant des assassinats". Comme d’habitude, des procédés de fabrication d’engins explosifs improvisés sont détaillés pour leur venir en aide.

A noter que ce numéro d’Inspire accompagne parfaitement les dernières déclarations bellicistes du docteur Ayman al-Zawahiri qui appelle tous les sympathisants à sa cause à passer à l’action là où ils le peuvent : "Nous devons désormais travailler à porter la guerre au coeur des maisons et des villes de l’Occident croisé, et en particulier de l’Amérique". Ibrahim Ibn Hassan al Asiri qui est connu depuis des années comme l’artificier d’Al-Qaida dans la Péninsule Arabique (AQPA) écrit pour sa part un article dans lequel il explique comment l’attentat contre le journal Charlie Hebdo a été organisé par AQPA sur ordre de Ben Laden (mort avant d'avoir connu son exécution). Il détaille le processus à suivre pour renouveler l'expérience :

  • sélection des cibles par Al-Qaida central (ce qui doit déjà être fait) ;
  • planification et lancement des opérations par AQPA ;

  • l’exécution des opérations est laissée à l’initiative des cellules désignées qui sont plus à même de juger des opportunités.

Le risque ne provient donc pas que de "loups solitaires" (qui chassent souvent en meutes) mais aussi de cellules organisées et entraînées. Autant dire que comme le dit une publicité qui tourne en boucle pour une grande chaîne de distribution "on est mal, on est très mal".

Propos recueillis par Cécile Picco

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