1700 TWh d’énergie finale consommée en France chaque année, mais de quelles sources les tirons-nous ? (Partie 1)<!-- --> | Atlantico.fr
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Si on mesure la totalité de l’électricité, des carburants, du gaz, du charbon, des énergies renouvelables consommées durant l’année 2019 la France consomme environ 1650-1700TWh (6 000 000 Terajoules TJ) d’énergie finale.
Si on mesure la totalité de l’électricité, des carburants, du gaz, du charbon, des énergies renouvelables consommées durant l’année 2019 la France consomme environ 1650-1700TWh (6 000 000  Terajoules TJ) d’énergie finale.
©JOEL SAGET / AFP

Consommation

Cette série de 4 articles vise à proposer un grand récapitulatif de la situation de la France vis-à-vis de l’énergie qu’elle consomme.

Clovis  Didry

Clovis Didry

Clovis Didry est enseignant de SVT et vulgarisateur scientifique - diplômé en aménagement du territoire et transition écologique de l'université Paul Sabatier.

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L’énergie, avec les factures qui s’envolent, les menaces de coupures, les débats sur le nucléaire et les renouvelables, elle a pris une place de premier plan dans l’actualité. Mais le sujet est vaste il est difficile de s’y retrouver, de se représenter les chiffres.

Cette série de 4 articles vise à proposer un grand récapitulatif de la situation de la France vis-à-vis de l’énergie qu’elle consomme. Quelles énergies utilisons-nous ? En quelles quantités ? D’où provient-elle ? Comment avons-nous transformés et voulons nous transformer notre utilisation de l’énergie compte tenu de la double contrainte climatique et de raréfaction de certaines sources ? Ce sont à ces questions que cette série cherchera à répondre.

L’ambition est de vous fournir au travers de ces articles les grands éléments chiffrés et sourcés pour vous y retrouver dans les débats actuels. Pour cela je dresserai d’abord un portrait global de l’énergie en France puis je zoomerai sur 3 grands types d’énergies : les énergies fossiles, l’électricité et les énergies renouvelables non électriques.

Avant de commencer il est nécessaire d’établir quelques points de vocabulaire et d’unités. Quand on parle d’énergie on utilise généralement 2 concepts :

-        L’énergie primaire qui est celle que l’on extrait directement de l’environnement : le pétrole, le gaz, le vent, le soleil, l’uranium…

-        L’énergie finale qui est celle qui est directement utilisée par nos machines (vous ne mettez pas directement de l’uranium dans votre four pour faire cuire le rôti du dimanche), celle que vous payez à chaque facture.

Parfois les 2 se confondent comme le gaz dans votre chaudière car le gaz est extrait de gisement et sert ensuite dans votre installation mais ce cas n’est pas général. L’énergie extraite de l’environnement est souvent transformée pour être utilisée comme le pétrole que l’on transforme, qu’on raffine, en carburants divers. J’essayerai au maximum de parler en énergie finale car c’est celle-ci que nous utilisons directement.

Dernier point sur les unités. Là aussi il y a de quoi se perdre. Personnellement je prends le parti de m’exprimer et de convertir au maximum en kilowattheure (kWh) et ses multiples (mégawattheure MWh = 1000kWh, Gigawattheure GWh = 1000 MWh, Terawattheure TWh = 1000GWh).

D’autres unités sont parfois employées comme le MTep ou million de tonnes équivalents pétrole soit l’énergie libérée par la combustion de 1 tonne de pétrole. 1MTep fait 11.63TWh. On trouve aussi la Joule (comme celle indiquée sur les emballages alimentaires) sachant que 1kWh fait 3 600 000 Joules

Les valeurs exactes à notre échelle auront peu d’importance, les dynamiques, les ordres de grandeurs le sont bien plus.

Ce propos introductif étant posé, commençons :

Partie 1 : Quelle énergie consommons nous ?

La France consomme environ 1700TWh d’énergie finale, venant surtout de sources fossiles.

Si on mesure la totalité de l’électricité, des carburants, du gaz, du charbon, des énergies renouvelables consommées durant l’année 2019 la France consomme environ 1650-1700TWh (6 000 000  Terajoules TJ) d’énergie finale. Covid ou non, guerre en Ukraine ou non, cette quantité est en baisse depuis 2005, au même niveau qu’il y a 30 ans. 

Evolution de la consommation d’énergie finale en France par source entre 1990 et 2020

Source : Agence internationale de l’énergie AIE

Ces presque 1700 TWh sont répartis de la façon suivante : 35-40% de pétrole, 20% de gaz, 25% d’électricité (produite par différentes sources, nous en parlerons dans l’épisode 3) et seulement 0.008% de charbon (pour de la chaleur dans l’industrie ici).

Evolution de la proportion des différentes sources d’énergie finale consommée en France entre 1990 et 2020

Source : Agence internationale de l’énergie AIE

La part du pétrole a tendance à baisser : la quantité totale de produits pétroliers consommés a baissé de 20% par rapport au pic de 2005. Le gaz oscille dans un étiage entre 350 et 380TWh hors électricité et reste stable alors L’électricité elle est passé de 380 à 479TWh (avant COVID) soit +25% en 30ans.

Bref quand on parle énergie en France, c’est surtout énergies fossiles dont il est question, or vous le savez c’est la combustion de ces énergies qui est en bonne partie responsable de nos émissions de gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatique

3 secteurs représentent 75% de l’énergie finale consommée

Ces 1700 TWh et leurs prédécesseurs de ces 30 dernières années sont essentiellement consommés par 3 secteurs : l’industrie (20%), les transports (30%), le résidentiels (25%). Les services publics complètent la liste avec 15% de l’énergie totale.


Evolution de la consommation d’énergie finale en France par secteur entre 1990 et 2019

Source : AIE

Evolution de la proportion des différents secteurs consommateur d’énergie finale en France entre 1990 et 2019

Source : AIE

Donc les usines, le transport, les particuliers à domicile, les services que nous utilisons tous au quotidien. Ce sont les 4 mousquetaires de notre consommation énergétique depuis longtemps dans des proportions très stables.

Consommation d’énergie et PIB ont un lien particulier en France

La France consomme donc moins d’énergie mais nous sommes à la fois plus nombreux et plus riche (le PIB a augmenté) qu’en 1990. La consommation d’énergie en France est donc pour partie anticorrélée du PIB. C’est-à-dire que nous arrivons à produire plus de richesses dans nos frontières sans pour autant consommer plus d’énergie. Attention, ce n’est pas le cas à l’échelle mondiale et l’emprunte énergétique, qui compte l’énergie importées (celle qu’il a fallu pour produire l’écran sur lequel vous lisez cet article qui a été importé), ne voit pas une courbe aussi nette.

La seule chose que nous pouvons tirer de ce graphique c’est que les activités qui ont lieu en France, nonobstant l’énergie importée, utilisent de moins en moins d’énergie pour un PIB toujours plus grand. Toutefois, le discours indiquant que nous ne ferions qu’exporter nos émissions en Chine n’est plus aussi évident de nos jours. 

Quoiqu’il en soit à l’intérieur de nos frontières, ces années 2004-2005 marquent le début de l’inflexion de la consommation de pétrole, de gaz et d’énergie en général. Pourquoi ? Là est la question. Jean-Marc Jancovici soutient la thèse de l’offre contrainte : le pic de pétrole conventionnel date de 2006-2008, le pic de gaz de la mer du nord de 2005, 2000 pour son pétrole. L’Europe, donc la France, aurait de ce fait depuis ces années impossibilité physique d’avoir plus d’énergie qu’elle le veuille ou non. D’autres pensent à une baisse naturelle de la demande liées à la désindustrialisation, à des mouvements de l’économie mondiale car cette anticorrélation s’observe dans de nombreux pays développés.

La France consomme autant d’énergie par habitant que ses voisins mais cette énergie est moins carbonée

Les français sont-ils gourmands en énergie à l’échelle des pays développés (à l’échelle du monde c’est évident) ? En 2019 chacun d’entre nous consommait en moyenne 25300kWh/an contre environ 31000 en 2005 au moment du pic de consommation d’énergie.

Consommation d’énergie finale/ habitant/ an de la France et de ses voisins (+USA et Chine) en 2019

Données Brutes : AIE
Graphique : Clovis DIDRY

La France est donc dans un étiage proche de ses voisins à l’exception du Luxembourg, nous ne sommes donc pas plus vertueux que nos voisins. Les USA sont hors catégories et la Chine n’a pas atteint la consommation par habitant de la vieille Europe.

En France comme ailleurs, l’énergie provient surtout de sources carbonées fossiles, il est donc important de mettre en rapport cette consommation d’énergie avec les émissions de gaz à effet de serre (GES) pour voir si nous sommes plus ou moins vertueux.

Evolution de l’intensité carbone de la consommation d’énergie de la France et de ses voisins (+USA et Chine) entre 1991 et 2019

Données Brutes : AIE
Graphique : Clovis DIDRY

Comme vous le voyez nous faisons globalement mieux, notre énergie est plutôt moins carbonée que nos voisins ou que les 2 premières puissances mondiales. Nous pouvons expliquer ça par l’électrification plus poussée qu’ailleurs avec une électricité décarbonée (nucléaire + renouvelable) pour l’essentiel. Partout la tendance est à la baisse de cette intensité.

Alors attention, ce n’est pas parce que nous faisons mieux que d’autres que nous en faisons assez ! Ce n’est pas non plus parce que la tendance est à la baisse que c’est suffisant.

Ces 2 derniers indicateurs sont intéressants mais il faut également regarder la consommation absolue d’énergie pour en déduire les émissions absolues qui seules comptent dans la lutte contre le réchauffement climatique. L’analyse est complexe pour déterminer qui est « vertueux ». Globalement nous sommes plutôt dans les échelles du pire que dans celles du meilleur notamment parce que notre énergie, comme partout est très dépendante aux énergies fossiles fortement émettrices quoiqu’il en soit.

La France s’est fixé des objectifs de consommation d’énergie à l’avenir visant à sortir des énergies fossiles

Pour terminer avec ces généralités penchons-nous sur l’avenir de notre mix énergétique. Pour cela nous pouvons nous référer à 3 types de documents : tout d’abord la SNBC ou Stratégie Nationale Bas Carbone qui date de 2015 et est une feuille de route pour la décarbonation de l’économie. Ensuite la PPE, ou Programmation Pluriannuelle de l’Energie qui a un aspect opérationnel en planifiant sur 5 et 10 ans les objectifs de transition énergétique. La dernière date de 2016, révisée en 2018 et va jusqu’en 2028. Enfin nous pouvons regarder les moultes scénarios proposés à la fois par des agences publiques, comme l’ADEME (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) ou RTE (Réseau de Transport d’Electricité, le gestionnaire du réseau électrique à grande échelle), ou des associations comme Négawatt, Les Voix du Nucléaire.

Si nous nous fions à la SNBC, elle s’appuie sur un scénario de référence élaboré au cours d’un exercice de modélisation commun à la PPE de métropole continentale. Ce scénario, nommé « Avec Mesures Supplémentaires » (AMS), prend en compte des mesures de politiques publiques, en supplément de celles existant aujourd’hui. Il prévoit ainsi une baisse de la consommation d’énergie pour les transports (-60%), le résidentiel (-40%), dans l’industrie (15%), il prévoit une défossilisation une électrification de cette consommation.

Source : SNBC

Pour répondre à ces transformations, la consommation d’électricité doit augmenter de 30%.

 Source : SNBC

Si nous regardons la PPE, qui est  bras armé de la SNBC, nous voyons qu’à plus court terme l’objectif est de réduire la quantité d’énergie finale consommée. Vu la tendance « naturelle », la sobriété fortement poussée en ces temps de pénuries et les pénuries elles-mêmes, les objectifs de 2023 devraient être atteint. Nous entrerons davantage dans le détail de ces prévisions et de savoir si elles sont atteintes ou non dans les prochains épisodes.

Source : PPE

Au-delà de 2028, plusieurs scénarios offres différentes voies pour la transition énergétique vers un système décarbonés.

Pour aller au-delà de 2028, la littérature est composée des scénarios mentionnés plus haut, je vous propose d’en regarder quelques-uns dans les grandes lignes, ils seront explorés plus en détail dans les suites.  Avant cela petit disclaimer, je n’ai pas prétention de dire quel scénario est le meilleurs, c’est à chacun de se faire son avis en son âme est conscience suivant ses priorités et convictions personnelles au regard de la crédibilité de certaines hypothèses qu’ont ces propositions.

L’ADEME propose 4 scénarios impliquant tous un fort déploiement des énergies renouvelables ainsi qu’une baisse de la consommation d’énergie finale. Le nucléaire est plus ou moins présent mais l’électricité prend une part de plus en plus importante. Ces scénarios sont raccords avec la SNBC, logique car c’est une agence publique.

Source : ADEME – Transitions 2050

RTE quant à lui s’occupe davantage de la production électrique, mais il se place de un cadre où la consommation d’énergie finale baisse fortement en 2050 pour son scénario de base. J’aborderai ses propositions concernant l’électricité plus tard dans l’épisode dédié, je vous laisse tout de même le résumé. 

Source : RTE Futurs Energétiques 2050

Concernant les associatifs nous avons Negawatt, les grands partisans d’un mix basé uniquement sur les énergies renouvelables en faisant appel à l’efficacité et la sobriété pour rendre cette vision possible.

Source : Negawatt Scenario 2022

Ce sont les seuls à imaginer un scénario ou la quantité d’électricité produite ne serait pas orientée à la hausse, l’objectif est de sortir à la fois des combustibles fossiles et du nucléaire. Nous le verrons plus tard mais sachez que le gaz restant (200TWh final en 2050) est prévu comme renouvelable lui aussi comme les carburants liquides restant.

Source : Negawatt Scenario 2022

Les énergies renouvelables prévues sont essentiellement le bois, le biogaz, l’éolien et le photovoltaïques qui doivent prendre en 30 ans un essor énorme !

Enfin voyons le dernier arrivé, le scénario des Voix du Nucléaire appelé TerraWater qui a l’originalité d’essayer de se projeter au-delà de 2050. Il s’appuie sur un mix énergétique fortement électrifié (71% du total consommé) et une baisse de la consommation d’énergie finale. Ce mix très électrifié se basse sur le triptyque Nucléaire/Hydroélectricité/ENRi (intermittentes).

Là aussi le scénario est essentiellement électrique, il sera donc abordé davantage dans l’épisode défié.

Voilà pour ce premier – dense- épisode. La France est donc un pays à la consommation d’énergie essentiellement fossile bien que plus électrifié que ses voisins. Ce sont les transports, le bâtiment et l’industrie qui utilisent cette énergie pour l’essentiel. Cette consommation baisse et se décarbone depuis presque 20ans et devrait poursuivre cette voie si nous nous fions aux diverses planifications, que nous respectons nos engagements et compte tenus des contraintes internationales.

Maintenant que les bases de la consommation et des perspectives concernant l’énergie sont posées, nous pouvons passer à la qui suite nous emmènera étudier le cœur du problème, les énergies fossiles.

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