(Même pas encore) post-Covid : l’incroyable rebond économique américain qui devrait sérieusement faire réfléchir l’Europe<!-- --> | Atlantico.fr
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Joe Biden évoque les 50 millions de doses du vaccin contre la Covid-19 administrées aux Etats-Unis lors d'un événement à Washington le 25 février 2021.
Joe Biden évoque les 50 millions de doses du vaccin contre la Covid-19 administrées aux Etats-Unis lors d'un événement à Washington le 25 février 2021.
©SAUL LOEB / AFP

PIB

Avec l'amélioration de la situation sanitaire aux Etats-Unis, le PIB américain semble surpasser les prévisions avant la pandémie. Comment expliquer ce phénomène et cet impressionnant rebond économique américain ? Les pays de l'Union européenne pourraient-ils s'en inspirer ?

Rémi Bourgeot

Rémi Bourgeot

Rémi Bourgeot est économiste et chercheur associé à l’IRIS. Il se consacre aux défis du développement technologique, de la stratégie commerciale et de l’équilibre monétaire de l’Europe en particulier.

Il a poursuivi une carrière d’économiste de marché dans le secteur financier et d’expert économique sur l’Europe et les marchés émergents pour divers think tanks. Il a travaillé sur un éventail de secteurs industriels, notamment l’électronique, l’énergie, l’aérospatiale et la santé ainsi que sur la stratégie technologique des grandes puissances dans ces domaines.

Il est ingénieur de l’Institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace (ISAE-Supaéro), diplômé d’un master de l’Ecole d’économie de Toulouse, et docteur de l’Ecole des Hautes études en sciences sociales (EHESS).

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Atlantico : Avec le succès de l’opération Warp Speed, la situation sanitaire aux États-Unis semble s’éclaircir de plus en plus. Sur le plan économique, selon une analyse de la Deutsche Bank, le PIB du pays semble surpasser les prévisions pré-pandémie. À quoi est dû cet incroyable rebond économique américain ? Est-ce une prévision réaliste étant donné que le pays n’est pas encore sorti de la crise ? 

Rémi Bourgeot : On voit d’un côté l’effet de plans de relance gigantesques, dont celui avancé par Biden s’élève actuellement à 1900 milliards de dollars, et, de l’autre, un effort sanitaire sans précédent pour assurer la vaccination de la population. D’ici trois mois chaque adulte américain est supposé avoir eu accès à un vaccin contre le coronavirus. En à peine plus d’un an, plusieurs vaccins efficaces et novateurs auront été développés, grâce à d’efficaces partenariats avec le privé, et administrés à la population générale. Comme partout la gestion de la pandémie a connu et connaît encore aux Etats-Unis son lot de développements chaotiques, dans un climat politique difficile, mais le pays est parvenu à poursuivre une stratégie sensée par-delà les soubresauts partisans. Le choc de 2020 continuera à peser de façon redoutable aux Etats-Unis comme ailleurs, autant par ses conséquences sociales que par les déséquilibres financiers monumentaux qu’il a engendrés, avec son lot d’entreprises zombies notamment. Cependant, il est important de voir à quel point l’organisation scientifique et technologique permet aux Etats-Unis de se maintenir à travers les crises, qu’elles soient nées au cœur du système américain comme celle de 2008 ou qu’elles soient parfaitement exogènes comme celle du covid. Cette force repose avant tout sur la capacité d’inclusion des compétences technologique, bien plus encore que sur les choix de stratégie économique, monétaire ou fiscale.

Ce rebond pourrait-il se poursuivre ces prochaines années ? 

Naturellement, effacer à court terme l’effet de la crise sur le PIB réel ne revient pas à en effacer tous les effets dévastateurs ni, en tant que tel, à assurer un régime de croissance dans la durée. Cette crise continuera à marquer les catégories les plus vulnérables de la population et notamment les jeunes. Sur le plan financier, ce rebond a aussi été nourri par une politique monétaire ultra-expansionniste, visant à la fois à stimuler le crédit privé et à simplement absorber la dette publique émise dans le cadre des efforts de relance. Cette coordination entre le monétaire et le fiscal permet une réponse adéquate. Cependant le rôle démesuré accordé aux marchés financiers dans cette opération, suivant le principe même du QE, promet de gonfler de nouvelles bulles, notamment immobilières, qui menacent en retour d’affaiblir de larges catégories d’Américains et le tissu productif.

S’il faut mesurer ces risques et les failles du dispositif monétaire, il faut saluer la capacité de coordination qui a permis de mettre au centre de la réponse américaine un effort scientifique inédit.

Les pays de l’Union Européenne devraient-ils s’inspirer du plan de relance américain pour obtenir de tels résultats ? 

Il faut peser les divers aspects, économiques et scientifiques, de la position difficile dans laquelle se retrouve l’Europe. La zone euro a mis en œuvre une réponse monétaire massive, mais contrairement au cas américain, la coordination reste très difficile entre le monétaire et le fiscal, en raison des divergences entre pays membres. On voit les mêmes difficultés dans la mise au point d’une réponse économique que d’une réponse sanitaire, avec le fiasco de la vaccination. Les pays européens ont mis en œuvre des plans de soutien budgétaire en fonction de leur situation sur le front de la dette. On a ainsi vu l’Allemagne suspendre un certain nombre de règles budgétaires et, pour l’instant (avant la mise en place du plan Biden), mettre en œuvre une relance qui n’est pas très éloignée de celle des Etats-Unis. A l’opposé les pays du sud de la zone euro et la France ont offert une réponse bien plus limitée.

Le principal problème a consisté à reposer sur des mécanismes existants, répondant à des crises passées comme la crise de l’euro. C’est le cas d’une large partie du plan de relance européen, dont près de la moitié prend la forme de prêts aux Etats. De la même façon, les injections de la BCE sont pensées comme un outil de relance à part entière alors que son utilité devrait surtout relever d’une coordination avec les Etats pour mettre en œuvre une relance budgétaire plus ambitieuse et ciblant la préservation du tissu productif et des jeunes générations.

A cet égard il faut mesurer l’écart dans les situations auxquelles vont être confrontés les pays européens ces prochaines années. Comme lors de la crise précédente, l’Allemagne devrait mettre à profit sa structure ultra-exportatrice et notamment profiter de la relance pratiquée outre-Atlantique. L’échec sur le front du vaccin présage cependant pour l’ensemble du continent la gravité du retard en matière de stratégie technologique. Les approches économiques qui se sont développées dans le sillage de la crise de l’euro en France et dans le sud de la zone, ont avant tout reposé sur l’abaissement du coût du travail et la flexibilisation du secteur privé tout en maintenant des structures publiques inertes. Elles font tragiquement l’impasse sur la question scientifique et, en particulier, sur l’inclusion des compétences indispensables au développement technologique. L’écrasement des jeunes générations en est un élément central, particulièrement dommageable pour la stabilité européenne.

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