"Weirdos wanted": la méthode Johnson ou le recrutement de profils atypiques (et hors élites)<!-- --> | Atlantico.fr
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Boris Johnson
Boris Johnson
©Darren Staples / Reuters

Anti-Macron

Le gouvernement britannique cherche à recruter des profils atypiques, hors des élites. Et les recruteurs font appel à d'étranges méthodes pour trouver les candidats idéals.

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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Pour Dominic Cummings, la diversité que doit accumuler un chef de gouvernement dans son entourage, c’est la diversité cognitive

L’annonce est passée inaperçue, à part un article dans le Figaro, sans doute parce que beaucoup de nos commentateurs n’ont pas encore admis que la victoire de Boris Johnson puisse être un objet d’étude rationnelle. Le Brexit n’aurait pas dû avoir lieu, il est une aberration, il faut s’accommoder de l’absurdité mais circulez, il n’y a rien à comprendre. Pourquoi voudriez-vous donc que l’on prête attention à une annonce mise par le conseiller spécial de Boris Johnson sur son blog pour recruter de nouveaux fonctionnaires? A fortiori si l’on ne comprend pas très bien son anglais, où il nous parle de « frappa-dingues » et de « ratés ». Et accumule les références à ses personnages de science-fiction favoris. Dominic Cummings veut des profils atypiques. Il pense que son pays a failli rater le Brexit de par le conformisme de sa classe politique et de sa haute fonction publique - rappelons-nous les négociations entre Michel Barnier et Oliver Robbins, le négociateur en chef de Theresa May. Il faut recruter des gens différents. 

Vous penserez avoir raison de ne pas vous émouvoir plus que cela. Le syndicat des fonctionnaires gouvernementaux a déjà fait savoir qu’il s’opposeraient à toutes ces fantaisies. On a mis sous les yeux des conseillers du Premier ministre tous les règlements que l’on peut accumuler pour expliquer qu’on ne rentre dans la fonction publique que par la voie conventionnelle. Circulez, il n’y a rien à voir. Cummings a fait son temps et il fera long feu à Downing Street maintenant que Johnson est installé. 
Dommage que personne n’ait pris cela au sérieux. Car il y a une petite bombe au milieu de l’annonce. Le conseiller de Boris Johnson explique que la grande diversité à laquelle personne ne pense, c’est la diversité cognitive. Le maître d’oeuvre de la stratégie pour faire gagner le vote Leave en 2016 puis les conservateurs en 2019 bouscule la bien-pensance de notre temps. Pourquoi Corbyn a-t-il perdu? Parce qu’il ne suffit pas de mettre des gens qui crient « vive les différences! » autour d’une table. Il y a vingt ans, on parlait de diversité sociale, depuis dix ans on nous rebat les oreilles de diversité ethnique, d’options sexuelles etc....Mais cela a-t-il permis à Corbyn et sa bande de gauchistes bon teint de comprendre ce que pensait la population britannique? Cummings réclame non plus un cocktail d’identités mais un choc d’expériences différentes et contradictoires. Il veut des gens qui aient vu le monde, soient assez expérimentés pour savoir écouter et acceptent la vision en relief. 
On dit toujours que la France adopte les innovations américaines avec quinze ans de retard. Il se trouve qu’aujourd’hui la politique britannique est plus mûre, plus équilibrée que la politique états-unienne, où l’on devra attendre les élections présidentielles de la fin 2020 pour savoir où se trouve le nouveau point d’équilibre. C’est vers Londres que nous pouvons, que nous devrions regarder. Et il faut souhaiter que ne se passent pas quinze ans avant que nous adoptions de bonnes idées venues d’outre-Manche. 
Notre président est toujours englué dans l’idée qu’il faut supprimer l’ENA. Boris Johnson sait, lui, qu’il ne changera pas par un coup de baguette magique la haute fonction publique britannique: il a besoin de directions ministérielles de grand niveau. En revanche, rien n’interdit de diversifier les recrutements. Mais il ne regarde pas dans le rétroviseur, il laisse Dominic Cummings mettre en avant une diversité qui réconcilie la haute fonction publique avec le réel: la capacité à changer de points de vue car on a effectivement vu quelque chose dans sa vie. 

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