Alors que le Congrès des « Amis du peuple syrien » se tient ce dimanche à Istanbul, on peut rétrospectivement s’interroger sur la position de la France quant à la crise syrienne depuis maintenant près d’un an. Une action diplomatique qui se voulait en apparence avant-gardiste, dans la foulée du « succès » libyen et qui semble largement avoir manqué sa cible. La question qui se pose est maintenant est de savoir s’il est possible de faire volte-face.
Dès les débuts du conflit, la diplomatie française, sans doute persuadée d’un chute rapide du régime, a encouragé une montée aux extrêmes, suivant en cela le régime lui-même, débarrassé d’avoir à compter sur une négociation avec des interlocuteurs crédibles, issue de l’opposition intérieure.
Dès le départ, il y a eu de la part du ministre des Affaires étrangères Alain Juppé une erreur d’appréciation fondamentale. Tout se passe comme si la diplomatie française avait sciemment et au mépris de ce que tous les observateurs, y compris au Quai d’Orsay prévoyaient, sous estimé la capacité de résistance du régime, soudé autour de l’assabiya alaouite et disposant d’une armée mal équipée mais bien entraînée.
Ce que n’ont pas vu aussi les Occidentaux c’est que l’environnement régional immédiat, notamment la proximité de l’Irak a joué et continué de jouer un rôle largement dissuasif dans l’attitude majoritairement attentiste voire loyaliste de la population syrienne, y compris parmi la bourgeoisie sunnite. Le spectre du terrorisme et des affrontements entre communautés en Irak a ainsi servi de repoussoir et chaque nouvel attentat à Damas ou à Alep vient rappeler cruellement cet engrenage de la violence. Pour les voisins immédiats de la Syrie, y compris Israël, toute intervention étrangère était également à exclure, en raison des résonnances territoriales de la question kurde, de la présence des chiites, etc.
Mais alors pourquoi avoir feint de tout essayer? Est-ce pour se rattraper de n’avoir pas vu venir le « printemps arabe » au Maghreb et dans l’ivresse court-termiste du succès libyen que la diplomatie française s’est lancée dans une surenchère volontariste ? Auprès du Conseil de Sécurité d’abord pour une intervention militaire dont Russes et Chinois avaient clairement indiqué qu’ils ne voudraient pas : après les entorses au droit international commises sur le terrain par les forces de l’Otan à la résolution 1973 en Libye, il était évident qu’après avoir eu l’impression d’être flouées, la Russie et la Chine refuseraient de donner un blanc-seing aux Occidentaux en Syrie.
Dès les débuts de la révolte en Syrie, certains observateurs ont mis en garde contre le risque de guerre civile en cours tandis que la France ne voulait voir dans les insurgés syriens que des « révolutionnaires » et des activistes. Il lui a fallu près d’un an pour admettre et reconnaître à demi-mots que l’opposition armée à Bachar el Assad était totalement multiforme, surtout pas le fait unique d’une « Armée syrienne libre » aux contours assez flous mais de plus en plus le fait de groupes armés d’inspiration djihadiste. Sans doute que la situation chaotique qui règne dans la Libye « démocratique » post-Kadhafi a pu faire réfléchir les responsables français, mais que de temps perdu ! Et quelle illusion de feindre que les aspirations démocratiques des Syriens pourraient être portées sur les fonts baptismaux par des puissances aussi peu crédibles sur le plan des droits humains que les Saoudiens et les Qataris. La diplomatie française a ensuite en janvier 2012, à la suite de l’Arabie Saoudite, fait tout pour enterrer et faire passer pour un échec la Mission des Observateurs de la Ligue Arabe, mission certes imparfaite mais qui donnait un autre son de cloche sur la réalité du terrain.
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