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Et un nouveau candidat à la primaire : Bruno Le Maire secoue-t-il la droite ou uniquement ses concurrents ?
©Reuters

Qui s’en soucie ?

Alors que Bruno Le Maire a annoncé officiellement sa candidature aux primaires de la droite à Vesoul ce mardi 23 février, il suscite déjà de nombreuses inquiétudes pour les autres candidats de son camp, sans exception. Il lui reste encore à enflammer les électeurs.

Jean Garrigues

Jean Garrigues

Jean Garrigues est historien, spécialiste d'histoire politique.

Il est professeur d'histoire contemporaine à l' Université d'Orléans et à Sciences Po Paris.

Il est l'auteur de plusieurs ouvrages comme Histoire du Parlement de 1789 à nos jours (Armand Colin, 2007), La France de la Ve République 1958-2008  (Armand Colin, 2008) et Les hommes providentiels : histoire d’une fascination française (Seuil, 2012). Son dernier livre, Le monde selon Clemenceau est paru en 2014 aux éditions Tallandier. 

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Atlantico : le 18 février, l'hebdomadaire Le point titrait "Le Maire, l'homme qui secoue la droite".  En quoi la candidature de Bruno Le Maire aux primaires des Républicains représente-t-elle une véritable "secousse" au sein de la droite ? Et si secousse il y a, atteint-elle les électeurs, ou simplement les autres candidats ?

Jean Garrigues : Il faut bien reconnaître que la situation politique est telle que nous sommes dans une incertitude historiquement exceptionnelle. Le jeu a rarement été aussi ouvert qu’aujourd’hui, car dans la tradition de la droite française, le candidat potentiel est soit le président sortant, soit le chef de parti. Et comme Nicolas Sarkozy ne fait pas l’unanimité, ce rejet partiel fait porter l’attention sur le renouveau, et aussi le déjà-vu, ce qui explique en partie l’image et la construction médiatique de Bruno Le Maire.

Il faut reconnaître aussi que la campagne qu’il avait faite pour l’élection du président de l’UMP est une réussite car il s’était installé comme une figure de l’UMP.

Maintenant sur le fond des choses, il n’y a rien dans les idées ou le programme qu’il propose qui serait de l’ordre de la "révolution copernicienne" de la droite. Quand on regarde quelles ont été les étapes clés de la droite au cours de la Vème République, il y a d’abord le renouvellement incarné par le général de Gaulle. A sa manière, Valéry Giscard d’Estaing a aussi fait bouger les lignes. Enfin, le tournant néo-libéral de la droite dans les années 80 a aussi été une étape importante… C’est dans des moments comme ceux-ci que l’on a senti qu’une nouvelle époque commençait. Avec Bruno Le Maire, il est plus difficile de parler de renouvellement. A cet égard, celui qui a le programme qui pourrait incarner un véritable renouveau néolibéral, c’est plutôt François Fillon.

Côté charisme, si Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy ont renouvelé la droite non par leurs idées mais par leur charisme et leur capacité à susciter une dynamique politique, on ne peut non plus dire que Bruno Le Maire soit à la hauteur de ses prédécesseurs. Car il a un déficit de charisme, un côté "gendre idéal" un peu tiède, qui n’est pas à la hauteur de ce que sa famille politique a pu connaître.

On est en réalité davantage dans une sorte de jeu de rôle, d’apparence, plutôt que d’incarnation du changement.

Jean-Christophe Cambadélis, secrétaire général du PS, le décrit ainsi : "Bruno Le Maire est le candidat le plus dangereux parce qu'il allie à la fois une position très, très à droite, quand on regarde et quand on l'écoute. Et en même temps, il se présente comme un centriste bon teint". En quoi Bruno Le Maire pourrait représenter une menace pour les autres candidats ? Comment définir son positionnement politique ?

Ce qui est sûr c’est qu’effectivement s’il devait y avoir une ligne de partage entre les droites aujourd’hui, elle laisserait sans doute voir une tripartition. François Fillon y incarnerait le porteur de la clarification libérale avec un programme de rénovation économique, axé sur la libération des énergies productives. Son programme est bien identifiable. Nicolas Sarkozy quant à lui mise sur l’ordre, l’autorité et la sécurité que certains peuvent interpréter comme un clin d’œil au populisme. Enfin, il y a une autre droite plus conforme à la tradition chiraquienne représentée par Alain Juppé, une droite humaniste, sociale, plus modérée…

Dans ces trois directions, on ne voit pas très bien quelle est la position de Bruno Le Maire, il n’est pas identifié à un corpus d’idées ou de valeurs qui le distinguent vraiment des autres.

Dans cette conjoncture, il peut donc mordre sur l’électorat d’Alain Juppé, qui se méfie du populisme et des dérives identitaires ou autoritaires...

Mais il est aussi possible qu’il prenne des voix à l’électorat potentiel de Nicolas Sarkozy car sur les questions régaliennes, sur l’immigration et l’identité il est sur une ligne assez à droite lui-aussi. Sur les questions économiques, et sous réserve d’un inventaire plus précis, il n’est pas très éloigné de François Fillon.

Laurent Wauquiez a quant à lui souffert de sa candidature, que ce soit lorsqu’il était ministre avec son projet de droite sociale en 2011, de renouvellement de la classe politique, mais aussi plus récemment. Sur ce terrain du renouvellement, Bruno Le Maire a une longueur d’avance et un capital crédibilité, une image de cohérence, de serviteur de l’Etat, que n’a sans doute pas Laurent Wauquiez.

Cette position peut ainsi faire sa force comme sa faiblesse. Si l’envie de renouveau est l’élément prioritaire des électeurs pendant la primaire, et comme il a réussi cet effet d’image, son âge et son expérience politique moins longue que les autres pourront provoquer des secousses chez les autres candidats et lui en faire bénéficier. Mais si les électeurs sont dans l’attente de plus, et faute d’identité politique propre, cette position lui portera préjudice.

Parmi les candidats actuels, quelles sont les personnalités qui pourraient profiter de sa candidature, de l’élan qu’il semble incarner ?

Selon moi personne. Précisément, il a mieux réussi que Laurent Wauquiez sur l’incarnation du renouveau, sur l’élan moderniste. Mais la campagne de la présidence de l’UMP a été un choix gagnant et lui a permis de s’installer sur ce créneau sans réelle concurrence.

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